Absente.

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Je suis venu chaque soir parmi les huit précédant la nouvelle Pleine Lune. On a passé le mois à se parler, échanger, sur des sujets qui m'ont rarement parus futiles. J'ai commencé à apprécier venir dans la réserve, penser à toi de plus en plus, pas parce que je me posais des questions, pas parce que tu m'étais étrangère, mais parce que j'appréciais nos conversations. Il m'arrivait quelquefois de me demander ce que tu faisais, si tu te trouvais d'ailleurs dans la même pièce que moi pendant les cours ; mais j'étais surtout intrigué par ta manière de voir les choses, moqueur souvent, dubitatif parfois. Les sujets qu'on abordait me semblaient plus intéressants que ceux qu'on tentait d'habitude d'aborder avec moi, et si je n'aimais pas la perspective de te laisser entrer dans mes pensées profondes, dans mon intimité, au départ, j'ai fini par apprécier l'idée d'avoir une confidente et d'en être un moi-même. De devenir spécial aux yeux de quelqu'un, puisque je ne l'étais plus vraiment aux yeux des autres. Je refusais seulement d'admettre que tu l'étais aussi devenue aux miens.

C'est parce que tu avais pris une place trop grande dans ma vie tout en étant anonyme que je suis venu tous les soirs de cette semaine-là. Je voulais te connaître, te surprendre, te voir arriver dans la réserve et découvrir qui tu étais puisque, si tu t'ouvrais à moi, tu me semblais paradoxalement de plus en plus étrangère – j'avais l'impression que rien de ce que tu me montrais ne ressemblait à quelqu'un que j'avais déjà vu.

J'aurais dû faire une liste de ce que je savais de toi et donner à tes traits de caractère des synonymes péjoratifs. J'aurais compris, peut-être. Ça aurait du moins mieux fonctionné que de t'attendre là, tous les soirs, puisque tu ne m'apparaissais jamais. La fiole de Tue-Loup était toujours présente avant même que j'arrive, quelle que soit l'heure à laquelle je venais.

J'aurais par exemple pu remarquer que tu étais

Épithète - DRAMIONEOù les histoires vivent. Découvrez maintenant