XIII

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Quand Baekhyun revint sous la marquise après avoir conduit à la porte la pauvre Rina, son grand-père l'attira à lui, et, le serrant dans ses bras :

« Dieu a tout guidé de sa main puissante, remercions-le de cette insigne faveur ; j'ai entendu souvent cette pieuse devise : Ce que Dieu fait est bien fait. Chanyeol leva une nouvelle fois les yeux au ciel. Si M. Lee n'était pas mort, Baekhyun ne serait pas venu à Paris, et les événements qui m'ont fait trouver en lui mon petit-fils adoré n'auraient pas eu lieu.

- Nos émotions ne sont pas encore finies, dit gravement Sehun en regardant Chanyeol, et comme il ne peut y avoir rien de caché entre nous, je veux demander devant vous tous à mon fils si il veut encore faire un heureux. »

Baekhyun regarda son père d'un air surpris et légèrement ému.

« Tu ne me comprends pas, je le vois, reprit l'heureux père, contemplant avec attendrissement le visage candide et pur de son fils. Je ne veux pas te donner à deviner une chose que tu ne devinerais pas ; je te demande donc simplement si tu veux consentir à ce que Chanyeol devienne mon vrai fils en devenant ton époux. »

Baekhyun parut à peine surpris, quoiqu'il n'eût jamais songé à cette union ; trop naïf pour savoir comment se faisaient en général ces sortes de demandes, il leva timidement les yeux vers le jeune homme, qui, semblable à un condamné, attendait sa réponse.

« Je n'ai aucune raison pour m'y opposer. Je crois. »

En entendant ces paroles, Chanyeol, pâle comme un linge, parut accablé du poids de son bonheur.

M. Park, qui avait assisté muet à cette scène, se leva lentement, le sourire aux lèvres, s'avança vers Chanyeol, prit sa main, qu'il plaça dans celle de Baekhyun. Puis de sa voix tremblante :

« Que Dieu vous bénisse, mes chers enfants malgré votre ressemblance anatomique ! puissiez-vous, comme vous le méritez, couler ensemble vos jours dans la paix et le bonheur ! »

Quand le vieillard se rassit, une larme qui avait perlé sous sa paupière glissa sur sa joue un peu pâlie par l'émotion.

Chanyeol leva sur Baekhyun un tendre regard.

« J'serais un bon mec Baek', et je promets solennellement de faire ton bonheur, même si j'suis qu'un pauvre orphelin qui n'a à t'offrir que l'ardente affection que tu lui as inspirée.

- Ne sais-je pas plus que tout autre ce que c'est que d'être orphelin, Chanyeol ? »

Le respect de Chanyeol pour le vieillard, son affectueuse reconnaissance pour Sehun, sa réserve envers lui avaient depuis longtemps touché Baekhyun, dont la position était si semblable à la sienne. Puis une autre idée avait souvent frappé le jeune homme : Chanyeol avait dans la voix, dans sa douce tristesse, dans ses grands yeux bruns, quelque chose qui rappelait le mélancolique visage de Mme. Kira.

Baekhyun pensait à tout cela lorsque le soir de ce jour, seul dans sa chambre, il versa son âme tout entière entre les mains du Créateur. Il le remercia de ce dernier événement, qu'il regardait comme un bonheur, et il demanda avec instances à Dieu qu'il continuât à répandre sur lui et sa chère famille les bénédictions qu'il leur prodiguait depuis quelques temps. Puis soudainement, une question vînt effleuré ses pensées : Était-ce normal que deux hommes s'unissent ainsi ?

Le lendemain, lorsque Baekhyun, suivi de Tiffany, se rendit à la messe, il aperçut debout, derrière un pilier Chanyeol, plongé dans de profondes pensées. Lorsque peu après il écrivit à sa chère tante pour lui apprendre l'événement que nous venons de rapporter, il put dire dans son message avec assurance :

« Je suis heureux, bien heureux. »

Il ne laissa pas entrevoir à Mme. Kira le rapprochement singulier qu'il avait fait ; mais il lui dit en terminant :

« Puisque j'ai eu l'immense bonheur de retrouver mon père, pourquoi n'auriez-vous pas celui d'être réunie au fils que vous pleurez ? Espérez, ma tante chérie, Dieu est tous-puissant ; espérez et priez. »

La cloche du déjeuner sonna deux fois avant que le jeune homme l'entendit ; quand il entra enfin dans la salle à manger, on était à table.

« Ah ! vous voilà, monsieur l'inexacte, n'étiez-vous pas levé ?

- Grand-père, répondit Baekhyun en rendant son baiser au vieillard, j'espère que vous ne pensez pas ce que vous dites ?

- Je me suis donc trompé ? reprit M. Park ; dans ce cas, tu nous feras le plaisir de nous apprendre la cause de ton retard.

- Bien volontiers ! Je terminais mon message, je n'ai entendu la cloche que la seconde fois.

- Ah ! dit Sehun en souriant ; peut-on savoir à qui ?

- À l'amie que j'ai en Bretagne.

- Ne trouves-tu pas, Sehun, que ton fils a une manière particulière de prononcer le mot Bretagne ?

- Je l'ai en effet remarqué.

- C'est que ce mot renferme pour moi tout un monde de souvenirs. Quoique bien du temps se soit écoulé depuis que j'ai quitté la terre de mon enfance, elle a toujours été le rêve de tous instants de ma vie, et le jour où je foulerai de nouveau ce sol sacré pour moi, ce jour-là il ne manquera rien à mon bonheur.

- Qui sait ? ce sera peut-être plus tôt que tu ne le penses. » dit Sehun.

À ces paroles, Baekhyun laissa tomber sa fourchette et devint pâle.

« Tu vas lui faire mal, à ce pauvre enfant, de lui dire cela si brusquement.

- Oh ! non, s'écria Baekhyun, cela me fait du bien, au contraire ; mais je n'ose y croire, je serais trop heureux !

- Pourtant, mon Baekhyun, tu peux et tu dois le croire, nous partirons probablement dans un mois. »

L'Orphelin Où les histoires vivent. Découvrez maintenant