Épithète - DRAMIONE

Entêtante,

beaucoup trop, comme le parfum de Marie Arnoux aux narines de Frédéric, dans cette insupportable Éducation Sentimentale que tu m'as incitée à lire – et que j'ai détestée.

Je pensais que tu m'avais de nouveau préparé du Tue-Loup malgré le rejet dont je t'avais rendue victime une semaine plus tôt, et doutais de plus en plus que tes gestes soient seulement mus par la pitié à laquelle je m'évertuais à croire, comme pour justifier mon refus de ton aide. Je peinais à la différencier de l'altruisme et pourtant, la manière dont tu m'avais parlé quand je m'étais confié, avant de te savoir Granger, sur mon état, ressemblait de beaucoup à celle dont me parlait ma mère – et ma mère n'avait pas pitié. Les Serpentard, futurs, présents et anciens, la tiennent en horreur.

Je pensais que j'avais apprécié échanger avec la personne de la fiole. Que cet air supérieur qui m'exécrait quand je savais qu'il était question de Granger, venait à m'amuser lorsque je l'ignorais. Que les sujets qu'on avait abordés m'avaient intéressé. Que j'avais dû ouvrir mon point de vue pour comprendre le sien. Que j'avais compris le sien. Que je m'étais levé avec un semblant de sourire sur les lèvres, dans la tête du moins, les jours où j'avais décidé d'aller fouiller dans la réserve. Que d'avoir quelqu'un à qui parler sans nulle autre frontière que l'anonymat m'avait fait du bien. Que depuis le début de cet échange, j'avais pris du poids, mieux dormi, m'étais plus ouvert. Comme éclos. Loin d'oublier ma condition, je ne m'étais pas autant qu'avant renfermé sur moi-même, renfrogné dans des songes, des réflexions, des peurs, une souffrance auxquels avait alors accès une autre personne que moi-même. Et c'était reposant.

Je pensais que cette personne me manquait.

Je pensais que tu me manquais.

Je pensais qu'Hermione Granger me manquait.

C'était insupportable, au début. Je ne t'ai jamais haïe si fort qu'à cette époque. Me dire que cette fille intéressante, intelligente, amusante, cette amie que j'avais commencée à me faire, cette confidente nouvelle, était Hermione Granger, était terrible. J'étais furieux contre toi, d'abord. Contre moi ensuite. Puis perdu. Complètement perdu. Je me suis rendu compte que la vision qu'on a d'une personne peut en changer drastiquement la perception. Que j'aimais une version invisible aussi fort que je détestais une version visible de la même personne.

Je ne sais pas comment tu as fait ça. Comment j'ai pu en venir là ; mais j'ai fini par laisser fusionner ces deux versions. J'ai accepté le mélange, et j'ai même laissé primer l'amitié que j'avais pour l'une face à la haine que j'avais pour l'autre. Les deux, peu à peu, m'ont manqué.

Tu étais