1st Chapter - Krystal

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Le vide, des têtes qui bougent sans même lever la tête. Voilà la vision de Krystal Salis, 15 ans, debout sur le rebord d'une balustrade en haut du toit du lycée. Une dizaine de mètre le séparer du sol bétonné. Son cœur s'emballe, des larmes dégringolent sur ses joues et partent s'écraser sur le sol quelques mètres plus bas. Des larmes indifférentes à la brise automnale qui souffle sur la ville depuis quelques jours. Une brise qui se ressent d'autant plus qu'il est en hauteur et qui lui fouette le visage. Mais voilà, sa raison et son corps refusent de suivre ces larmes. Krystal avait pourtant tout au début pour ne jamais à avoir à se retrouver là mais les choses ont bien changé.


- Si tu comptes sauter, tu pourrais au moins éviter de le faire devant moi ?

Le jeune homme brun sursaute et tourne son regard vairon vers le nouvel élève de l'école, ce dernier est allongé le long de la balustrade, les yeux fermés, les bras croisés derrière sa tête, une jambe tendue et l'autre repliée. Il semblait être plutôt nonchalant, mais sa voix semblait agacer.

- Tu es là depuis longtemps ? demande le brun au blond platine tout en essuyant ses larmes honteuses.
- Hum... disons que j'étais là les trois fois où tu as franchi cette rambarde, affirma t-il.
- Que... tu mens ! Il n'y avait personne !
Sa réplique attira quelques regards et des élèves et professeurs commencèrent à s'immobiliser pour voir ce qui se passait. Certains semblaient choqués mais d'autres commencèrent à lancer des cris d'encouragement avec beaucoup de haine ou d'amusement dont certains venaient des principaux responsable de la situation actuelle. Mais Krystal ne les écoutaient pas, son attention était concentré sur le nouveau.
- Apparemment non puisque tu viens de me confirmer que c'est la troisième fois que tu viens là.
Le blond ouvrit les yeux et se redressa sur ses coudes, scrutant le suicidaire d'un regard perçant, il semblait chercher à le sonder.
- Alors dis-moi, qu'est-ce qui te donne ces pulsions suicidaires et pourquoi tu ne le fais pas ? Fit-il curieux
- Comme si mes problèmes pouvaient intéresser un nouveau, répondit le brun d'un ton acerbe.
- Cela m'intéresse à partir du moment où la personne le fait devant moi, gronda l'adolescent. Ta petite amie t'a plaquée ?
- Tu es ici depuis deux semaines et tu n'es toujours pas au courant ? Questionna Krystal d'un ton curieux. Pourtant, ici, c'est tout le bahut le problème.
- Je n'ai pas pour habitude d'écouter les ragots, répliqua le garçon en passant une main dans ses cheveux. J'aime bien me faire ma propre idée des gens, alors ? Quel est le problème ?

Krystal hésita un instant, mais pouvait il vraiment se confier à quelqu'un qu'il ne connaissait même pas ? Mais bizarrement, quelque chose en lui le poussa à s'exprimer.

