XV

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Ce soir-là chacun se retira de bonne heure. Quand Baekhyun eut terminé ses valises, il s'agenouilla sur son prie-Dieu et resta quelques instants plongé dans une profonde rêverie : il pensa à son départ de son petit village de Bretagne, quand, triste et désolé, il avait dit un si long adieu à sa chère amie ; il pensait au bonheur sans mélange qu'il allait enfin goûter, entouré de tous ceux qu'il aimait. Il pensa longtemps aussi à son grand-père, à leur première rencontre, à son père chéri, ce père si longtemps inconnu, et puis enfin à Chanyeol, si dévoué, gentil et drôle, bien que son humour soit un peu lourd et légèrement déplacé.

Il pria longtemps, il avait tant à remercier. Quand il se releva, minuit sonnait à l'église ; il ouvrit sans bruit sa fenêtre, et, jetant sur ses épaules une légère veste, il écouta et regarda pendant quelque temps le ciel pur. L'atmosphère était d'une douceur infinie. Baekhyun suivit un instant des yeux un nuage qui semblait courir de l'est à l'ouest ; puis, fermant sa fenêtre, il murmura en souriant :

« Et moi aussi, comme ce nuage, je m'approcherai des rivages de la Bretagne. »

Il se coucha le cœur un peu agité par cette douce impatience de revoir les lieux de son enfance, mais rempli de gratitude pour celui qui règle nos destinées.

Il ne put pourtant dormir longtemps, et l'aurore naissante le trouva levé.

Dès qu'il fit complètement jour, il mit une veste, et descendit sans bruit l'escalier ; il trouva Tiffany.

« Monsieur sort déjà ? demanda la vieille domestique.

- Je veux entendre une dernière fois la messe ici, j'irai ensuite chez M. le curé, venez-vous avec moi ? »

Tiffany accepta avec empressement, et tous deux se rendirent à l'église. Puis il alla frapper à la porte du presbytère. Quoiqu'il fût encore bien tôt, le bon curé le reçut cordialement. Baekhyun pleurait réellement en lui disant adieu, car M. James avait toujours été pour lui un ami dévoué et un guide sûr. Quand la porte du presbytère se referma sur Baekhyun, le bon curé, qui l'avait accompagné, remonta pensif les degrés de l'escalier en essuyant une larme fugitive, car lui aussi avait bien vite découvert le trésor de vertus angéliques que renfermait l'âme si pure de Baekhyun.

Ce jour-là le déjeuner fut silencieux : Baekhyun était trop ému pour parler, et chacun respectait son silence.

Le moment du départ sonna : tout le monde, y compris Tiffany et Boug, dirent un dernier adieu à la vieille maison et se rendirent à la gare.

Il est toujours pénible de quitter une ville où l'on a passé plusieurs années de sa vie, aussi Baekhyun ne put-il retenir ses larmes. Son père et son grand-père le calmèrent sans peine, et, surmontant son émotion, il ne s'arrêta plus qu'à la pensée du bonheur qui l'attendait.

« Je trouve le moment bien choisi pour une bonne causerie, dit M. Park lorsque chaque front eut repris sa sérénité, quoique conservant une teinte mélancolique.

- J'allais justement demander à Baebaek de nous parler de la Bretagne, parce que j'voudrais pas arriver comme un chaton perdu là-bas... répondit Chanyeol avec un sourire.

- Ce n'est pas à moi qu'on doit demander des renseignements si l'on veut être exactement renseigné, j'en dirai toujours des merveilles. La moindre pierre bretonne, qu'elle soit salie, délabrée, a de la valeur à mes yeux, surtout si elle est du Finistère.

- Même si elle a été salie par mon sper-

- Chanyeol ! interrompu Sehun.

- Si l'on peut adopter des enfants, je vois aussi qu'on peut adopter une patrie, car enfin, mon Baekhyun, tu n'es pas breton ! continua Sungyeol

- C'est vrai, mais vous connaissez aussi ces vers  :
Pour un oiseau reconnaissant
Un bienfaiteur est plus qu'un père.
La Corée représente pour moi le père inconnu dont parle l'auteur, et la Bretagne est ce bienfaiteur, qui, plus que cette patrie que je ne connaîtrai jamais, a droit à ma reconnaissance.

- C'est beau c'que tu dis Baekouna, j't'assure, mais j'ai rien compris à ton charabia. »

Baekhyun allait répondre sarcastiquement à Chanyeol, lorsque l'arrivée à une station arrêta cette causerie. Quand le train repartit, le sujet en était changé. Sehun était plein d'entrain, et grâce à lui la conversation ne languit pas.

Mais cédant à la fatigue, M. Park, Mme. Park, Sehun, les domestiques et même Baekhyun s'étaient profondément endormis.

Chanyeol seul ne pouvait pas fermer l'œil ; un attrait secret l'attirait lui aussi vers cette ville qu'il ne connaissait pas, et il attribuait ce sentiment au bonheur qu'y trouverait son charmant Baekhyun.

L'Orphelin Où les histoires vivent. Découvrez maintenant