8 - Les Autres

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Autrui a toujours été un sujet d'angoisse pour moi. A partir de cette dernière année de maternelle, j'ai commencé à avoir peur du jugement. J'avais peur de ce que les gens pouvaient pensé de moi. J'avais trop de fois été critiquée et jugée par les autres. Je n'avais plus envie de rencontrer des gens, je n'avais plus envie de parler aux autres. Je me renfermais sur moi même et fuyais les autres comme je fuyais mon reflet dans le miroir. Je suis arrivée à un stade où je me détestais. Je détestais mon apparence, je me détestais d'être devenue ce que j'étais et je me détestais d'être qui j'étais. Je priais pour un jour, me réveiller et être quelqu'un d'autre. Une jolie fille au jambes fines et aux ventre plat avec une belle peau qui n'aurait pas été découverte de vergetures rouges puis blanches au fil du temps.

A ce moment là je me détestais plus que tout. Alors je me plongeais dans mes livres, dans mes cours et j'apprenais. A défaut d'être belle, j'étais intelligente et je n'allais pas laisser ça me filer entre les doigts.

Je traînais avec mes amies au collège mais le week-end, je restais chez moi, la plupart du temps enfermée dans ma chambre à étudier.
Le plus dur a été de découvrir ce qu'une amie, une de mes meilleures amies de primaire pensait de moi. Ça a été l'élément déclencheur à mon mal-être quotidien et à mon mutisme en face de quelqu'un d'inconnu. J'ai arrêté de me faire des amies, je gardais celle qui m'acceptaient comme j'étais. Mais je ne faisais confiance à personne. Je n'avais même pas confiance en moi-même comment faire confiance à une autre personne ?

Pourtant un jour, je me suis regardée dans le miroir, yeux dans les yeux avec mon reflet et j'ai eu envie de changer. Je détestais le sport donc je n'allais pas changer vraiment mon poids mais j'allai changer les choses que je pouvais changer sans perdre trop de temps.

J'ai retiré cette frange affreuse qui me cachait le front et les yeux et j'ai coupé plus de trente centimètres de cheveux. Mes cheveux qui tombaient au milieu de mon dos ne m'arrivaient plus qu'en dessous des épaules et cette coupe m'allait mieux. J'ai refait une couleur pour revenir au châtain que j'avais naturellement et masquer ce noir corbeau ignoble. Je n'étais pas vraiment gothique malgré tout ce noir que je portais, j'étais juste mal dans ma peau. J'ai commencé à me maquiller pour donner un peu de couleur à mon visage. Un peu de crème teinté pour unifier mon teint, de blush et du mascara. Je me sentais un peu mieux et j'étais assez satisfaite de ce que je pourrais refléter malgré mes kilos en trop qui étaient toujours là.

Et puis le collège s'est terminé, je suis entrée au lycée et tout à changé. J'ai rencontré Rachel et Olivia avec qui le lien s'est fait tout de suite. Elles ne me jugeaient pas, on se tapait des fous rires de malade et j'ai commencé à m'assumer de plus en plus. Jusqu'à aujourd'hui. Je me sens mieux dans mon corps et les dernières traces de mon enfance se sont envolés. Les joues rondes le sont moins et le fait de grandir encore un peu m'a un peu affiné. Je ne suis toujours pas top model mais je m'accepte telle que je suis et je fais avec le corps que j'ai sans me détester tous les jours.

Il y en a bien sûr où je n'aime pas ce que je reflète, mais comme tout le monde j'imagine. Je ne peux pas porter tout ce que je veux, je m'interdis quelques trucs mais je m'assume assez. Et m'assumer fait que j'ai moins peur du regard des autres et je vais mieux. Je travaille toujours beaucoup pour ma réussite scolaire mais je sors avec mes copines faire du shopping ou me balader et je n'ai plus peur de ce que les passants penseront en me voyant, même avec deux filles fines à mes côtés. Il faut de tout pour faire un monde et nous représentons ce tout avec Rachel et Olivia.

