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Au collège, Anatole a fait de nombreuses erreurs. Tout d'abord, il a refoulé toute sa frustration et sa haine en se moquant des autres. En particulier, sur Lilia Wang, une Asiatique qu'il trouvait insupportable avec ses bonnes notes en fond de classe.

— J'étais jeune et con, commence-t-il sans savoir comment amener le plus gros.

Elle le fixe.

— Et je disais des trucs faux. Je sais que j'imitais l'accent chinois quand tu me parlais, que je me moquais de tes vêtements, que je faisais des blagues racistes pour faire rire les gens. Que j'étais juste un putain de con.

Il n'arrive pas à croire qu'il a fait ça. Lui, Anatole, qui aujourd'hui continue à faire des bêtises, mais pas aussi connes que celles qu'il a faites avant. Tout est grave.

— J'ai merdé quand je me suis moqué de toi après tous tes exposés. Puis y avait cette rédaction en 6e sur ton père qui a été tué la même année, où j'ai trouvé ça intelligent de rire nerveusement quand t'as perdu tes mots en lisant devant la classe. Parce que je sais pas, j'ai cru que ça allait faire rire les gens.

— Ça a fait rire les gens, rappelle Lilia.

Le plus gros arrive.

— Puis, en 5e, tu sais pour ce qui s'est passé.

— Ouais je sais.

— Désolé. J'ai pas été malin non plus quand j'ai fait mon con. Quand ta mère a essayé de se suicider et que j'ai dit que t'étais maudite, un truc du genre. J'ai dit ça après que t'aies essayé de m'aider. J'étais aveuglé par ma connerie, bon sang.

Anatole ne sait même plus pourquoi il a fait ça. À quel moment a-t-il arrêté d'être cette personne ignoble ? À quel moment s'est-il rendu compte que les mots avaient un impact ? À quel moment est-il devenu quelqu'un de « bien » ? Est-il quelqu'un de bien finalement  ? Et puis, sa mémoire a tellement trié les événements qu'en début d'année, il ne se souvenait même pas d'avoir été aussi cruel avec elle. Dans sa tête, il l'avait juste « embêtée » de temps en temps.

— Je t'ai harcelée. Tu peux me dégommer.

— C'est ça tes excuses ? demande-t-elle calmement.

— Je sais pas. Je suis encore défoncé. Et si tu veux une raison à ce que j'ai fait. Je pense que c'est parce que j'étais naïf et tellement con et que je pensais que si je te ridiculisais publiquement, les gens m'aimeraient et m'intégreraient.

Lilia clape des mains, amèrement.

— T'as réussi ton pari, on t'adorait partout. Je suis sûre que t'as kiffé d'avoir treize ans et d'être le roi d'un collège bidon.

Silence.

— Ça fait plus de cinq ans déjà, mais voilà, désolé Lilia.

— Je sais pas si c'est pardonnable. C'est même pas oubliable.

Anatole comprend qu'il a marqué son adolescence de la mauvaise façon, qu'il lui a fait un mal sans limites. Trop de mal. Qu'il est une personne terrible et qu'il ne sait plus qui il est quand il prononce ces mots.

— Je me rachèterai.

— Bonne chance, rétorque-t-elle en le défiant du regard, avec un ton acerbe.

— Pardon, Lilia. Encore putain de pardon.

ZutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant