– Je veux que tu me libères Issa ! Je veux que tu me libères !
Depuis près de deux semaines, voilà, mot pour mot, ce que sortait Ratou à son mari. Elle en avait marre des agissements de ce dernier envers elle, ses crises infondées, sa jalousie d'une extrême vésanie et de ses constantes reproches sur sa conduite envers ses parents. Que n'avait-elle pas fait ? Elle, Ratou. Elle avait tout gardé au fond de son cœur, espérant qu'un jour, tout éclatera. Hélas, elle est tombée, sans rien qui puisse l'innocenter, sans appui. Il est de ces proverbes qui n'ont de place ici, si ce n'est à la morgue, tout se sait un jour, entre autre. Cinq ans plutôt, elle croyait s'être mariée à l'homme de sa vie – c'était toujours l'homme de sa vie, pensa-t-elle – mais il y a de ces choses, ces gestes qui trompent. Elle croyait encore qu'elle arriverait à lutter contre vents et marées pour retenir son homme, il y avait plus fort qu'elle...
Ramatoulaye Ndao – Ratou, pour les intimes – s'était, depuis trois mois, ramollie. Sa belle famille ne lui laissait aucun répit, si ce n'était à l'heure de dormir. Celui qui devait la soutenir, le défendre contre le monde entier s'était ligué contre elle. Son mari, son autre, sa moitié, son meilleur ami manquait son devoir envers elle. Il ne lui adressait la parole que pour dire le strict minimum, ne la regardait plus dans les yeux, ne la complimentait plus et lui tournait le dos durant la nuit. Ratou était persuadée qu'il arriverait à changer un jour, qu'il deviendra le Issa d'antan... Mais que nenni.
– Je refuse de te l'accorder. Et d'ailleurs, mon père...
– Alors c'était cela ? Ton père, ta mère, ta sœur ? Alors en plus de te mariner la tête, ils doivent te donner des ordres sur comment gérer TON mariage. Ton manque de culot ne cesse de...
Et paf ! Celle-ci, elle ne l'avait pas vu venir. Cette gifle ! Voilà ce qu'il y avait à rajouter à son dictionnaire d'homme des cavernes. Décidément, il n'avait pas encore fini à la surprendre... Elle se rassit sur le lit et se tint la joue. Une larme perla au coin de son œil, une deuxième puis une troisième s'en suivit, à la fin, un torrent s'abattit sur son doux visage. Aux bons jours, Dame Nature pouvait témoigner qu'elle n'avait doté d'une beauté aussi tapante à aucune autre qu'à Ratou. Elle respirait de fraicheur ; ses joues légèrement rebondies faisaient ressortir l'esthétique de son petit nez, ses grands yeux noirs étaient ce qui sortait le plus, son charme accompagnés de sourcils fins et très bien dessinés. Son visage rond et particulièrement arrondi se terminait par une bouche pulpeuse, à la façon africaine. Sa silhouette gracile et son teint d'une noirceur d'ébène étaient un surplus à ce trop de beauté... Là, elle ressemblait plutôt à une loque humaine qu'autre chose, ce qui paraissait normal au vue des évènements de ces derniers jours, voire mois.
Sans un regard pour elle, Issa sortit de la chambre en claquant la porte. Quelque part dans la maison, non loin de la chambre de Ratou, une dame et sa fille, belle-mère et belle sœur, s'étaient mises à exprimer leur joie en se tapant dans les mains. Elles n'avaient raté aucune miette de cette discussion pour le moins houleuse. Fallait croire qu'elles y étaient pour quelque chose, indirectement. Après tout, Issa était en partie le plus grand responsable de cette histoire ; il avait encore toute sa faculté mentale...
Marre de se faire insulter à longueur de journée, Ratou se releva, prête à en découdre avec cette famille de malade... D'abord le père, ensuite la mère et vient la jeune sœur qui ne faisait rien de ses journées. Elle passa un coup de fil à sa mère pour l'informer de sa venue et s'apprêta à y aller. Elle n'eut pas besoin de demander la permission à son mari car celui-ci avait déserté la chambre et elle ne savait où il se trouvait. D'ailleurs, il s'en foutait maintenant de toutes ses entrées et sorties. Pantalon noir, haut blanc, un peu de poudre pour masquer la marque de gifle et hop, elle était prête. En sortant, elle passa près du salon et remarquèrent des éclats de voix. « Quelle famille de malade ! » appuya-t-elle encore.
Dehors, le temps brumeux pouvait la dissuader de sortir mais elle était bien plus décidée à voir sa mère qu'autre chose. Elle arrêta un taxi et s'y engouffra après avoir marchandé un prix abordable. Arrivée, elle se dirigea directement vers la chambre de ses parents non sans avoir jeter un coup d'œil circulaire dans cette maison qui l'a abritée durant presque toute son existence. A Technopole, il est de coutume de voir des maisons délabrées survivre encore sous le coup de nombreuses pluies ; la maison de ses parents n'avait pas échappé à la règle. C'en était aberrant de voir ces nombreux murs fissurés résister encore et encore... Elle retrouva sa mère allongée entrain de zapper la télévision, sûrement à la recherche d'une de ces séries cultes qu'elle avait l'habitude de regarder. Elle s'assit et la regarda s'affairer.
