Chapitre 4 : Gaël

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J'analyse chaque parcelle de cette chambre en espérant qu'un détail me semble familier. Les murs sont de couleur rose saumon, le parquet d'un gris-blanc ancien et un lit deux places aux draps gris se trouve au centre de la pièce. À droite, une commode et une armoire comportent sans aucun doute mes vêtements. Tandis qu'à l'opposé, près de la fenêtre, il y a un bureau et des étagères.

Depuis mon réveil à l'hôpital, je me focalise sur tous les indices qui m'entourent. J'accepte l'aide de mon entourage, mais je ne peux pas m'en contenter. J'ai besoin d'avoir le sentiment que c'est moi. Je veux comprendre toute seule qui j'étais, et ces indices me sont indispensables pour arriver à la conclusion.

Observer cette chambre qui est censée être la mienne me permet également d'éviter leurs regards insistants. Autour de moi, je recherche une touche personnelle, une photo, un poster, un cahier. Or il n'y a rien. Comment me sentir à l'aise dans un lieu qui ne me représente pas ?

Malgré toutes ces questions qui se bousculent dans ma tête, je ne dis rien. Je sais que cette situation est aussi dure pour eux que pour moi. Ils font tellement d'efforts que je me sens égoïste. J'aimerais leur rendre la pareille, mais j'en suis incapable. Dans ma tête, je vis dans la chambre de quelqu'un d'autre, avec la famille de quelqu'un d'autre. On me présente un « environnement » qui n'a rien à voir à celui qu'on m'a imposé pendant trois mois et c'est difficile.

- Ma chérie, dit ma mère en me sortant de mes pensées, nous aimerions te présenter quelqu'un.

Elle se décale pour laisser passer ma sœur, suivi de près par un garçon. Il doit faire une tête de plus que moi, et ses cheveux bruns, en bataille, me donnent l'impression qu'il vient de se lever. Il porte un jean avec un tee-shirt, ce qui est étrange comme tenue en cette saison hivernale.

- Salut, fait-il en s'approchant de moi pour me faire la bise.

Alors qu'il allait parler, ma mère l'interrompt en posant une main sur son épaule et l'autre sur la mienne.

- Voici, Leonardo.

- Je préfère qu'on m'appelle Leo.

Je regarde ma mère avec insistance pour avoir des explications. Ont-ils oublié de me mentionner un frère ? Un cousin ? Un ami ? Comment suis-je censée me comporter naturellement, si on me prend par surprise ?

- Avec ton père, annonce-t-elle en regardant rapidement ce dernier, nous avons pris la décision d'engager Leo. On pense qu'une personne ayant la même tranche d'âge que toi pourrait t'aider.

Confuse, je fronce automatiquement les sourcils.

- Ce n'est pas une punition, s'empresse d'ajouter mon père, nous avons parlé aux médecins et ils pensent que ça pourrait être une bonne idée.

Il m'arrive de penser aux souvenirs qui me semblent inoubliables. À cet instant, je me remémore ma première rencontre avec mes parents. La colère de mon père, les pleurs de ma mère, leurs inquiétudes. Le médecin a parlé d'une aide extérieure, telle que des psychologues, ce que ma mère a immédiatement refusée et j'ai été envoyée en Belgique chez ma grand-mère. Elle ne voulait pas que je sois face à des inconnus, sachant qu'eux l'étaient déjà pour moi. Et pourtant ils l'ont fait quand même...

- Tu viens de dire que je devais reprendre mes habitudes, je murmure à l'intention de mon père.

- C'est vrai, valide aussitôt ma mère, sauf qu'on ne veut pas t'enfermer dedans. Tu as besoin de sortir, découvrir et par moments t'éloigner de tout ça, réapprendre à vivre.

Elle fait un rapide mouvement des mains pour montrer la pièce et eux.

- Leo a emménagé à quelques kilomètres d'ici, m'informe mon père, c'est lui qui te déposera au lycée le matin et qui te récupérera le soir. Pour ce qui est du reste, vous êtes grands pour vous arranger.

EffacéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant