Chapitre II

29 12 1
                                    

Je tangue. Le rythme est régulier. Je vais un peu vers le haut, puis vers le bas, et encore vers le haut...

"Mais où suis-je ?"

Je n'arrive pas à ouvrir les yeux. Mon corps est engourdi. Une démangeaison horrible parcourt mes membres. Une douleur vive irradie au niveau de mes flancs, comme si des pics y étaient plantés. Je lutte pour éveiller mon corps.

"La vouivre !"

Ma conscience revient peu à peu. Je me rappelle de tout ce qu'il s'est passé.

Soudain, le rugissement de la vouivre me fait ouvrir les yeux dans un sursaut. La vive lumière m'éblouit.

Je suis dans le ciel crépusculaire.

"On vole."

La vouivre s'accroche avec ses griffes dans mes flancs, mais je les sens peu, tant ma chair s'est habituée à leur présence. En revanche, je sens mon sang couler le long de mes jambes.

J'ai visiblement repris ma forme humaine quand je me suis évanouie. Le vent a désséché mes lèvres. Je sens un point particulièrement douloureux dans mon dos, l'endroit où elle m'a piqué.

"Le dard au bout de sa queue."

Je fais attention à ne pas bouger pour ne pas attirer son attention. Mon envie de finir dans son estomac est plutôt réduite.

Le vent frais me fait du bien. La forêt épaisse défile sous moi. Nous sommes loin de ma ville. Je repense à Aurore et à Mme LeRose qui doivent certainement m'attendre avec inquiétude, et à mon frère et son message d'appel à l'aide...

"Je ne peux pas mourir ici."

Je tente de remuer mes membres, mais rien ne bouge. Le venin de chaque vouivre à de propriétés différentes, celle-là a sans aucun doute le pouvoir d'immobiliser ses proies.

Soudain, elle replie ses ailes énormes contre son corps aux écailles fines. On plonge. Le vent me fouette le visage. Tellement violemment que ça me donne des nausées.

Je ferme les yeux.

Je sens qu'on atterrit et que la vouivre se déplace d'une démarche maladroite avec ses uniques pattes arrières.

Soudain, j'ouvre les yeux tant le choc est violent. Elle vient de me lâcher dans une espèce de boue nauséabonde. Elle me toise de son œil menaçant. Je tremble.

Elle approche sa gueule pleine de petites dents pointues de moi. Une odeur fétide s'en dégage. Je ferme les yeux très fort.

"Désolé Aurore..."

Ma meilleure amie depuis toujours. Elle m'a soutenue à chaque moment dur de ma vie. Et moi, je m'énerve contre elle alors que je sais qu'elle a raison, comme toujours.

J'attends, mais rien ne vient. J'ouvre à nouveau les yeux, hésitante. Je vois les narines du reptile juste à côté de la tête. Je sursaute.

"Elle me renifle ?"

Soudain, elle s'envole, m'abandonnant dans ce marais boueux, immobilisée. Je la suis du regard sans comprendre.

"Elle fuit ?"

Mais qu'est-ce qu'elle fuit ? Qu'est-ce qui est plus puissant qu'une vouivre ? Une autre vouivre ? Ou pire encore ?

Je tente de bouger. Mon corps commence à répondre. Je m'acharne avec l'énergie du désespoir. Je dois fuir et vite.

Je me relève. Le sol m'attire. Marcher me demande un effort énorme. Je sors de la boue. Quelque chose me fait trébucher et tomber à nouveau.

Des ossements dépassant de l'eau boueuse. Un frisson me parcourt. Je me relève précipitamment, mettant le plus de distance entre ce squelette et moi. Je me traîne. Ce marais semble infini. Les insectes dansent autour de moi, surexcités.

MorganOù les histoires vivent. Découvrez maintenant