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Non. Non. Non. Je tape violemment mon poing contre mon mur et crie, j'en profite alors que je suis seul chez moi. Je frappe mon punching-ball en boucle, sans m'arrêter, des coups secs et violent. Je n'arrive pas à y croire, c'est un signe pour que je l'achève une bonne fois pour toute car il le mérite. Je me sens prêt, ma haine est au summum maintenant que j'ai vu ces putains de messages.

« - Oh Skender c'est bon j'ai un nouveau plan cul ce soir !

- Mais nan ! Qui ?

- Elle s'appelle Marine

- Mais elle est de Vaulx ?!

- Nan de Vaise 😉

- Bien joué Matthias ! 😂😂 »

Mon cœur se contracte. Je n'arrive pas à y croire. Lui va poser ses mains sur son corps si doux, il va lui chuchoter des mots à l'oreille et l'aider à finaliser cette douce mélodie. Elle chantera "Matthias" à présent. Cette pensée me brûle jusqu'à l'intérieur de moi-même, je ne peux pas soutenir cela. Je suis parti, bêtement, car je me suis rendu compte des sentiments que je tenais à son égard. Ce que son doux parfum, ses longs cheveux et sa voix mélodieuse me procuraient. Elle m'avait donné envie de revivre et j'avais fuis cela, mais maintenant Matthias sera en elle, la fera sûrement gémir encore plus que moi, lui donnera tant de plaisir. Je n'ai jamais pu l'oublier et à présent.... Argh ! Je tape une énième fois dans le sac de frappe et tombe à terre, sur les genoux. Des larmes de rage coulent le long de mes joues tandis que mes ongles s'agrippent au punching-ball. Je pleurs à en vider mon corps d'eau. Ce qui n'était pas arrivé depuis si longtemps.... Serait-ce le signe d'émotions ? Je sens que je suis prêt de la fin, de la fin de mon calvaire. Encore un pas vers le bonheur et j'y serais. Ce pas, je le connais, trois ans que je le travaille. Ses tripes sur le sol, son sang qui coule et ses yeux enfin vides d'une quelconque lueur. Plus de moquerie, enfin cette vengeance et ces putains d'émotions. Ça arrivera. Je le sais, je le sens. Mais comment l'attraper ? Vaulx en Velin est trop dangereux. Je dois lui dire qui je suis et jouer avec son petit cœur fragile. Ainsi, il voudra peut-être s'excuser ou discuter mais ne voudra pas se moquer. Il sera trop faible et trop seul pour cela. Lorsqu'il ne s'y attendra pas, que j'aurais fait semblant d'être touché par ses douces et hypocrites paroles, je l'achèverai. Et une bonne fois pour toute. Haïssable être, je n'aurais aucune pitié, ses cris ne me feront aucun effet et son corps en décomposition non plus.

Je suis fou, je le sais. Mais bizarrement, cela m'est égal. J'ai perdu le bon sens durant ses trois ans et maintenant je vais l'achever, il faut que je rode, que j'observe.

Je regarde l'heure, bientôt le lycée est terminé alors je me précipite sur ma voiture et attrape mes clés que j'enfonce avant de faire ronronner le moteur et de commencer à rouler. Je souris, mon plan commence enfin. Tout commence. Ça y est. Cette pensée me réjouit, je ris à en perdre haleine, met une musique entraînante et cri à m'en briser la voix. Une nouvelle vie approche, je vais tout changer, je n'arrive pas à réaliser le bonheur qu'il m'arrive.

Lorsque ma musique se coupe, la pluie vient s'emparer du ciel et trempe le sol, le paysage s'assombrie et le vent très frais de décembre m'oblige à fermer la fenêtre et m'enfermer dans cet endroit. Je me sens coincé, incroyablement mal à l'aise. Comme si tout pouvait arriver, que je perdais contrôle. J'appartiens à cette voiture... Mon bras se met à trembler et je tente tant bien que mal de trouver une musique pour rendre ce voyage d'une trentaine de minutes un peu plus agréable. Mais mon téléphone n'a plus de batterie. Mon cœur rate un battement tandis que mes bras tremblent de plus en plus comme si j'avais... Peur. Ma gorge se noue, je suis enfermé dans ma folie, dans cette folie meurtrière. Je suis affreusement seul et je ne pensais pas que ça me manquerait avant aujourd'hui. Il faut vite que tout cela cesse et que je l'exécute pour que ma vie devienne celle d'un gamin de 18 ans normal. Maintenant, je ne ressens plus la mort du brun comme une corvée que comme un réel plaisir, au point que je m'y sente obligé. Mais j'y suis obligé... En ai-je réellement envie ? Je respire profondément et le panneau m'annonce que j'arrive dans le village où se trouve son lycée, où il est perché sur une montagne, abandonné entre deux près de vaches... Ce monde n'est pas Vaulx en Velin et semble bien plus beau. Je serre mon volant et me gare sur le parking, des gens fument près de ma voiture, ils rient, s'aiment, s'amusent ; ils sont amis. Et moi je suis seul, depuis toujours, je n'ai personne. Juste ce putain de meurtre. Ma gorge se noue à nouveau, je serre mon volant et fixe l'horizon, puis tourne ma tête vers la droite et observe la sortie des lycéens, c'est calme, aucune turbulence, aucun combat. Juste des jeunes épanouis, heureux. Et moi, je suis là, à attendre ma future victime pour enfin me permettre de changer de vie. Mes yeux s'écarquillent, il est au loin. Il discute avec deux personnes. Un garçon et une fille. Elle est châtain et largement plus petite que lui, c'est sûrement Manon. Et l'autre fait sa taille, plus mince, des cheveux assez long. Je démarre ma voiture lorsque je vois le brun monter sur sa moto au loin. J'attends qu'il passe et le suis à la trace. Je fais comme si de rien n'était, j'essaye de ne pas paraître suspect mais je ne sais pas comment être normal, je ne sais pas comment agir. Juste un fou, voila ce que je suis.

Je le suis en me disant que si je repère sa maison en toute discrétion, je pourrais savoir comment m'y introduire. J'ai peur qu'il remarque que je le suis, mais je pense qu'il est plus concentré sur sa conduite que sur une voiture blanche derrière lui. Du moins je l'espère. Nous arrivons sur une route qui monte, il tourne à droite dans un petit chemin. Évidemment que si je tourne également il va comprendre, mais je ne pense pas qu'il va s'amuser à prendre ma plaque d'immatriculation ou à se poser un milliard de question. Il ne devrait même pas se douter que quelqu'un souhaite sa mort depuis presque trois ans maintenant. Je le vois rentrer chez lui, une maison d'une taille modeste, avec un petit jardin, c'est une maison qui doit n'avoir qu'un seul étage. Cela ne m'aide pas beaucoup, si ce n'est que maintenant j'ai son adresse. Je pense que je devrais juste le suivre et connaître ses principales occupations. Je n'ai pas besoin de bouger jusque ici pour savoir ça. Je peux pirater sa géo-localisation. J'aurais dû y penser avant. Je souris.

Après un mois à observer chacun de ses moindres faits et gestes, j'ai remarqué que chaque jeudi soir il part en moto et va toujours au même endroit, un petit champ accessible par une forêt, qui est donc à l'abri des regards et de la population. Je suis déjà allé repérer les lieux. Je pourrais peut-être aller lui rendre visite là bas un jeudi soir...

Je suis maintenant prêt à exécuter la fin de mon plan.

Aymeric's life.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant