chapitre 1

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Chapitre 1

Je n'y crois pas, c'est impossible, lui mon héro, mon chevalier, mon conteur, est parti pour Thairis (l'au delà), alors qu'il m'avait juré ne jamais me quitter, comme l'a fait le fils de la Princesse Fée !

Ma mère et moi sommes à son enterrement, il nous quitte suite à une infection pulmonaire fulgurante.

Juste avant de rendre son dernier souffle, ses derniers mots, tout en me remettant son pendentif, que je ne lui avais jamais vu retirer, ont été pour moi "tha thu agus bidh thu an-còmhnaidh na neach-cùraim banfhlath" (tu es et sera toujours la princesse des gardiennes). Je n'ai pas compris ce qu'il voulait dire. Peut être la gardienne de toutes ses légendes et histoires qu'il n'a pas cessé de me raconter depuis que je suis née. Je lui en ai fait le serment, jamais je ne pourrais oublier toutes ces magnifiques histoires, et le gaélique sera toujours ma langue préférée.

Ce n'était pas l'amour fou entre mes parents, mais notre petite vie à Sighthill, en banlieue d'Edimbourg, était sans problème. Ils travaillaient tous les deux à la biscuiterie Burton, au bout de notre rue. Une vie tout ce qu'il y a de plus normale.

Sauf qu'aujourd'hui, ma mère, en plus de pleurer mon père, pleure notre futur. C'est lui qui ramenait le plus d'argent à la maison. Même si nous habitons un appartement à loyer modéré, le salaire de ma mère ne suffit pas à le payer!

Ma vie sans lui devient monotone. Plus rien ne me motive, à part me plonger dans les livres et rêver encore et toujours. Rester dans mon coin, ne plus parler, du moins encore moins que d'habitude. Rester à l'écart de tous, comme si je ne faisais pas partie de ce monde.

Plus personne pour me faire comprendre que la vie pouvait être rêvé et non vécu !

Ma mère ne m'a jamais raconté d'histoire, ne s'est jamais réellement occupée de moi, alors ses absences pour son travail ne me dérangent pas.

Elle trouve rapidement un second emploi de serveuse, qu'elle commence après l'usine et ce jusqu'à 23h00. Heureusement, je suis une petite fille plutôt facile, tranquille, réservée même, mais débrouillarde et un peu dans mon monde. La solitude ne me pèse pas, bien au contraire. J'ai le temps de fermer les yeux tranquillement, en rêvant aux princes des Highlands, ou aux contes et légendes Écossais que j'aime tant, sans entendre ma mère sangloter doucement dans la cuisine, pour ne pas m'attrister encore plus de la perte de mon héro.

Depuis quelques temps, elle rentre de plus en plus tard. De grands sourires remplacent rapidement, sa tristesse. Elle m'apporte même des bonbons, qu'elle ne pouvait plus se permettre de m'acheter depuis le décès de mon père. Elle se maquille, s'habille de plus en plus élégamment et la joie dans ses yeux fait plaisir à voir.

Sept mois après que mon père nous ait quittés, elle m'annonce une nouvelle qui allait changer ma vie, comme jamais je n'aurais pu l'imaginer !

— Eireen, je dois te parler. Tu es grande maintenant, bientôt 13 ans et une petite fille mûre et intelligente pour ton âge. Aujourd'hui je viens de démissionner de la biscuiterie.

— Démissionner ? Mais serveuse ne te rapporte pas assez pour nous deux, tu n'arrêtes pas de le dire.

— C'est vrai, tu as raison. Mais voilà... elle hésite à me parler, c'est étrange, pas du tout son genre, elle qui aime me parler de tout et de rien sans gêne. Je suis encore assez jeune et un homme m'a trouvée à son goût et moi aussi de mon côté.

— Tu as trouvé un nouveau chevalier des Highlands ?

— Oui, on peut le dire. Et ce chevalier aimerait te connaître pour, peut être ensuite, vivre avec lui.

— Dans son château ?

— Non, Eireen, mais dans un endroit beaucoup plus luxueux que cet appartement.

— Oui, mais ici papa vit toujours avec nous. Dans la nouvelle maison...

