SDF.
Depuis le temps
Qu’il était là,
Sur son banc,
Serrant contre lui
Ses pauvres richesses,
Il faisait partie du décor.
La vie n’avait pas été
Tendre avec lui.
A force de sacrifices,
Il avait, pensait-il,
Conquis sa place.
Et puis,
Par une ironie grinçante,
Ce qui lui avait été
Accordé,
Lui fût retiré.
Morceau par morceau.
Lui, qui était quelqu’un
Devint personne.
Lui, qui était en vue,
Devint transparent.
Son univers fût réduit
A son banc et quelques
Guenilles.
Il perdit jusqu’à son nom.
D’autres se chargèrent
De le renommer, un temps.
SDF, acronyme poli,
Mais le brûlant comme un
Fer rouge.
Il devint objet entier
De son décor,
De notre décor.
Il passait des heures sur ce banc.
Regardant les autres,
Ces autres dont il avait fait partie.
Quand on l’a retrouvé,
Un matin d’hiver,
Il avait quitté ce monde,
Qui l’avait rejeté.
Personne ne l’a pleuré,
Personne ne s’était soucié
De son immobilité.
Sa dernière marque,
Dans ce monde égoïste,
Une ligne de plus dans un registre
De statistiques.
Et rien, dans
Nos mémoires.
