4 - L'Organisation

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Il se tenait dans l'encadrement de la porte, les poings serrés. Les traits de son visage étaient tendus, ses lèvres pincées et ses narines retroussées comme s'il allait se jeter sur moi tel un animal. Il me fusilla du regard. Je pouvais lire la colère dans chacune de ses rides, mais je pouvais surtout la ressentir. C'était comme si un feu s'était allumé dans ma tête et se répandait dans tout mon corps. Je savais ce qu'il ressentait car je le ressentais aussi. Je me levai d'un bond et lui fit face les poings serrés. C'était donc revenu. Je pouvais à nouveau ressentir quelque chose venant des autres. Et je me rendis rapidement compte que la colère n'était sans doute pas le meilleur des sentiments pour recommencer. Je n'étais pas sûre de pouvoir tenir le coup, j'avais peur de la laisser me contrôler. Ma respiration s'était accélérée et je pouvais sentir mon sang bouillonné. Ma tête était en train de prendre feu. Mon corps ne m'appartenait plus. Il n'y avait plus rien en dehors de cette colère. Pas même cette douleur au creux de mon estomac. Rien que sa colère que j'avais fait mienne.

- Qui est-elle ? Qui est cette femme ? Hurlais-je en lui tendant la photo.

Il tenta de la saisir mais mes réflexes s'avérèrent meilleurs que les siens.

- Qui est-ce ? Répétais-je la mâchoire serrée si fort que mes dents grinçaient.

Il me regarda, interloqué. Puis son visage se détendit lentement, son regard s'était adouci. Sa colère s'estompa ne laissant plus que la mienne.

– Ta mère, soupira-t-il.

Puis il se retourna et quitta la pièce sans un autre mot. Je restai interdite pendant quelques minutes. Je repris lentement le contrôle de moi même et je laissai le feu qui s'était emparé de moi s'éteindre lentement, jusqu'à disparaître totalement. Je pouvais à nouveau respirer, la colère était partie. Je ne savais pas ce que je devais faire à présent. Même si mon père et moi n'étions pas toujours d'accord sur tout, on ne s'était jamais disputé, pas de cette façon en tout cas. Alors je ne savais pas quel comportement adopté face à Orlando. Je m'assis au bord du lit pour mettre un peu d'ordre dans ma tête. Essayer de comprendre ce qu'il venait de se passer. J'avais entre les mains la seule photo de mon père et ma mère ensemble. Je ne l'avais même pas reconnue. Mon père ne me parlait jamais d'elle et bien qu'elle soit partie alors que j'étais âgée de six ans, il ne me restait presque aucuns souvenirs d'elle. Il ne me restait plus que des sensations, des odeurs qui me faisaient penser à elle. Mais à présent j'étais face à son visage qui avait un air familier. Ses longs cheveux châtains lui retombaient sur les épaules, son sourire éclairait son visage et ses yeux bleus brillaient alors qu'elle regardait droit vers l'objectif. Pourquoi Orlando avait cette photo ? Et surtout pourquoi semblait-il si en colère que je l'ai trouvée ? Je pris mon courage à deux mains et décidait de lui poser tout simplement la question. Je voulais des réponses. Je le retrouvais dans la cuisine où il se servait une tasse de café. Il s'assit à la table, ajouta deux sucres à son breuvage et se mit à faire lentement tournoyer sa cuiller. Je m'installai en face de lui et tentai de déterminer ce qu'il ressentait à ce moment précis. Mais mes sentiments et les siens semblaient se mélanger de telle sorte qu'il m'était difficile d'y voir clair. J'abandonnais rapidement l'exercice. J'étais encore toute chamboulée. Une approche franche et directe serait sans doute plus facile.

- Parle-moi d'elle, lui demandais-je alors qu'il portait la tasse à sa bouche.

Il se figea, me regarda rapidement puis bu une gorgée avant de reposer lentement sa tasse sur la table. Il recommença à faire tournoyer sa cuillère. Ses mains étaient parcourues d'énormes veines et des quelques taches orangées. Elles avaient l'air d'avoir beaucoup servie.

- S'il te plait, ajoutais-je.

– Non, me répondit-il sèchement.

– Pourquoi ?

RêveWhere stories live. Discover now