Après les nombreux salamalecs, Ratou entra dans le vif du sujet. Elle s'était promise de n'en parler à personne mais cette situation allait lui échapper et sa tête risquait d'exploser si elle n'en prononçait mot à une tierce personne et qui de mieux que sa mère.
– Yayou, appela-t-elle affectueusement, ma belle-famille est la pire race humaine que j'ai connue de toute ma vie et jamais une fois, tu ne m'as entendue me plaindre. Si je le fais aujourd'hui, c'est parce que je suis à bout... Je veux divorcer d'avec Issa mais il refuse de m'accorder cette faveur... j'en ai marre, Yayou.
– Mais pourquoi ? je sais que ca n'allait pas bien entre ton mari et toi, juste à voir ta mine renfrognée lorsque tu nous rendais visite mais pas à ce point. Pas à ce que tu veuilles le quitter. Que s'est-il passé ?
Alors, Ratou se mit à lui raconter ce qu'elle vivait dans cette maison depuis qu'on l'a couverte jusqu'à la récente trahison de son mari. Elle n'avait rien omis, et constata que cela lui avait fait du bien de se libérer, son cœur semblait léger à nouveau...
– Si ce que tu me racontes là est vrai, lève-toi, on va aller voir Imam Sakho, lui seul pourra t'aider. Allez viens.
Sa mère se leva et chaussa ses sandales avant d'exhorter sa fille à en faire de même.
De son coté, Issa ne cessait de se poser de questions sur son comportement de ces derniers jours. Que diable lui arrivait-il donc ? Il avait osé, pour la première fois, lever la main sur une femme et sur sa femme de surcroît. Il était sorti de la chambre sans doute pour ne pas commettre l'irréparable et s'était dirigé vers son havre de paix, la mer. Il lui avait causé assez de peine, il n'allait donc pas lui en rajouter un autre juste pour faire plaisir à ses parents. S'interroger, c'est ce qu'il faisait de mieux, il n'avait jamais été quelqu'un de docile ; et d'ailleurs, ses camarades de promotion lui en ont toujours tenu rigueur. Mais donc, pourquoi tout d'un coup, il se mettait à exécuter toutes les demandes de ses parents. Et si...? Non ! En plus d'avoir fait un takku souf à l'instar de sa femme, il se mettait à accuser ses parents de son changement brusque...
Issakha Gueye trouvait sa vie chamboulée. De loin, on pouvait la taxer de parfaite mais il n'en était rien. Professionnellement parlant, il avait réussi mais on ne pouvait en dire de même pour sa vie sentimentale. Il aimait Ratou, il en était sûr, mais quelque chose le bloquait mais quoi ? Réponse qui ne trouve pas le jour, hélas ! D'abord, il l'insultait à longueur de journée, la traitait de femme indigne, la frappait, et voilà qu'aujourd'hui, il lui avait trouvé une coépouse non sans avoir le cran de lui avouer...
Yayou et Ratou s'était rendue chez Imam Sakho quelques minutes après la décision de la mère de s'y ramener. Yayou avait exposé le problème à l'érudit et celui-ci n'avait pas tardé à conseiller Ratou sur les comportements à adopter face à ce problème et lui avait promis de venir chez elle afin de parler à son mari, chose qu'elle accepta de suite. « Il faut vraiment que quelqu'un lui remonte les bretelles », s'était-elle dit.
Elle quitta donc l'imam et se rendit directement chez elle promettant à sa mère de venir la revoir. C'est donc toute anxieuse qu'elle franchit la porte de la maison de ses beaux parents. En passant devant la porte du salon, une discussion incongrue attira son attention. Elle n'était pas adepte de l'indiscrétion mais une âme forte la poussa à écouter. Elle put nettement distinguer la voix de ses beaux-parents.
– ...Issa vient de m'appeler. Tout s'est passé dans l'ordre normal des choses. Lança son beau-père, Pa Salif.
– Ah Alhamdoulilah ! Et quand est-ce que sa nouvelle femme viendra vivre ici ? J'ai besoin de voir mes petits enfants.
– Inchallah, bientôt... Il m'a dit que cette inféconde qui lui sert de femme n'est pas encore au courant et donc il attendra de lui dire qu'elle a une coépouse avant de ramener notre Fanta ici...
Il n'en fallut pas plus à Ratou pour tout saisir. C'était la goutte d'eau qui fit déborder la vase...
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À divorce près
General FictionAmour, mariage, divorce ! Que de mots ! Il y a plus profond dont, même les âmes les plus enfouies ne sauraient définir. Ici, il y a Ratou et Issa dont le mariage fondé sur un amour sincère parachève à un divorce...