Mrs Swann

2.5K 290 18
                                    

Shaun resta pensif. Ses mots ne franchirent la barrière de ses lèvres que quelques instants plus tard avec hésitation et maladresse.

– Il s'agit de Mrs Swann. La directrice de Caliburn.

Le blond attendit quelques secondes avant de reprendre la parole, perdu dans ses pensées.

– Elle fait office de tutrice légale à l'institut puisque nos parents ne sont pas... aptes à s'occuper de nous.

– Je vois, répondit tristement Edmond en songeant à la douleur que l'on devait ressentir en sachant que ses parents étaient enfermés derrière les barreaux de Forneuve. Excuse-moi, je n'aurais pas dû demander.

Shaun secoua la tête pour se remettre les idées en place et afficha un petit sourire.

– Tu n'y es pour rien et on ne peut pas effacer ce que mes parents ont fait. Si tu veux tout savoir, ils sont emprisonnés depuis presque quinze ans et je n'ai presque aucun souvenir d'eux. À vrai dire, je ne sais même pas pourquoi ils se sont fait arrêter.

– La directrice ne te l'a pas dit ?

– Non, elle refuse de me révéler quoi que ce soit les concernant. Selon elle, je ne dois pas m'attacher à des individus "dangereux et violents" et me concentrer sur mon avenir.

Edmond grimaça. Comment pouvait-on dire des choses aussi inhumaines ?

– Je suis sûr qu'ils ne sont pas comme on te l'a décrit. Beaucoup de personnes honnêtes sont incarcérées pour avoir donné leur opinion sur le gouvernement, les véritables criminels ne représentent qu'une infime partie des prisonniers.

– C'est ce que j'aimerais croire... souffla Shaun en reportant son attention sur le grand écran.

Les deux adolescents se murèrent dans un silence pensif. Edmond songea à son propre père, qu'il n'avait connu qu'en photo, et à tout ce qu'il avait appris sur lui en si peu de temps.

L'adolescent avait toujours cru que John Corben était un brillant docteur au service de l'Empire ainsi qu'un voyageur aguerris qui parcourait régulièrement les routes entre Bloomsbury et la capitale.

Mrs Corben lui avait toujours dit que cet homme, pourtant habile et d'une rare intelligence, avait mystérieusement disparu sans laisser de trace lors de l'un de ses périples.

Edmond n'avait eu de cesse de s'interroger sur la véracité de ces propos, mais sa mère avait toujours refusé de s'étendre sur le sujet.

Maintenant qu'il en savait plus, Edmond ne pouvait s'empêcher d'élaborer des scénarios aussi loufoques qu'impossibles.

Son père était un Élu. Cette affirmation le confortait dans l'idée que la vérité n'était pas celle que lui avait donnée sa mère.

Posséder ce titre était une marque de grand honneur ainsi qu'un prestige incommensurable pour le commun des mortels.

Pourquoi lui aurait-on caché cette information pendant toutes ces années ? Et quelles étaient ses "capacités" qui lui avaient été transmises et dont sa mère lui avait brièvement parlé ?

Edmond était perdu.

À mesure que le temps passa, il lui devint de plus en plus difficile de se concentrer sur le film. Ses paupières devinrent lourdes et son esprit se désintéressa totalement de ce qui se passait autour de lui.

La journée avait été longue, épuisante et pleine de surprises. Le jeune homme n'eut plus la force de lutter contre le sommeil qui l'envahissait et se laissa aller dans les bras de Morphée.

Sa vision devint sombre et le canapé lui apparut comme une bouée de sauvetage salutaire.

Edmond s'endormit paisiblement, inconscient du fait que cette journée extraordinaire venait de sceller son destin à jamais.

L'Académie des ÉlusOù les histoires vivent. Découvrez maintenant