Rêve

11 - Le refuge

Installé chacun à une extrémité du sofa, Andy et moi n'osions nous regarder. Il se passait quelque chose d'étrange entre nous, je pouvais le sentir, comme une réaction chimique sur laquelle nous n'avions aucunes prises. Je détestais ressentir ça. Perdre ainsi le contrôle de mon propre corps m'était insupportable. Je pouvais sentir mon sang bouillonner et ma tête me tourner. Impossible d'expliquer ce qui se passait entre nos deux corps, pourquoi ils s'appelaient et s'attiraient l'un l'autre. Je ne comprenais rien à ce qui se déroulait dans mon propre corps. Ce besoin physique, physiologique d'être au plus près d'Andy était inexplicable. Ça n'avait rien à voir avec le besoin que j'avais d'être auprès d'Alex mais ça n'en était pas moins fort. Il n'était pas question de sentiment amoureux mais d'une simple réaction chimique. Je pouvais entendre son corps m'appeler à lui.

- Les pouvoirs fonctionnent par pairs, ou plutôt par opposés. Et il est très rare de trouver sa moitié, surtout par hasard comme pour vous deux, nous expliqua Joachim en nous servant un thé glacé.

Il me tendit mon verre que je portais à mes lèvres sans en boire une seule gorgée. Une boule dans ma gorge refusait de laisser passer quoique ce soit.

- Qu'est ce que tu veux dire par opposés ? Lui demanda Andy qui reposa son verre intact sur la table basse en bois.

Le son de sa voix me fit frissonner. J'eus l'impression de la connaître depuis toujours comme si je l'avais déjà entendu.

- Tu devrais leur expliquer, Orlando. Après tout, tu connais mieux le sujet que moi.

Mon grand père n'avait pas prononcé un seul mot depuis l'arrivée d'Andy. Il était assis sur le fauteuil en face de nous et nous observait. Il porta son verre à sa bouche et en but une longue gorgée puis le reposa délicatement sur la table basse avant de se lever.

- Chacun d'entre nous a une moitié commença-t-il. Un autre lui même qui est en fait une partie de vous. Dont les pouvoirs respectifs se complètent comme les deux parties d'un tout, nous dit-il en se retournant vers nous.

Tout ça ne m'aidait pas vraiment à clarifier la situation, bien au contraire. Il sous-entendait que ce garçon et moi étions les deux parties d'un tout, que nous étions liés. Tout ça n'avait aucun sens et pourtant c'était exactement ce que je ressentais. Voilà pourquoi mon corps se laissait porter vers le sien, pourquoi nos mains se rapprochaient inexplicablement l'une de l'autre sur le sofa. Nous étions les deux parties d'un tout qui ne demandaient qu'à se retrouver. Sans que nous ne nous en rendions compte, nos doigts se touchèrent et je ressentis une décharge électrique parcourir mon corps. Je sursautais alors qu'il s'éloignait un peu plus de moi visiblement mal à l'aise. Il refusait de me regarder alors que je ne pouvais le quitter des yeux.

- C'est quoi ton pouvoir, me demanda-t-il sans même se retourner vers moi.

- C'est difficile à expliquer ... hmm ... je perçois ce que les gens autour de moi ressentent, bégayais-je.

Il se retourna alors vers moi et ouvrit la bouche comme pour dire quelque chose mais la referma aussitôt tout en continuant à me fixer. Les minutes qui suivirent me parurent une éternité. Joachim me regardait également avec insistance mais toujours souriant.

- Et le tien Andy ? Demanda Orlando.

Il baissa les yeux comme honteux. Les traits de son visage étaient durs, il me sembla plus âgé durant quelques secondes.

- J'anéantis tout sentiment chez ceux qui m'entourent, déclara-t-il d'une voix froide.

- Ça explique tout, répliqua Orlando en reprenant place dans le fauteuil.