3/ Révélations

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Tout se mélangeait dans la tête de Bob. Il voyait la maison familiale dans laquelle il avait passé son enfance. Il se trouvait dans l'escalier qui menait au grenier, il ne savait pas ce qu'il faisait là, mais il savait qu'il n'avait pas une minute à perdre.

Il grimpa les marches mais n'arrivait pas à atteindre l'étage. Combien y en avait-il ? Combien de temps faudrait-il pour qu'il atteigne le haut ? Il lui était impossible de le savoir, mais il devait continuer.

Soudain, il rata une marche, mais au lieu de s'étaler contre le bois poussiéreux, il se sentit tomber en chute libre.

Son cœur battait à tout rompre. Il sombrait dans des profondeurs insondables à une vitesse folle. Le vent soufflait dans ses oreilles avec violence. Puis, tout s'immobilisa.

Il se trouvait dans un brouillard épais, un sifflement sourd l'enveloppant. Il se rendit alors compte que c'était un cri. Celui d'une femme. Et elle suppliait qu'on l'épargne. Elle le suppliait lui. Roberto.

Le hurlement était si lointain et il était si fatigué. Il essaya de s'enfuir, d'échapper à cette plainte déchirante, mais la voix venait de partout à la fois.

Bob n'avait jamais tué personne. Il donnait des ordres et c'était tout. Cette femme ne comprenait-elle pas que ce n'était pas lui le danger ? Du moins, avait-il essayé de s'en convaincre durant toutes ces années.

Il sentit un clapotement sous ses pieds. Il marchait dans un liquide chaud et visqueux. Le brouillard était trop épais pour qu'il puisse voir dans quoi il était entré mais il était trop tard pour faire marche arrière. Il continua de s'enfoncer jusqu'à ce qu'il ait la taille complètement immergée.

Le cri s'était enfin arrêté.

Le brouillard commençait à se dissiper. Bob cligna des yeux à plusieurs reprises et observa ses mains : elles étaient pleines de sang. Il regarda autour de lui : son corps baignait lui aussi dans du sang. A perte de vue, une mer pourpre s'étendait. Il hurla, totalement paniqué par cette vision d'horreur et se réveilla en sursaut : il avait la majeure partie du corps immergée dans une eau tiède. Il était ligoté dans son jacuzzi — encore chaud d'avoir fonctionné toute l'après-midi — et une douleur au niveau de la tempe lui vrillait le cerveau. La silhouette floue d'Alexandre se tenait près de lui.

Bob n'avait jamais contemplé la mort d'aussi près. A chaque situation périlleuse, il avait su s'en sortir à coups d'argumentaires, d'argent ou de menaces. Il avait récolté des informations sur Alexandre au cours des années, il avait cru pouvoir s'en servir, lui faire comprendre sa vérité. Il n'était pas le méchant. Il n'avait pas eu le choix. S'il l'avait eu, Dieu sait qu'il aurait procédé autrement. Mais Alexandre était inatteignable, il commençait à le réaliser. Il doutait qu'aucun raisonnement ne parvienne à l'atteindre. Il y avait bien longtemps que cet homme n'avait plus rien à perdre et c'était entièrement de sa faute.

— La température de l'eau vous convient-elle ?

— Qu'est-ce qui se passe ? Qu'es-tu en train de faire ?

Alexandre se contenta d'arborer un étrange rictus pouvant vaguement faire penser à un sourire.

— On dirait que vous commencez à comprendre, Bob, vous ne vous en sortirez pas aujourd'hui, c'est la fin.

— Alors, que veux-tu ?

— Je veux que vous compreniez la souffrance que vous m'avez infligé.

— Je suis désolé, Alexandre, je te demande pardon, je sais que cela ne suff...

Mais l'homme venait de lui plonger la tête sous l'eau, lui faisant avaler la tasse.

The Woman Who Never Existed et autres NouvellesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant