10 - Être LA fille

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- Je ne t'ai pas demandé, tu viens au bal de promo vendredi ?

Je fixe le vide en face de nous. Nous sommes toujours à la fête foraine et Mathéo m'a entraîné dans la Grande Roue. Je n'allai pas dire non, je trouve ça classe les Grandes Roues. Je sirote mon granité pendant qu'il croque dans un nouveau chichi.

- Je ne sais pas. Les filles me supplient d'y aller mais je n'en ai pas tellement envie.

- Pourquoi tu ne veux pas y aller ?, me demande-t-il.

- Parce que Bal de Promo rime avec robe et que je ne porterai pas de robe.

- Si ça peut te rassurer je ne porterai pas de robe non plus.

Je souris à mon granité même si c'est Mathéo qui me fait sourire et secoue la tête.

- Ça veut dire que tu y vas ?, je le questionne en tournant la tête vers lui.

Il me sourit et bouge dans la nacelle pour se mettre face à moi. Je m'accroche à la barre de sécurité lorsqu'il fait ça de peur de tomber ou je ne sais pas trop quoi. Son mouvement a fait bouger la nacelle, ou peu importe comment ça s'appelle, qui a bougé avec lui. Il se penche vers moi et me sourit avant de souffler une réponse.

- J'y vais si tu y vas.

- Alors si je n'y vais pas, tu n'y vas pas ? Tu préfère remettre ça sur mes épaules qu'aller t'amuser avec tes amis, voire avec des filles sûrement très jolies ? Tu me laisses le choix de te laisser ou non décider si tu y vas sans que ça te gêne ?

- Pourquoi ça me gênerai ? Je vais à cette fête que si tu y vas. J'ai envie d'y aller avec toi. Je ne sais même pas si mes potes y seront j'aimerai juste passer cette soirée qui est celle de la fin de nos années lycée, avec toi.

- Donc tu compte passer ta dernière soirée de fin de lycée avec une fille qui tu as rencontré alors que le lycée venait juste de se terminé.

- Si tu ne veux pas y aller, tu peux juste le dire.

- Ce n'est pas ça, dis-je alors que la roue recommence à tourner.

- Alors c'est quoi ?

- Je pense juste qu'on ne devrait pas y aller ensemble.

- Ah.

La nacelle s'arrête au bas de la Roue et la barre de sécurité se lève pour nous laisser partir. Mathéo ne dit plus rien, il ne sourit même plus. Il l'a mal pris. Mais comment est-ce que j'aurai pu le lui dire autrement ? Je n'ai jamais été confrontée à une telle situation alors comment dire ce que je pense, différemment de comment je le pense ? Il descend en premier de la roue et je le suis avec quelques pas de retard. Comment je fais maintenant ? Il va s'imaginer des trucs qui n'existent pas, j'en suis sûre. Je met mon gobelet de granité à la poubelle et marche plus vite pour le rattraper. Instinctivement, j'attrape sa main pour le faire arrêter. Ses doigts se crispent à mon contact, mais il les resserrent autour de ma main.

- Je suis désolée.

- De ne pas vouloir y aller avec moi ?, il lance la voix différente de d'habitude.

- C'est pas toi le problème, c'est moi.

- Oh, allez ! Tu vas vraiment me sortir cette espèce de phrase que les gens sortent quand ils rompent ?

- Techniquement, nous ne sommes pas en couple.

Sa main lâche la mienne et il souffle bruyamment en se frottant la mâchoire. Son air mignon, presque enfantin se dissipe complètement et j'ai plus l'impression d'être face à un homme. Un homme blessé ou au moins blessé dans son ego. Il balance son carton de chichis dans une poubelle pas loin et redouble de vitesse pour se diriger droit vers sa voiture. Il rentre dans la voiture et j'hésite à entrer moi aussi. Mais j'ai besoin qu'il me ramène chez moi à vingt bons kilomètres d'ici. Alors je rentre à l'intérieur et m'assois côté passager. Il ne s'est pas attaché, il tient juste le volant entre ses mains et fixe un point en face de lui. 

- Écoutes... Je ne voulais pas te blesser, Mathéo. C'est juste que... A cette fête si nous y arrivons ensemble alors que jamais nous ne nous sommes fréquentés durant le lycée, les gens vont se poser des questions. Tu n'es pas le gars le plus invisible des terminales même si on ne peut pas dire qu'il y ait vraiment des gens populaire au lycée mais, tu fais partit de ceux qu'on remarque. Et jamais on ne nous a vu ensemble.

