Chapitre 10 : Gaël

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Chaque jour que je passe au lycée devient plus dur. Je suis rassurée quand une journée s'écoule sans que personne ne soit venue m'adresser la parole. Pourtant il reste leur regard, leurs manières de chuchoter, de me dévisager et de spéculer ce que je pense. Les ignorer ne suffit pas. Marcher les yeux rivés au sol ne suffit pas. Me faire discrète ne suffit pas.

Quoi que je fasse.

Je suis dans une impasse.

Dès que je croise quelqu'un, les mêmes questions surgissent dans mon esprit. Me connaît-il ? Que sait-il sur moi ? Que pense-t-il de moi ? Chaque jour qui commence est un nouveau combat contre moi-même. Contre eux. Par moments, j'essaye d'oublier que je suis une souris dans une cage pleine de chats.

Je passe la porte de la salle les mains plongées dans mes poches de manteau pour que personne ne s'aperçoive que je tremble. Je vois le blond de l'autre fois assis à la rangée du fond, sa tête est posée sur sa main tandis que ses yeux commencent à se fermer. En posant mon sac sur la table voisine, il lève la tête vers moi et je me contente de sourire timidement en tirant sur la fermeture éclair de mon sac pour pouvoir sortir sa pochette cartonnée.

- Tu as eu le temps de tous reprendre ?

- Oui, je te remercie. Je peux m'asseoir ?

Il me fait un geste de la main vers la chaise et je m'exécute en sortant mon cahier de cours, ma trousse et ma calculatrice. Nous n'ajoutons rien, jusqu'à ce que le professeur arrive en commençant par faire l'appel. Lorsqu'il prononce mon nom, quelques têtes ce retourne vers moi, comme s'il ne se souvenait pas que j'étais revenue. Depuis déjà plus d'une semaine.

Le professeur commence à expliquer son cours et nous terminons l'heure en faisant des exercices. Lorsque je pose ma calculatrice sur le côté pour écrire le résultat, je constate que mon voisin m'observe du coin de l'œil. Exactement comme la première fois.

- Qu'est-ce qu'il y a ?

- Tu as toujours aimé les chiffres, avoue-t-il.

Le mot « toujours » raisonne dans ma tête en provoquant de nouveau le tremblement de mes mains. Avec un mot, il vient de répondre à toutes mes questions. Il me connaissait. Il sait tout de moi. Mes yeux trahissent sûrement mes pensées, puisque le sourire sur son visage se crispe. Il tente alors de rattraper le coup.

- Nous sommes voisins.

Comme si ce fait pouvait tout expliquer. Comme s'il ne me l'avait pas déjà dit.

- Et nous étions amis, renchérit-il.

- Comment tu t'appelles ?

- Maxime.

Ses yeux verts se plongent dans les miens en tentant sûrement de me montrer sa sincérité. Je finis malgré tout par détourner les yeux tellement il me déstabilise. Je n'aime pas l'idée d'avoir été ami avec lui, je n'aime pas savoir que je n'avais sûrement aucun secret pour lui.

Je suis terrifiée.

La sonnerie retentit et le soulagement me submerge. Je range rapidement mes affaires pour sortir de la salle et rejoindre Leo à l'extérieur. Sauf que Maxime est aussi rapide et marche à côté de moi dans le couloir.

- On pourrait manger ensemble un midi ? me propose-t-il lorsqu'on atteint le portail.

Je cherche une excuse pour refuser, mais le temps défile et je n'ai toujours rien. Il s'impatiente face à mon silence et je finis par hocher la tête.

- D'accord.

- Super.

Je commence à partir en direction du parking pour rejoindre Leo dans la voiture. Une fois assise, je ferme les yeux très forts pour oublier ce qu'il vient de se passer. Je serais confronté au passé. À une autre personne qui en faisait partie. Je n'en suis pas capable.

EffacéeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant