Inconscient

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 Parfois je me demande ce que je fais là. A quoi bon ? À quoi bon sourire quand mon cœur est glacé de solitude ? Plus le temps passe plus s'instaure entre les autres et moi cette distance impossible à effacer. Pourquoi me sens-je obligée de porter ce masque creux de bonheur vain dès qu'un regard est posé sur moi ? Je me sens bien incapable de crier haut et fort "la vie est dure", parce que cela ne se fait pas. Parce que dire ça, ce serait oublier que d'autres souffrent bien plus que moi, ce serait porter au summum l'égoïsme dont est capable l'être humain. Et comme je ne peux le faire autre part, je le fais ici. Car ici personne ne me juge, personne ne sait même réellement qui je suis, pas même moi-même. 

Parfois j'ai besoin de cet anonymat que m'offrent les mots pour dire ce que j'ai de plus noir au fond du cœur. J'ai l'impression que je suis un papillon contraint à refermer ses ailes à chaque fois que quelqu'un serait là pour en entendre le frémissement dans le vent glacé. Une présence, et je redeviens une chrysalide. Pourtant, ne dit-on pas que plus on grandit, plus on est sûr de soi ? Si c'est cela, je vis ma vie à rebours. Où est passé le temps où tous les visages inconnus étaient synonyme de visages amis ? Pourquoi ne vois-je désormais dans l'inconnu que menace ? Je suis figée, je m'accroche de toutes mes forces à ce que je connais, parce que ce que je connais est déjà bien trop dur à maîtriser. Pourquoi voudrais-je y rajouter de nouveaux éléments nouveaux et qui pourraient faire basculer en un battement de cil cet équilibre que je tente vainement de créer dans ma vie ? Je sais pourtant que le changement est inexorable, la vie me l'a appris parfois à mes dépens. J'ai simplement du mal à ma figurer que jamais je ne pourrai dire " ça y est, j'ai accompli tout ce que je devais à l'humanité ". Car il y a toujours des milliers d'autres choses à faire, à dire, à apprendre.

Certains y verraient sans doute un signe d'espoir, une lueur pour prouver que jamais la vie ne méritera de s'achever. Moi j'y vois simplement du désespoir. Parce que je voudrais du repos. Parce que je voudrais pouvoir reprendre mon souffle, et me dire que quand je partirai, j'aurai peut-être la conscience tranquille, qu'aucun regret ne viendra l'entacher. Mais nous sommes gourmands de vie, nous qui n'avons rien d'autre à faire que respirer et tenter de garder les yeux ouverts sous les flots impétueux de l'existence qui tentent de nous noyer. Jamais nous ne prenons le temps de nous laisser porter par la marée, parce que ce n'est pas comme cela qu'on joue ici bas. Que deviendrait la vie si elle ne pouvait plus s'amuser, se rire de nos efforts pitoyables pour lutter contre elle ? Si soudain, un inconscient se retournait en la regardant droit dans les yeux, et lui disait "je te laisse faire ce que tu veux de moi. J'accepterai chacune des vagues qui me frappera au visage, chaque malheur qu'il te semblera bon de m'infliger." Je voudrais être cet inconscient, de tout mon cœur. Mais j'en suis bien incapable, alors je suis les autres et je me cache, parce que c'est tout ce que je sais faire, c'est tout ce que l'on m'a appris.  

Seconde PeauWhere stories live. Discover now