Le soir même de la fête, une fois tout nettoyé et tous couchés, la pluie se mit à tomber dans plusieurs rafales de vent. Et cette nuit de tempête fût pour elle une nuit de tourments. Sur sa couche faites de sacs de pommes de terres et de vieux tissus des patrons, la jeune femme se tournait et se retournait, ouvrait les yeux et avait un mal fou à les refermer. Cette nuit, tous ses souvenirs affluaient et se révélaient plus réels que tout autre chose. Que la tempête, par exemple. Car elle revoyait toutes ces atrocités dans le bateau. Ces gens malades que l'on jettait à la mer. Cette même eau qui était déversée sur les plaies. Cette superposition dans des espaces minuscules. L'alimentation qui ne pouvait pas subsister. Cette maltraitance. L'idée d'être réduit au même niveau que des animaux. Sa vente, comme si une simple somme d'argent pouvait être réellement échangée comme une vie humaine. La domination sur eux, le droit de les tuer, les vendre et les maltraiter comme ils désiraient. La mort de Loki, Victor, Fanny qui avait été contrainte de travailler même étant proche de la date de naissance, le père Will, ainsi que tous les autres esclaves blessés moralement et physiquement, humiliés et tués qui vivaient désormais sur la terre américaine.
Elle serrait entre ses mains deux gros bâtonnets de bois ainsi que la mâchoire. L'envie qui la prenait était telle qu'elle désirait faire un carnage dans cette habitation trop grande, trop blanche. En l'honneur de l'amazone qu'elle aurait voulu devenir. En l'honneur de la femme battante qu'elle était. Ses sourcils étaient froncés, ses traits durs, et la chaleur lui montait à la tête. Son frère s'éveilla simultanément avec un coup de foudre. Des sueurs dégoulinaient sa peau comme des vallées trop grandes à parcourir, et il semblait en alerte ; il tremblait de tout son corps. Il parla à sa sœur dans un fracas de voix :
- Cette nuit est maudite, Nika.
- Que t'est-il arrivé ? interrogea-t-elle d'une voix douce, quittant son enveloppe de colère pour l'inquiètude.
- Les souvenirs Nika, les cauchemars, ce temps caverneux !
- Je viens de me rendre compte d'une chose...
- Quoi ?
Elle réalisa soudainement avec effroi que son hypothèse était véridique. Prise de panique et de peur, elle se prit la tête entre les mains.
- Victor nous avait dit que le cachot était un peu ouvert sur certaines parois, et aussi troué par endroit. L'eau de ruissellement, la pluie... tout entrera dans le caveau ! Et Tom est là-bas... S'il continue à pleuvoir, je ne connais pas la taille de cet endroit, mais le niveau de l'eau peut monter et le noyer !
- Non, Gaston nous l'aurait signifié.
Subitement, la porte en bois qui fermait la bicoque s'ouvrit et laissa apparaître une silhouette masculine dans l'encadrement. Dans sa main était un objet reconnu éclairé comme assombri ; un fusil de chasse. Personne n'aurait véritablement deviné de qui il s'agissait, d'entre le fils du patron, les cousins récemment venus ou les gardes-cercles, mais seuls les deux frères le sondaient des yeux.
L'odeur de la terre mouillée entra en trombe dans le lieu. Il avança le premier pas. Nika, ou encore Éléanor, se savait découverte. Alors elle utilisa sa main comme visière pour mieux discerner la face de leur visiteur inconnu.
Ce dernier avança le second pied. Il eût, à cet instant, comme des cliquetis à sa poche, le son de clefs qui s'entrechoquent.
- Viens, ma belle Éléanor, viens ! dit-il d'une voix nasillarde.
L'on aurait dit que cette personne désirait ne pas se faire reconnaître par ces deux individus éveillés.
Vu qu'elle s'éloignait peu à peu par la force de ses pieds, il tendit vers elle sa main.
Puis il s'avança de plusieurs bons mètres.
Ses bottes frôlèrent les orteils d'Éleanor.- Qui êtes- vous ? demanda Fresky. Laissez nous tranquille !
- Ferme ta gueule de sale nègre, Fresky.
Ils avaient donc immédiatement reconnu la personne devant eux. Subitement, Eldor souleva la jeune femme dans un mouvement brusque et la porta sur son épaule.
- Eh, laissez-moi tranquille ! Eh !!!
En position défense, elle le frappa de coup de poings, le mordit. Son frère avait même décidé de l'arracher à sa poigne.
Mais encore brusquement, Eldor dégaina son fusil et tira en direction de sa jambe.- Cela t'apprendra à ne pas m'énerver. Allez, viens ma belle, avait-il déclaré.
Les cris de Éléanor avaient éveillé quelques noirs qui lui couraient déjà derrière. Mais pour la menace, il pointa son arme sur la tête de leur bien-aimée en leur disant cela :
- Au moindre faux pas, je lui explose la tête. Compris ? Et C'est valable pour toi Éléanor, tu bouges, je te tue et je tue ton frère. Ok ?
Elle resta calme et opina. Les paysans se sentaient mal, car ils savaient le sort qui lui était réservé.
***
Après quelques minutes de marche, ils arrivèrent à la demeure blanche. Eldor gravit les escaliers pas à pas avec la jeune esclave sur l'épaule. Elle avait beaucoup pleuré, se sentant soudainement impuissante pour sa propre vie. Là, elle suffocait.
Il ne tient pas compte d'elle et arrivé dans sa chambre, la jeta sur son lit et verrouilla la porte d'entrée.- Qu'allez-vous me faire ? demanda-t-elle anxieuse et paniquée.
- Rien de mal. Juste une petite partie de... tu verras bien !
Il posa son arme sur la chaise à côté. Ensuite, il se deshabilla et se jeta corps et âme sur la pauvre femme.
Éléanor ne pouvait pas accepter une chose pareille. Il était hors, mais vraiment hors de question qu'il lui fasse cela. Toujours en pleurs, une solution vint à elle ; sauter du haut de la fenêtre, espérer être en vie et fuir, fuir cette misérable vie. Elle ne pouvait pas lutter contre cet homme et c'était cela qui la dérangeait.
Il avait certes la vingtaine, il était solidement bâti et avait des muscles imposants et saillants. Les larmes affluaient. Et dans un état d'esprit soudain, elle quitta le lit et se rua vers la fenêtre ouverte, mais le jeune homme avait prévu et l'agrippa de ses grands bras.
- Cela fait des mois que tu me fais de l'œil tu sais, susurra-t-il à son oreille.
Il la renversa sur le lit et se plaça entre ses jambes.
- À ton tour de quitter vêtements pour moi, Éléanor.
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C.N. : Sur mon Corps et dans mon Cœur [ TERMINÉE ]
Historical FictionAu matin hivernal sur le sol de la Louisiane, une nouvelle esclave foule les terres américaines et se voit aussitôt embarquée dans la propriété de Sir Winchester. Comme beaucoup d'autres nègres, elle est contrainte à supporter les injustices faites...