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Cela faisait plus de trente minutes qu'Eclair galopait dans la forêt dense, sur les sentiers deffrichés par d'autres voyageurs. Malgré les coups de bâtons dont Nika rouait son flanc, le cheval ralentissait considérablement et expirait fortement. Il était épuisé.
Elle le mena alors à travers les hauts arbres à la recherche d'une subtile cachette, aussi utilisable en cas d'attaque sournoise.
Le cheval s'accroupit à son grand désir et elle, couchée derrière un arbrisseau épars, le fusil armé et le doigt sur la gâchette, elle guettait toute personne susceptible de lui faire du mal.

Puis, elle pensa. Il n'était pas possible qu'elle y reste pour tout le restant de ses jours. Alors, elle se souvint d'une discussion avec les autres esclaves, dans laquelle ils avaient dit qu'un chemin de fer pouvait les mener au Nord et que, une fois dans les pans des membres de l'association s'occupant des esclaves, ils pourraient recouvrer leur liberté. Mais il n'était pas envisageable d'aller les rechercher pour qu'ils libèrent les autres, n'étant qu'une minorité. Elle devait sauver son peuple.

- Et à force d'acharnement, tu peux le faire, lui dit l'ange qui venait à nouveau d'apparaître.

Le cheval se remit de sa forme, et elle le renvoya.

C'est ainsi qu'elle passa la journée dans cette cachette qui la rendait bien invisible. De nombreuses unités de chasseurs avaient défilé, inspectés, interrogé. Aucune trace de l'esclave rebelle.
Nika les observait depuis plusieurs heures, concentrée. Au moindre souci, elle pouvait tirer ; l'arme à feu étant complètement rechargée.

Puis la nuit vint. Trois hommes s'installèrent dans une petite clairière en face. Ils transportaient des munitions et des armes blanches ou à feu.

Nika les observait avec concentration, sans mouvement. Rien que le murmurre du vent dans les feuilles et les rires abrupts des chevaliers autour du feu.

Et, d'un coup, quatre jeunes hommes qui hurlent des cris de guerre déchirant le silence, et frappant violemment les convoyeurs.
Nika se concentra un peu plus et remet le doigt sur la gâchette. Apparemment, il s'agissait de noirs dans la fleur de l'âge.

- Des noirs ? Qu'est-ce qu'ils font là ? murmurra-t-elle.

L'un d'entre eux s'était immobilisé. Lentement, il avait tourné les yeux vers son buisson.

***

- Et c'est ainsi que j'ai réussi à m'échapper, acheva-t-elle de dire en observant pleinement la lune éclatante.

Ils avaient bu ses paroles comme une douce ambroisie qu'ils jugeaient désormais à la lumière nocturne. L'un d'entre eux, le plus baraqué, se leva et observa brièvement les environs avant de rasseoir.

- En tout cas Nika, ta cachette est parfaite.

- Merci Dembelé.

L'autre se grattait la tête et s'interrompit pour demander :

- Alors, qu'allons-nous faire maintenant ?

- Je voulais libérer les esclaves de mon maître et avec eux, atteindre le nord.

Les deux hommes, qui étaient devenus bien plus soudés qu'avec un lien de familiarité, observait le sol avec chacun ses réactions. Dembélé avait les sourcils froncés et traçait des lignes sur le sol. Saliou par contre était bien calme et immobile. Impossible de connaître leurs véritables états d'âme.

- Moi, j'ai peur qu'on soit tous atteints de folie.

- D'une folie ? De quelle folie ? s'étonna Nika.

- La rage rend fou. Elle te fait décimer des personnes s'en même que tu ne t'en rende compte... A chaque fois que je les tue, tout s'anime à nouveau et me révolutionne. Parfois je me mets à penser qu'ils sont tous les mêmes, ce qui est faux ; et même malgré ça, ils sont des humains, alors s'ils ne nous aiment pas, est-ce qu'on devrait changer la face et devenir nous aussi des meurtriers ? Non et on regrette parfois certaines choses qu'on a faites.
On a tué la femme de notre ancien maître et plusieurs autres personnes lors d'une fête. Seulement par vengeance. Alors quand tu parles de libérer, je veux que ça en reste là.

Nika songea immédiatement à l'envoyé qui lui insufflait une colère sans pareille. Elle ne se sentait plus elle-même et devenait plus courageuse. Non, elle n'était point atteinte de cette rage destructrice, elle éliminait uniquement ceux qui lui faisaient du mal.

C'est ce qu'elle avait dit quand Saliou avait rétorqué :

- Pourtant, on dirait que tu as achevé ton violeur en toutes connaissances de cause. Par vengeance et on ne te juge pas, c'est sûrement ce que nous allions faire à ta place... mais évites de te laisser aller à des comportements d'agressivité rien qu'en te remémorant le passé... si tu te perds dans ces filets, tu vas te faire mal, acheva-t-il de dire en se levant pour étirer ses muscles saillants.

Nika réfléchit à ses paroles toute la nuit, après avoir imaginé avec eux un certain plan.

C.N. : Sur mon Corps et dans mon Cœur [ TERMINÉE ] Où les histoires vivent. Découvrez maintenant