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Angèle est là, postée face à lui quand il lui ouvre la porte. Elle a encore la veste d'Anatole sur elle. Le brun la regarde, sans trop savoir quoi dire.

— Hey...

— Hey, répond-il en la voyant baisser les yeux.

Elle entre dans le salon, referme la porte derrière elle. La brune croise finalement son regard et toussote légèrement. Elle lui a manqué.

— T'avais quelque chose à me dire ? demande Anatole en s'adossant au mur.

Angèle acquiesce.

— Est-ce que t'es au courant ? réplique-t-elle.

— Ouais.

Ils hochent la tête en même temps.

— C'est vrai. J'ai quitté Selim, annonce Angèle.

Anatole l'observe. Elle a les cheveux un peu plus courts, les yeux un peu plus vifs. Elle ne paraît pas malheureuse, juste trop épuisée pour sourire.

— Et... tu voulais me dire ?

Silence.

— Je sais pas si ça se dit ce que je vais te dire.

Ils se regardent.

— Tu peux le dire. Ça doit se dire.

Elle regarde ses pieds, légèrement intimidée. Anatole, aussi, ose à peine la contempler.

— J'arrive pas à t'oublier Anatole.

L'effet qu'elle a sur lui l'effraie complètement. Ça fait trois mois qu'Hélène l'aide à remonter la pente. Et ça fait seulement deux secondes qu'il ne ressent plus de grand vide.

— Et... je sais pas si tu te souviens. Mais pendant l'été, tu m'as dit que j'étais courageuse. Vraiment courageuse. Et... je crois que j'ai pas eu le courage de me l'avouer. J'ai pas eu le courage de penser que Selim et moi ça allait pas marcher, parce que je sais pas, quand t'es amoureuse, tu veux juste que ça marche à tout prix. Et j'ai été aveuglée. Et puis... t'étais là. Et tu m'as aidée, tu m'as soutenue, t'as un peu illuminé ma vie pendant quelques semaines. Et d'un coup, il est revenu, il m'a dit « Je t'aime ». Et je sais pas, j'ai fait le choix de suivre mon cœur et je me suis rendu compte, en te voyant le soir chez Isidore y a deux mois, que... j'y connais rien aux motivations de mon cœur. Et j'ai passé deux mois à comprendre pourquoi j'étais malheureuse avec Selim et pourquoi j'étais heureuse quand j'étais avec toi.

D'un courage inné, elle lève les yeux vers lui.

— J'ai plus rien à perdre de toute façon. J'ai déjà tout gâché en me remettant avec lui. Et je sais que tu penses que j'ai rien fait de mal, mais j'ai... juste tout niqué entre toi et moi. Et... je sais pas si c'était sain ce qu'on avait. Il s'est rien passé, mais j'ai l'impression qu'il s'est passé tellement de trucs dans ce « rien ». Et... j'arrive pas à t'oublier.

Elle a eu la même réflexion que lui sur le « rien ». Le brun hésite encore. Avec elle, il ne sait jamais quoi répondre parce qu'il a trop de choses en tête. Pourquoi est-ce que tout est trop intense ?

— Je te mérite pas Angèle.

Elle sourit nerveusement, comme choquée par sa réponse.

— J'y crois pas... Je te fais une déclaration et tu penses que je te mérite pas ? Mais Anatole...

— Tu comprends pas, je suis pas quelqu'un de formidable ou génial. Je suis pas quelqu'un qui sait qui il est, j'apprends, j'avance. Je sais pas si on peut aller bien ensemble parce que j'ai peur de déteindre sur toi. Pendant ces deux mois, je me suis dit que c'était bien d'être loin, parce que je pouvais être seul sans toi et que t'étais heureuse. Mais est-ce que ça vaut le coup de risquer ton bonheur ? Fin je sais pas... je crois pas pouvoir offrir du bonheur à quelqu'un. J'arrive pas à m'en offrir. Et... Angèle, je sais pas ce qu'on est, toi et moi.

Ses pensées noires persistent. C'est difficile de s'en débarrasser et Anatole veut avoir le courage de les avouer.

Elle demande :

— Est-ce que j'ai pas le droit de t'aimer ?

Il ne sait pas quoi répondre.

— Je connais l'amour et les histoires de cœur. Je sais que ça fait de tomber amoureuse. Et je sais que toi aussi tu sais que c'est pas toujours tout rose. Mais je veux juste passer du temps avec toi Anatole. Et...

Elle pleure maintenant.

— Et te voir malheureux à cause de moi. Parce qu'Isi', ce con, il m'a dit que t'avais essayé de... une nuit et je me suis rendue compte que, je préfère perdre Selim plutôt que toi. Je sais pas.

Anatole fait finalement un pas vers elle.

— Essaye avec moi Anatole. Laisse-moi une chance. Je te prouverai que t'as tout faux et que... ça vaut le coup, toi et moi. Parce que tu vaux le coup.

Il ne sait pas quoi répondre. Parce qu'il a envie de dire « oui ». Mais il ne sait pas s'il peut le dire.

— T'as le droit d'avoir le courage de faire un choix pour toi.

Le jeune homme repense au vide, au fracassement de son cœur, à la peur de vivre. Il repense à ce qu'il a été, à ce qu'il ne veut plus être et ce qu'il a mal fait tout au long de sa vie. Ça fait des mois qu'il se dit qu'il ne mérite pas d'être aimé pour de vrai. Mais il veut être heureux et sait qu'avoir Angèle dans sa vie va le rendre heureux et que, s'il a cette chance, c'est qu'il n'a pas le droit de la gâcher.

Et puis, il est fatigué d'être malheureux.

Tendrement, Anatole pose une main sur sa taille, l'attire contre lui et la prend dans ses bras.

— OK. OK, pour toi et moi.

Angèle sourit, comme sur la photo.

— On y va petit à petit, murmure-t-il en sentant leurs cœurs battre.

— Pas à pas, assure-t-elle en fondant dans ses bras.

ZutOù les histoires vivent. Découvrez maintenant