Morgan

Chapitre IX

Sans réfléchir, je me transforme. D'un battement d'aile puissant, je prends mon envol en rugissant.

"Morgan !"il semble crier.

J'accélère encore. Mais pourquoi il m'arrive tant de galère !

Focalisée sur l'accélération que je tente de faire, un arbre plus haut que les autres me fouette la tête.

Je donne un coup de crocs rageux qui claque dans l'air et j'accélère encore.

"Tom..."

J'aperçois le lac et plonge vers le rocher.

Il n'est plus là. Rageusement, je me pose.

Quelque goutte plus chaude que les autres présentes sur le rocher attirent mon attention.

Elles ont une odeur métallique.

Du sang.

Je m'envole. J'ai déjà vécu ça. Il n'est pas perdu. Il a était enlevé par une vouivre.

J'en suis certaine.

Je pousse un rugissement qui se répand dans la nuit qui commence à laisser place au jour.

Où sont ils partis ?

Je prends de l'altitude.

Ma vision des flux de chaleur m'empêche de voir loin.

Je regarde le sol. J'en suis très éloignée.

Je me concentre. Son bec puissant et ses plumes douces s'affichent dans mon esprit. Et sans même redevenir humaine, je deviens un faucon.

Je ferme les yeux quelques instants.

Changer si rapidement de forme me donne des vertiges.

Après quelques secondes d'adaptation, je rouvre mes yeux.

Au loin, je distingue le vol chaotique d'une vouivre dont l'équilibre est dérangé par son repas.

"Tom !"

J'avance à tire d'aile dans sa direction. Je suis plus rapide qu'elle. Elle vole lentement.

Plus je m'approche et plus mon ventre se sert. Je la reconnais. C'est celle dont je prends l'apparence quand je me transforme.

Que se passe-t-il si je prends la même forme qu'elle ?

Mes transformations de chat et de jaguar sont si habituelles que j'ai fini par me détacher du modèle de base pour devenir des êtres à part entière.

C'est peut-être d'ailleurs pour ça que je prends la couleur de mes cheveux...

Mais quand je suis une vouivre, je ressemble exactement à celle qui tiens actuellement Tom dans ses griffes.

Je commence à être proche. Je sens l'air que brassent ses ailes de géant.

Tom pendouille mollement. Elle l'a endormie.

Je vole maintenant sous l'énorme reptile.

Comment récupérer Tom sans le blesser et sans se faire tuer ?

Je dois réussir à le récupérer avant qu'elle ne me repère.

La serre qui le tient est planté dans son flanc. Je me rappelle avoir subi le même traitement. Les blessures ont cicatrisé très vite d'ailleurs. Sûrement de la magie de guérison.

Quoi qu'il en soit, je ne peux pas la faire lâcher tant elle s'accroche à son futur repas.

Je dois attendre qu'elle le pose et je le récupérerai à ce moment-là. C'est le moyen le plus sûr.

Le soleil laisse apparaître ses timides rayons à l'horizon, mais la vouivre continue sa route.

Je vois les pics rocheux au loin à ma gauche. On vole vers le sud. Vers l'océan.

Il y a un immense marécage à cet endroit. Je suis certaine que c'est là qu'elle se dirige.

La peur naît au creux de mon ventre. Ce marée est décrit dans les livres comme étant le plus grand regroupement de vouivre.

Mon cœur se serre. Je vole vers une mort plus que certaine. Mais seulement, je ne m'imagine pas abandonner Tom à son sort. Lui qui malgré son jeune âge a survécu à la destruction de notre ville. Ou lui encore qui m'a sauvé alors que j'allais me faire entraîner dans les profondeurs du lac maudit.

Je ne peux pas le laisser.

Nous sommes encore à plusieurs journées de route de cet endroit. Peut-être que le reptile va s'arrêter avant. Je l'espère.

Je ne suis pas sûre de pouvoir maintenir l'allure. Je sens la fatigue s'immiscer en moi lentement.

Il faut que je passe à une forme que je maîtrise mieux, sinon, je n'arriverais pas à les suivre. Surtout que les vouivres sont des animaux qui peuvent voyager plusieurs jours sans manger ou boire. Il possède une réserve de graisse assez conséquente éparpillée un peu partout dans leur corps.

En prévision du long voyage qui m'attends, je dois revenir à la forme que je maîtrise le mieux : le chat.

Malgré la lenteur de la vouivre qui porte son fardeau, je pense que la suivre me demandera énormément d'effort sous cette forme.

Mais je suis sûre que je peux maintenir cette forme longtemps sans me fatiguer énormément.

Le sol n'est pas très loin de nous. Je devrais être en mesure de la suivre d'en dessous.

Soudain, je replie mes ailes contre mon corps duveteux et plonge vers le sol. Le vent fouette mes yeux que je suis obligée de fermer à moitié.

Arrivée au sol, je me transforme rapidement en chat. Cette transformation est très vieille. C'est la première que j'ai apprise. Je me souviens du modèle que j'utilisais à l'époque. Avant de personnaliser cette transformation, c'est le chat de Mme LeRose que je devenais.

Une vague de tristesse me parcourt alors que je repense à cette femme si gentille. Elle avait était presque comme une mère pour moi. Mais je dois faire mon deuil. Elle est sûrement décédée en protégeant l'orphelinat et tous les enfants.

L'attaque qui a eu lieu là-bas est d'origine magique je le sais. Mes yeux de vouivre l'ont remarqué. Et Mme LeRose, j'en suis sûre, n'en possède pas une once.

Une larme roule sur ma joue poilue alors que je me lance, suivant l'ombre de la vouivre que j'aperçois dans le ciel.

Mes pattes frappent le sol à mesure que j'avance. Pour l'instant, j'arrive à la suivre. Mais pour cela, je pousse mon corps à fond. Je bondis par-dessus les branches à terre, saute au-dessus des ruisseaux et tente de me frayer un chemin dans les herbes sauvages.

La vouivre se met à planer, me permettant de la rattraper. Au même moment, apparaît un ruisseau clair. L'eau appétissante coule doucement le long des rochers.

J'ai le temps de boire un peu...

Je pose mes lèvres sur l'eau. Faisant fi de sa fraîcheur, je l'avale goulûment.

Le liquide frais viens refroidir ma gorge enflammée par la course.

Je m'arrache rapidement à ce moment de plaisir pour repartir.

Mais quand je relève la tête, j'aperçois uniquement le ciel légèrement nuageux.

La vouivre a disparu.

Salut à tous !!! Voilà un nouveau chapitre qui j'espère vous plaira ! ^.^

Elispoupette ^^