XII

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Chanyeol obéit, et resta debout contre un des piliers de la marquise. Tous disposèrent à écouter la triste histoire, que Sehun, pâle et ému, commença ainsi :

« Lorsque je vous ai quitté si précipitamment hier soir, j'étais plus inquiet que je ne voulais le laisser paraître et je suis rentré vivement à l'hôtel. Au premier coup d'œil, j'ai cru le salon désert ; mais en examinant attentivement, j'ai aperçu debout dans l'ombre une femme enveloppée dans un large manteau. Elle s'était avancée vers moi d'un pas lent et légèrement saccadé, puis enlevant soudain le capuchon qui cachait sa figure, elle découvrit son visage brun ou plutôt jaune, sillonné de rides profondes. « Ne me reconnaissez-vous pas, Monsieur ? » m'avait-elle dit. Le son de cette voix, l'accent qui accompagnait ces paroles, furent pour moi un trait de lumière : je ne me trompais pas, c'était bien Rina, la domestique qui servait ma chère femme. «  Vous me reconnaissez, je le vois, m'a dit la pauvre dame en baissant la voix ; mais vous ne savez pas tout ce que j'ai fait souffrir à la plus parfaite des femmes, à quel martyre j'ai réduit la plus dévouée des mères ! ». Ses paroles, en apparence incohérente, ne firent que me confirmer dans les idées qu'avait fait naître en moi la vue de cette femme. Le cœur plein de trouble et d'émotion, je l'encourageai à continuer, et m'assis dans un fauteuil ; Rina refusa une chaise. « Oui, je parlerai, s'écria-t-elle au bout de quelques secondes, tandis que de grosses larmes tombaient de ses yeux ; je raconterai à M. Park le crime affreux dont je me suis rendue coupable envers sa malheureuse épouse. ». Rina s'essuya les yeux et commença d'une voix ferme les détails qui m'ont fait connaître mon fils. »

Sehun s'arrêta un instant comme pour recueillir ses souvenirs ; au même moment on frappa à la porte du salon. Tiffany se présenta.

« Monsieur Park, dit-elle, en se dirigeant vers Sehun, une femme de couleur demande à vous parler.

- Faites-la entrer ici, répondit Sehun, puis se tournant vers son père : Je ne sais ce qui amène Rina ici en ce moment, mais son arrivée m'épargnera un douloureux récit qu'elle vous fera elle-même mieux que je ne pourrais le faire. »

Une minute après, Rina entrait sous la veranda. Sa contenance était très embarrassée, on voyait qu'une vive émotion l'agitait ; en apercevant Baekhyun elle se dirigea vers lui, se jeta à ses genoux et lui prit la main, qu'elle inonda de larmes.

« Pardon, oh ! pardon ! s'écria-t-elle, cher ange, pour tout ce que je vous ai fait souffrir, à vous et à votre mère, à laquelle vous ressemblez autant que les anges se ressemblent entre eux. Si vous saviez comme je souffre en pensant que j'ai tant pêché ! Oh ! vous auriez pitié de moi ! » s'écria la malheureuse femme au grand désespoir.

Baekhyun était tellement ému, que d'abord il ne put parler ; mais il prit la main de la vieille femme, et faisant un effort monstre pour vaincre son émotion, il sourit à Rina, et lui dit de sa voix suave :

« Pourrais-je ne pas vous pardonner quand Dieu lui-même vous a pardonné ? suis-je sans péché, pour vous jeter la pierre ? »

Le son de cette voix fit trembler la vieille dame d'une émotion nouvelle, cette voix lui rappelait tout son crime. Elle se leva chancelante, en lâchant la petite main blanche qui tenait la sienne. Baekhyun avança une chaise, et voyant l'état de défaillance dans lequel la malheureuse femme paraissait réduite, il courut chercher un verre, qu'il remplit d'un vin généreux, et le porta lui-même aux lèvres de celle qui avait fait tant souffrir sa pauvre mère. Chanyeol leva les yeux au ciel. Rina semblait anéantie devant tant d'angélique bonté ; elle se ranima.

« Monsieur, dit-elle enfin en s'adressant à Sehun, jamais ma pénitence ne sera à la hauteur de mes crimes, mais au moins je veux tout faire pour les expier en partie. J'ai pensé que vous deviez faire à votre père le récit honteux que je vous ai fait hier, et je viens prendre votre place, pour m'accuser hautement de mon immense faute. Dieu, qui voit la douleur dont mon cœur est rempli, acceptera cette confession comme une faible expiation de mon crime. »

L'Orphelin Où les histoires vivent. Découvrez maintenant