- Mon problème ? J'en ai trois de problèmes.
Krystal se détourna de son vis-à-vis et scruta les gens en dessous, les cris avaient cessé sur demande des professeurs mais la foule s'amassait petit à petit. Il ferma les yeux et se lança dans son récit.
- Pour commencer, j'ai les yeux vairons, mon œil droit est bleu pâle et mon œil gauche est vert bouteille. Quand j'étais petit, cela sollicitait souvent trois réactions : l'admiration, la jalousie ou le mépris, jusque là, tout allait bien, ma mère me répétait tout le temps qu'elle adorait mes yeux, qu'ils étaient uniques.
Il déglutit et il ouvrit de nouveau les yeux en levant la tête vers le ciel ensoleillé du printemps. Il respira à fond et continua son récit.
- Et puis, il y a cinq ans, des choses étranges ont commencé à se réaliser, sans le vouloir, j'ai donné vie à un dessin de rosier, les gens trouvaient cela excitant et magnifique, après tout, un rosier n'a rien de dangereux, mais il se trouve que je peux donner vie à n'importe quelle création du moment que cela représente un être vivant : sculpture, dessin, tableau, film. Un jour, j'ai accidentellement donné vie à un dessin de lion et j'ai mis en danger pas mal de monde, depuis, mes camarades me traitent de monstre, sauf mes meilleurs amis Clio et Edy qui continuent de me soutenir. Les rumeurs disent que j'ai un jour projeté quelqu'un loin de moi alors que c'est faux, depuis je suis rentré au lycée mais les rumeurs et certains anciens camarades de classe ont atterris dans ce même lycée et du coup, pour eux, je suis un monstre. Mes parents me disaient de ne pas faire attention, qu'ils étaient juste jaloux de mon pouvoir.
A nouveau, il regarda vers le sol, son cœur battant la chamade, les larmes commencèrent à nouveau à couler.
- Et puis, récemment, j'ai avoué à mes parents et mes amis que je préférais les garçons et cette fois, c'est ma mère qui m'a tourné le dos, pourtant, elle ne trouvait pas bizarre que je possède des pouvoirs, mais être homosexuel en revanche semble être contre-nature pour elle. Depuis je n'ai plus que mon père et mes vrais amis pour me soutenir. Je n'en peux plus de ces insultes et de ces regards. Seulement...
Sa voix mourut dans ce dernier mot, il avait honte de ce qu'il allait dire, vraiment honte, seulement, le blond ne lui laissa pas l'occasion de se taire.
- Seulement ?
- Seulement je n'ai pas la lâcheté nécessaire pour me jeter dans le vide, avoua Krystal en colère. Les gens disent qu'il faut du courage pour se suicider mais c'est faux, le suicide est un acte lâche car si la personne ne souffre plus, son entourage, en revanche, ne s'en relève pas, il faut beaucoup de lâcheté pour laisser derrière soi des gens que l'on aime. Et c'est de penser à eux, le visage dévasté, qui me retiens de faire le grand saut.
- Oh ! fit son vis-à-vis admiratif. Eh bien, moi qui pensait que tu étais un gars stupide, tu es finalement plutôt quelqu'un de réfléchi et intelligent. Tu sembles avoir un côté égoïste mais d'un autre, tu penses aux autres, c'est plutôt bien, d'autres ne réfléchissent pas comme toi. Tu es un gars intéressant.
- Je dois prendre cela comme un compliment ? Questionna Krystal qui ne savait pas trop s'il s'agissait de moquerie ou non
- Oui, affirma l'autre. Mais dis-moi, est-ce que tu détestes tes yeux toi ?
- Non, j'en suis plutôt fier, répondit Krystal surprit par sa question mais aussi par sa réponse qui ne donner lieu à aucune hésitation.
- Et ton pouvoir ? Tu en as peur ? Tu le détestes ?
- Non, je le trouve fantastique, même si je n'ai réussit à réitérer l'expérience volontairement qu'une seule fois.
- Et ton orientation sexuelle ? Tu en as honte ?
- Bien sûr que non, autrement, je n'en aurai jamais parlé à mes proches.
- Alors dis-moi, si quelqu'un venait vers toi te tendre la main et t'inviter à venir dans une école où tu serais accepté ? Tu le ferais ? Evidemment, je ne dis pas que tu serais apprécié de tous, mais tu ne seras plus considéré comme un monstre.
- Une école qui m'accepterait ? Avec personne qui me connait ? Voilà une idée bien utopique mais si cela se présentait à moi, oui, je pense que je franchirais le pas.
- Même si cela implique que tu dois vivre en pension là-bas ? Même si cela implique que ton père et tes amis ne te verront que pendant les vacances de Noël et d'été ? Que leur seul contact avec toi sera par courrier ou par email ?
- Je... là, franchement je ne sais pas.
- Pourtant, je pense que cela ne pourrait que les soulager, affirma le garçon.
- Pardon ? demanda Krystal choqué.
- Réfléchis, qu'est-ce qui est le pire pour quelqu'un qui tient à toi ? Te voir triste dans un environnement qui te donne des envies de suicide ? Ou te voir t'épanouir même si c'est loin d'eux ? Tu sais, généralement, on ne peut pas être heureux si ceux qu'on aime sont malheureux. Je pense que ton père et tes amis sont malheureux de te voir ainsi.
- Je... ce n'est pas faux, c'est vrai que papa se dispute beaucoup avec maman et semble très fatigué depuis quelques temps. Et mes amis semblent mal à l'aise.
- Dans ce cas, quel serait ton choix ?
- Si c'est pour être heureux et les voir sourire à nouveau, alors oui, j'irai.
Un silence s'installa entre les deux jeunes, le blond scruta un instant le brun qui regardait toujours vers le sol. Un sourire se dessina. D'un bond, il se releva, s'épousseta et avança vers la balustrade. Il jeta un coup d'oeil dans le vide puis tendit finalement une main sûre et sincère au suicidaire.
- Bien, et si je te dis que cette école existe ? Est-ce que tu voudrais bien revenir de mon côté ?
- Ce genre d'endroit n'existe pas.
Tout en répondant cela d'une voix désespérée, Krystal tourna le dos au vide, les jambes flageolantes, il se hissa par-dessus la rambarde, il manqua de tomber en arrière mais son... nouvel ami ? le rattrapa et le tira vers lui avec toute la force qu'il pouvait avoir. En bas, différents sons montèrent, des sons de déception, d'autres de soulagement, mais Krystal n'en avait rien à faire. Encore une fois, il n'avait pas pu se décider à faire le pas. Il jeta un regard à l'inconnu qui tenait toujours son bras malgré le danger écarté.

- Comment tu t'appelles ? demanda-t-il
- Anaël Dolmen et toi ?
- Krystal Salis.
- Et bien Krystal, afin de te prouver que ce lieu existe bel et bien, je vais te faire une démonstration de mon propre pouvoir.
- Quoi ? demanda Krystal surpris.
Dans un sourire, Anaël resserra davantage son étreinte sur le bras de Krystal et en une fraction de seconde, le sol blanc du toit du lycée venait de faire place au sol sablonneux d'une immense allée au bout de laquelle se trouvait un immense édifice en ardoise bleue.

- Bienvenue Krystal, bienvenue à Saphir !





( Note d'auteur : Le chapitre va vous semblait un peu court et rapide mais il est surtout là pour poser les bases de l'histoire. Je tiens également à signaler que les yeux vairons seront souvent ma marque de fabrique dans mes récits, j'aurai aimé naitre moi-même avec cette particularité mais ce n'est pas le cas mais j'adore cette particularité que je trouve magnifique.

Voilà, en espérant que vous aurez fait bonne lecture. )

Saphir - L'école des donsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant