L'Empire de Snowdell

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Edmond se rapprocha difficilement de l'entrée principale du Centre d'Examen de la petite bourgade de Bloomsbury.

Une centaine d'adolescents de son âge convergeaient vers le même point en tentant de ne pas écraser les pieds de leurs voisins. Hélas la tâche était ardue et l'on ne comptait plus le nombre d'injures prononcées à demi-mots en maudissant la promiscuité de cette foule en délire.

Le bâtiment se dressait au coeur de St James Street de toute la hauteur de ses six étages, comme une pointe en verre au milieu d'un amoncellement de déchets. Il était impossible d'apercevoir ce qui se trouvait à l'intérieur et les gardes de l'Empire veillaient à ce que personne n'entreprenne cette folie.

Edmond ne pouvait donc admirer qu'une partie de l'immense édifice qui s'élevait au-dessus de la foule compacte pour aller effleurer les nuages.

Le bâtiment était non seulement impressionnant mais également d'une sophistication rare dans cette partie de l'Empire de Snowdell. Alors que les villes les plus reculées comme Bloomsbury se contentaient de leurs faibles revenus pour subsister, les habitants de Falmor, la capitale, vivaient dans le luxe et l'opulence, comme pouvait en témoigner la majesté de ce lieu.

Ces inégalités frappantes ne manquèrent pas de renfrogner ostensiblement Edmond qui, déjà, n'était pas d'un grand enthousiasme.

Un peu plus loin, les familles des sélectionnés leur adressèrent les dernières recommandations d'usages en agitant bruyamment les mains. Les mères pleuraient à chaudes larmes tandis que les pères dressaient fièrement le menton, conscient que les regards de chacun s'attardaient sur les visages leurs adversaires d'un jour.

Ils avaient tous revêtu leurs plus beaux costumes, clinquant pour les uns et plus sobres pour ceux qui n'en avaient pas les moyens. Les héros d'un jour, quand à eux, arboraient des visages concentrés et résolument prêts à en découdre. Pour eux, la Sélection était une épreuve capitale.

Au milieu de cette agitation sordide, Edmond se sentit comme un étranger avec ses intentions naïves.

Cette atmosphère compétitive empoisonnait l'air d'un excès d'individualité et cela ne lui plaisait pas du tout. Il n'avait pas la moindre ambition de faire partie des Élus et aurait cédé sa place de bon coeur à la première personne venue.

Mais le jeune homme savait bien que, de toutes les manières, son destin ne reposait plus entre ses mains.

Aujourd'hui Edmond Corben intégrerait la fine fleur de la société ou resterait un moins que rien toute sa vie aux yeux du gouvernement. Tel était la cruelle vérité qu'engendrait la Sélection.

Soudain le jeune homme fut sorti de ses pensées par le grésillement caractéristique d'un amplificateur radio qui interrompit ses tribulations.

– Les sélectionnés sont priés de se regrouper à l'intérieur du Centre d'Examen où les modalités des épreuves leur seront annoncées, crachotèrent les haut-parleurs d'une voix métallisée.

D'impressionnantes portes battantes s'entrouvrirent dans un enchaînement de cliquetis et de tintements mécaniques.

Les crissements sourds des barreaux de fer sur les pavés effrayèrent plus d'un adolescent, en proie à un instant de doutes face au destin funeste qui les attendait.

Ils hésitèrent longuement avant d'entreprendre une avancée, timide et claudicante. L'atmosphère s'alourdit encore un peu plus et le silence devint bientôt insoutenable.

Les dés étaient jetés.

L'Académie des ÉlusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant