3 - Plus jamais seule

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            La pluie avait commencé à tomber dès mon réveil. Alors que je venais de grimper dans la voiture, je remarquai que le ciel était si nuageux qu'il empêchait le moindre rayon de soleil de transparaître. Je ne reverrais sans doute pas de ciel bleu avant longtemps. Je regrettais tellement la Californie. La route jusqu'au lycée n'était pas longue. Je roulai le long de la bâtisse et suivis le flot de voitures jusqu'au parking. Une fois garée, je restais quelques minutes dans l'habitacle. Je tentais de trouver la force d'affronter cette journée et la douleur constante dans le creux de mon estomac ne m'y aidait en rien. Mais elle me semblait différente de celle que j'avais ressentie depuis la mort de mon père. C'était comme si on m'avait arraché une partie de moi-même. Le vide qui m'habitait depuis des jours avait laissé place à cette intenable souffrance. J'essayais de comprendre d'où elle pouvait venir alors que j'observais la grande bâtisse en brique rouge qui s'élevait devant moi. J'allais devoir affronter tous les regards inquisiteurs que subissent les nouveaux venus et je savais que dans une si petite ville, mon arrivée était l'événement majeur après la fête foraine du coin. J'allais être le centre de toutes les attentions alors que tout ce que je voulais c'était passée inaperçue. Ils me regarderaient tous et certains voudront même devenir mes amis. Je fermai les yeux et tentai de retrouver une respiration normale alors que je sentais déjà leurs regards à travers la vitre. Mais je compris rapidement que ce n'était pas uniquement moi qui les intriguais mais aussi ma voiture. Une magnifique Mercury Comet noire. J'avais moi même eue un choc en la découvrant devant la porte du garage le matin même. Je l'avais tout de suite aimée. Mais elle attirait deux fois plus l'attention sur moi, et je ne le supportais pas. Je n'eus même pas le temps de retrouver mon calme que quelqu'un frappait déjà à ma vitre.

- Besoin d'aide, beauté ?

Un véritable canon tout droit sorti d'une publicité pour des sous vêtements masculins se tenait juste devant ma portière. Ses yeux marron brillant pétillaient et il me souriait de toutes ses dents parfaitement blanches. Je le détestais déjà. Je devais avouer que depuis toujours, j'avais une véritable aversion pour les gens aussi parfaits et surs d'eux, sans doute car ils me rappelaient que je n'étais rien de tout cela et ne le serait sans doute jamais.

- Non, ça va merci, lui répondis-je froidement avant d'attraper mon sac et de sortir.

Je faillis le frapper avec la portière en sortant mais je ne m'en souciais pas. Je voulais juste sortir de ce fichu parking où tout le monde ne regardait plus que moi. Je remontais l'allée à toute allure sans même vérifier si le mannequin me suivait toujours. Je me réfugiai à l'intérieur et pénétrai dans un long couloir dont les murs étaient recouverts d'une peinture verte décrépie. Je me lançai à la recherche du bureau du principal où je devais me rendre et je constatai avec une certaine joie que tous les lycées se ressemblaient assez. J'aurais presque eu l'impression d'être à la maison si ce mot avait encore eu un sens pour moi. Je retrouvais les mêmes rangées de casiers des deux côtés du couloir principal. Les panneaux d'affichages annonçant le prochain match de foot régional, les résultats du championnat d'état de natation ou encore la date du prochain bal de promo. Des dizaines d'élèves vaquaient à leurs occupations sans trop prêter attention à moi. Certains me remarquèrent tout de même et m'observèrent tout en chuchotant à mon passage. Je trouvai enfin le panneau indiquant « Bureau du principal » en grandes lettres bleues et poussai la porte sans ménagement. La pièce était plus grande que je ne m'y attendais. Les murs étaient peints dans une teinte de jaune clair qui contrastait fortement avec le mobilier en bois foncé. Je me dirigeais vers le comptoir recouvert de brochures diverses mettant en garde les jeunes adolescents sur les méfaits de la drogue ou du sexe. Je découvris une petite femme aux cheveux roux assise juste derrière. Elle portait des lunettes vertes qui lui retombaient sur le bout de son nez parsemé de tâches de rousseurs, elle semblait perdue dans sa lecture. Je me raclai la gorge pour signaler ma présence mais elle ne bougea pas d'un cil.

RêveWhere stories live. Discover now