- Qu'est ce qu'on peut en faire de ce que les gens peuvent se demander ?

- Au cas où tu ne l'ai pas remarqué, je suis différente des autres... filles.

- Tu es bien plus intéressante, en effet.

- Je ne parle pas de ça. Je parle... de mon physique. Je ne suis pas comme la plupart des filles avec qui tu pourrais traîner, je suis plus... grosse.

- Alors tu vas recommencer avec ça ?, s'exclame-t-il soudain alors que ça voix, même si elle avait perdue de la jovialité, n'était pas montée dans le ton de l'énervement.

- Avec ça quoi ?, je m'emporte à mon tour.

- Cette excuse du tu n'as pas le même corps que les autres ! J'en ai rien a pété de ce que les gens pensent ! Tu es magnifique et pour rien au monde je n'irai voir une autre fille ou ne me présenterai à ce bal avec une autre fille que toi juste parce que les gens vont penser je ne sais quoi ! Qu'ils aillent se faire foutre ! Peu importe avec qu'elle fille j'irai ils lui trouveraient un défaut ! Elle est trop petite, elle a un nez trop gros, elle est trop blanche, pas assez blanche, pas assez maigre ! J'en ai rien totalement rien à faire. Le seul truc qui m'importe c'est d'aller à ce bal avec toi à mon bras. Parce que tu es la seule fille avec qui j'ai envie d'y aller. Et s'il te plaît arrêtes de dire que tu es grosse parce que les gens utilisent ce mot pour être méchant avec les autres, pour les blesser, pour leur faire remarquer un défaut. Je déteste ce mot et tes formes ne sont pas un défaut. C'est ce qui te rend différente justement et ce qui m'a plut dès que je t'ai vu. N'utilise plus jamais ce mot parce que j'ai l'impression que tu te blesse et tu t'insultes toi-même. J'ai l'impression que ce mot a été créé pour rabaisser les gens et tu ne le mérite clairement pas. Ton apparence est ce qui te rend unique et est ce qui m'a fait venir vers toi.

Il finit son monologue en laissant tomber sa tête contre l'appui-tête de son siège et ses mains qu'il agitait pendant qu'il parlait, glisse sur le volant pour lui retomber sur les cuisses. Je ne le regarde plus, le regarde fixé sur un point invisible. Je ne vois rien même si j'ai les yeux ouverts, je ne vois que de la lumière aucun détail de l'environnement qui m'entoure. Je n'ai jamais vécu un truc pareil et je ne pensais pas que ça m'arriverait un jour. Je me concentre sur ce qui se passe dans le creux de mon ventre derrière cette graisse que je n'assume pas encore totalement. Mon cœur bat plus vite, plus fort. Je dois respirer un peu plus vite aussi. Je suis surprise et je n'étais peut-être pas prête à entendre ça. C'est vraiment bizarre comme sentiment.

Je tente un regard en coin vers lui et ouvre la bouche pour attraper plus d'air que mes poumons peuvent en accueillir. Il regarde aussi dans ma direction et je ne peux m'empêcher de sourire un peu. Son regard témoigne de sa sincérité, et son expression s'est adoucie. Il sourit aussi quand je le fais et semble se détendre.

- Alors toi, t'y vas pas de main morte !, je sors en guise de toute bonne réponse.

Il rit à mon intervention et prend une de mes mains dans les siennes. Il pose son regard dessus tout en massant/caressant ma peau me paraissant bien plus claire que d'habitude une fois dans les siennes à la peau mâte.

- Il fallait bien ça pour que tu me crois. Je suis vraiment sincère, Iris. Je ne blague pas, je ne raconte pas de conneries, tu es la seule fille qui m'intéresse sur cette terre et avec qui j'ai envie de sortir. Il nous reste quelques jours avant de le bal de promo, tu peux encore y réfléchir.

J'inspire profondément et expire de la même manière. Il m'adresse un grand sourire et, avant de me rendre ma main et de s'attacher pour qu'on s'en aille, il dépose un baiser sur ma peau. Un nouveau sentiment s'empare de moi. Je crois ressentir quelques papillons dans ma poitrine. Je m'attache et fixe la route tout le long du trajet retour, les doigts de ma main droite posés sur l'endroit exacte où il a embrassé ma main gauche.

Je sens encore ses lèvres chaudes posées dessus.

B.I.G (Belle Intelligente et Gracieuse) [En Pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant