Je fige mon regard, je regarde le sol mais je ne regarde rien de particulier, tout est flou autour de moi. Je ne sais plus quoi penser, je ne sais même plus si je dois les considérer comme ma famille. Ce qui me fait le plus de mal dans cette histoire c'est mon frère, à qui je tenais tant, avec qui je partageais tout. On a passé tant de bons moments ensemble, que je ne pourrais en oublier un seul.
Je me rappelle de chacun des détails de ma pauvre existence mais la seule chose que je serai incapable de comprendre, de me souvenir, c'est de savoir comment je suis arrivé dans cet hôpital. Je ne comprends pas pourquoi j'ai été accusé d'un meurtre d'une personne que je ne connais même pas. Je paye à la place de quelqu'un d'autre qui lui, doit être libre, considéré par les siens comme quelqu'un de tout à fait normal. Alors que cette ordure a tué quelqu'un. Le pire, c'est que ma famille me croit capable de commettre une telle chose, ils ne remettent même pas en question la parole des juges et des infirmiers. Je suis quand même capable de mieux savoir qu'eux ce que j'ai pu commettre. Mais non, je suis supposé fou alors ma parole ne compte pas. Je finirai ma putain d'existence dans cet endroit a rassuré Eliott à propos de ses ennemis imaginaires qui le manipulent et veulent sa mort.
Bordel.
Je bouillonne de l'intérieur, je veux juste exploser, tout casser autour de moi et disparaître à tout jamais. Je veux que justice soit rendue et que je puisse m'enfuir, loin de cette folie, loin de ma famille.
Je contracte mes poings jusqu'à en faire trembler tout mon corps, tout est noir autour de moi, seulement moi contre moi même, mes propres émotions, ma propre colère...
Je repense à chacun des moments que j'ai passé en Bretagne a joué avec mon frère. Je me souviens encore, on jouait avec nos voisins Ewen, Mickaël et Marie, on pouvait courir des heures dans les prés, nous étions des aventuriers et je gagnais presque tout le temps contre les méchants. Puis quand nous sommes arrivés à Lyon, j'ai perdu tous ces amis et je me suis retrouvé seul, je ne me suis jamais amusé, j'ai arrêté d'aller à l'école car je n'avais aucun amis et que je me suis mis à préférer la solitude. Puis du jour au lendemain, j'ai été emmené en justice accusé de meurtre prémédité, je n'ai pas pu les convaincre de mon innocence... Maintenant ma vie est ruinée, je suis enfermé, je n'ai plus de famille, plus d'amis, plus d'amour. Je suis seul.
- Aymeric, tu m'écoutes ? me demande ma mère en me tirant de mes pensées.
Je soupire et la regarde dans les yeux, ses yeux marrons, fades... Je la déteste, elle ne m'a jamais aimé de toute manière, elle ne s'est jamais préoccupée de moi et elle a toujours préféré son travail.
- Non, je lui lâche sèchement.
- Pourquoi ça ne t'intéresse pas de savoir pourquoi nous ne sommes jamais venus ? C'est toi qui nous l'a demandé Aym.
Je souffle profondément, je ne peux la supporter encore plus d'une seconde. Je me lève brusquement.
- Non, j'en ai absolument rien à foutre de ce que tu as à me dire, de ce que vous avez tous à me dire ! Vous ne vous êtes jamais soucié de moi ! Vous m'avez abandonné et je suis prêt à parier que je ne vous ai pas manqué une seconde, vous êtes une famille de merde et je vous hais. Vous me croyez sérieusement capable de butter quelqu'un ? Je suis innocent bordel et je ne peux même pas compter sur ma famille pour me croire ou me soutenir ! Disparaissez de ma vie putain !
Je tourne les talons et pars énervé. Mais avant que je puisse passer le pas de la porte, mon père me crie cette phrase qui me fige en un instant "c'est toi qui a tué Julien n'est ce pas?"
Je reste dos à lui. Mon esprit cesse de fonctionner, je ne peux plus bouger ni réfléchir.
Je ne connais aucun Julien, de quoi me parle-t-il ? Je me met à trembler, comme si ce qu'il m'avait dit m'était familier mais qu'absolument rien de ce qui aurait pu se passer me revenait. Comme pour Matthias.