— Papa te suivra partout où tu iras, ma petite Banfhlath (princesse). Jamais il ne t'abandonnera. Cet homme ne le remplacera pas, mais nous pourrions essayer d'être une famille ensemble. Il m'offre beaucoup, c'est une chose inespérée pour nous deux aujourd'hui. Je t'ai déjà parlé de lui, Cameron, le patron du pub où je travaille le soir. Voilà c'est lui mon Prince des Highlands. Demain midi nous irons manger avec lui, je te le présenterai. Je suis sûre que tu apprécieras, tu verras, il est drôle, un peu bourru, mais c'est un écossais, donc rien d'anormal ! Nous sommes amoureux, je suis heureuse avec lui et j'espère que tu le seras aussi. Je sais que tu ne parles pas facilement, mais je voudrais que pour une fois, après l'avoir rencontré, tu me dises ce que tu penses de lui. C'est essentiel pour moi, si nous devons être une famille. Tu veux bien ?

— Oui, màthair (mère), promis.

— Eireen, je n'aime pas t'entendre m'appeler màthair.

Elle me tend les bras et sans demander mon reste me jette dedans en larmes.

— Je ne veux pas d'un autre père, je veux le mien, maman. Je veux mon père, celui qui m'apprenait les légendes écossaises, le gaélique, les histoires de fantômes. Je n'en veux aucun autre.

— Je sais que tu es une petite fille solitaire et que, seul ton père pouvait te sortir de ton isolement, avec ses merveilleuses histoires qui te transportaient. Malheureusement aujourd'hui nous devons vivre notre vraie vie. Même dans les légendes de papa, les héros n'avaient pas toujours la vie facile. Aujourd'hui une nouvelle vie va commencer pour nous deux, différente, mais j'espère belle et agréable. Et peut être que Cameron connaît, lui aussi, des contes ou des légendes que papa ne connaiss...

— Papa connaissait toutes les histoires sur l'écosse. Il était le plus grand des athair (père) d'Ecosse. Aucun autre ne sait raconter comme lui. Aucun.

— Je sais ma petite Banfhlath. Essayons de nous créer une nouvelle histoire, peut être comme tu les aimes. Pleine d'amour, d'hommes forts, de fantômes et de princesses rebelles.

Cette idée ne m'enchante pas. Aucun homme ne pourra jamais remplacer mon père. Il était mon chevalier, mon conteur, jamais je n'arriverais à me remettre de sa mort et personne ne pourra le remplacer. Je ne suis pas une petite fille comme toutes les autres, j'aime vivre dans mon monde imaginaire. La vraie vie ne me plait pas, rien de romantique, les garçons à l'école ne sont pas capables de se battre comme de vrais guerriers, tout juste bon à se chamailler comme des enfants. Qu'ils sont !

Dans ma tête, vivent des adultes forts, sans peur avec une vie excitante. La mienne : école, où je ne suis pas trop mauvaise. Plus aucune distraction en dehors, depuis que mon père n'est plus. Tous les soirs, il venait me chercher, nous allions dans un petit parc derrière notre immeuble et commençait le seul cours que je préfère le plus, le gaélique. Apprendre cette langue mystérieuse avec lui était magique. Il savait mélanger légendes et apprentissage.

Aujourd'hui à chaque sortie d'école, je retourne dans ce parc, m'assoie sur notre banc et ouvre Harry Potter en Gaélique – dernier cadeau de noël de mon père- ! Il est un peu un guerrier des temps modernes et puis son auteure s'est inspirée de beaucoup de contes et légendes d'Edimbourg, pour faire vivre ce petit magicien qui me plait tant.

Je ne veux rien changer de ma vie, même si athair n'est plus avec nous. Je l'aime comme elle est.

Cet homme s'occupera de ma mère, il lui fera vivre le conte de fée qu'elle attend depuis toujours. Loin de mes repères, à quoi vais-je rêver ? Même si en plein centre de la ville, beaucoup d'histoires mystérieuses ont eu lieu, je serais seule !

Une Banfhlath triste, rêveuse, solitaire dans un nouveau quartier, une nouvelle école où je serai encore mise à l'écart. Les enfants de mon âge ne comprennent pas mes passions. Aujourd'hui dans la capitale écossaise très peu aiment nos légendes, ils préfèrent leurs portables ou aller au cinéma voir des films ou des dessins animés futuristes. Mon dessin animé préféré, Rebelle, mon film, Braveheart ! Etrange non ?

BanfhlathOù les histoires vivent. Découvrez maintenant