Mais ce mal-être à cause de mon apparence revient de temps en temps, comme lorsque Mathéo est venu m'aborder il y a deux jours. J'avais peur qu'il ne se fiche carrément de moi et j'ai toujours peur qu'il ne le fasse. Mais en même temps, il m'envoie tellement de signe comme quoi je suis une fille parfaitement normale qui l'intéresse et avec qui il a envie de sortir.
Ce manque de confiance en moi est toujours présent par ce doute à savoir si il est sincère ou non mais en même temps, j'ai envie de croire qu'il n'est pas bon acteur mais juste intéressé par moi, ma personne et mon apparence. J'essaye de me dire qu'il n'est pas venu me voir sous le coup d'un stupide pari, ou juste pour bien rire avec ses potes.

Je me dis tout ça en remontant l'allée de chez Rachel où mes deux amies sont clairement en train de regarder par la fenêtre. J'ouvre lentement la porte d'entrée et dépose mon sac à main sur un fauteuil avant de me rendre dans la pièce où mes amies sont toujours collées à la fenêtre. Je me demande bien pourquoi maintenant que je suis devant elles, mais elles ne détournent pas le regard de l'extérieur jusqu'à ce que je passe les mains devant leurs visages. Elles se tournent vers moi, le sourire aux lèvres, à la limite du rire, et Olivia prend la parole.

- J'imagine que ça s'est bien passé ?

- Alors sans posé une seule question, vous avez déjà les réponses.

- Pas besoin de poster des question en ayant vu ce qu'on a vu, me répond Rachel avec un regard qui se veut mystérieux.

- Vous avez vu quoi ?, je leur demande.

- Mathéo danser tout seul dans sa voiture pendant que tu revenais ici ?

- Hein ?!

Je me précipite vers la fenêtre mais la voiture de Mathéo a disparue.

- Quand tu es sortie de sa voiture, après lui avoir parlé, il s'est mis à sourire et à danser sur place. Je ne sais pas ce que tu lui as dit mais il avait l'air content.

- Je lui ai juste dit qu'il pouvait imaginer qu'on ressortirait ensemble dans un avenir proche.

- Wouah ! Si je ne te connaissais pas depuis trois ans, j'aurai pu ne pas comprendre ce que tu viens de dire. Donc il t'a demandé de ressortir avec toi ?

Je me rends dans le salon en hochant la tête dos à elles. Je souris. Je m'en veux de sourire mais je souris. Parce que savoir que Mathéo dansait dans sa voiture après que je lui ai dit qu'il pouvait envisager le fait qu'on ressorte ensemble dans la semaine me fait sourire. Peut-être qu'il se fout de quoi j'ai l'air, peut-être qu'il aime vraiment ce que je dégage et peut-être qu'il aime même mes rondeurs et formes. Peut-être que je ne suis pas vouée à finir seule et vieille fille avec une cinquantaine de chats. Peut-être qu'il a des hommes sur cette terre qui aiment les filles plus en chair, plus pulpeuses. Peut-être que je me suis trompée sur toute la ligne.

Ou peut-être que je me trompe en sur toute la ligne en ce moment même et qu'il s'en bat les steaks de moi, de mes rondeurs. Peut-être qu'il fait ça pour le fun, voire, pour essayer tous les types de filles sur la planète jusqu'à trouver son type favoris. Cette idée ne m'était pas venue mais maintenant qu'elle est là, elle peut être possible aussi. Peut-être qu'il ne rigole pas de moi avec ses amies, mais qu'il se dit qu'il va lui falloir plus d'un rencard pour savoir si les rondes sont son type de fille préféré.

Parfois j'aimerai juste que mes pensées arrêtent de tourner, virer, se mélanger et se multiplier dans ma tête. Je me fatigue moi-même de toutes ces pensées. 

B.I.G (Belle Intelligente et Gracieuse) [En Pause]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant