Partie 9

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Je décidais de sortir afin de me dégourdir les jambes. Mes pas me menèrent au "Diallo banana " qui se trouvait dans notre quartier. Après avoir fait mes achats, je m'apprêtais à retourner chez moi lorsqu'une voiture s'arrêta devant l'étal. Et celle-là, je ne la reconnaissais que trop bien. Fanta en sortit, suivi d'Issa...

•••

Mes yeux tombèrent sur le pagne et le t-shirt que je portais ce jour, typique aux femmes sénégalaises. Je ne pouvais m'en ficher ; un minimum de présentation n'était pas de refus. Par contre, eux étaient sur leur trente-et-un, bien habillés.

Malgré tout, je gardais le peu de dignité qui me restait et les saluais. Fanta m'avait répondu joyeusement tandis que l'autre l'avait fait du bout de la langue. Sur le moment, je me posais toute sorte de questions qui furent balayé par Fanta qui cherchait à prendre de mes nouvelles. Cela m'étonnait, et je repensais au jour où je quittais leur maison. Fanta semblait plutôt satisfaite ; j'avais peut-être mal interprété son regard... En tout cas.

L'autre, je ne pouvais rien dire de lui. Il fuyait mon regard et pressait Fanta secrètement. Je pris congé d'eux et tournais les talons dignement afin de rentrer chez moi.

Mine de rien, j'étais un peu troublée, cela faisait un temps fou que je ne l'avais pas vu. Et il n'avait changé d'un iota, toujours le même. C'était bizarre quand même...

J'avançais doucement mais sûrement dans ma relation avec Chérif. De jour en jour, je découvrais de nouvelles facettes de lui qui me plaisait bien. J'avais fait fi de toutes mes résolutions et avais accepté (enfin) de sortir avec lui. Il ne tentait rien de déplacé avec moi, et à part le baiser que nous nous étions échangés ce jour-là, il ne s'était encore rien passé. Pas de bisou, ni rien. Et ajouté à cela, le temps faisait défaut, nous nous voyions rarement et s'il arrivait qu'on le fasse, c'était soit à mon lieu de travail soit au sien. Et je ne pouvais nier le fait que j'aurais aimé qu'il recommence, le goût de ses lèvres sur les miennes...

Mais ce n'était pas pour autant que l'on entretenait pas une relation. On s'appelait dès que le temps nous le permettait ou au pire des cas, s'envoyait des messages.

Il avait décidé de faire la différence un jour en m'invitant au restaurant ; ce qui était banal pour lui mais pour mon cas, c'était tout autre. Je m'étais toujours mise dans ma tête que la première invitation représentait tout, mais bien que l'on se connaissait déjà, cela ne changerait rien à ma façon de penser. Et pour cette première, j'optais pour un pantalon à bas large blanc avec un haut graphique noir. Des escarpins, une pochette, une touche de maquillage et de coiffure et j'étais prête.

Chérif m'attendais à l'entrée de la maison. Je fis un au revoir rapide à ma mère avant de le rejoindre. Je le retrouvais adossé, manipulant son téléphone. Ayant sûrement senti ma présence, il releva la tête et un énorme sourire fendit ses lèvres. Je ne pouvais m'empêcher de le reluquer. J'avoue, il était à tomber, très élégant.

J'avançais jusqu'à lui et collai deux bisous sur ses joues. Les effluves de son parfum m'enivraient. Il me prit la main, posa son autre sur ma joue et me fixait. Tout de suite, l'assurance que j'avais, fit place à la timide des premiers jours et de longs frissons me parcoururent l'échine. Nous étions très proches, trop proches...

Doucement, je me détachais de lui, de peur que l'on nous surprenne. La rue était mal éclairée, mais un peu de retenue ne tuerait pas.

Il m'ouvrit la porte côté passager et attendit que je m'installe avant de la fermer et rejoindre son siège.

Un silence s'installa. Pas de ces silences bruyant ou gênant mais un silence doux, apaisant. En plus d'être mystérieux, Chérif n'était pas très bavard, je l'avais appris à mes dépends. Au téléphone, nous pouvions rester plus d'une minute à écouter le souffle de l'autre. Mais par contre, je savais qu'il était très cultivé. Nous nous devions de nous aider, à aider l'autre à s'ouvrir. Je devais coûte que coûte percer toute cette mystère autour de lui.

Lorsque nous étions arrivés, je fus émerveillée par la beauté des lieux. Un restaurant cinq étoiles, faiblement éclairé avec des tables disposées ça et là.

Nous nous installions à une table suffisamment éloignée. Aucun de nous ne parlait, on se contentait juste de se regarder, enfin, c'était lui qui me regardait, je me contentais juste d'admirer ce chef d'œuvre de restaurant en me triturant les doigts.

— Alors ? Avait-il dit pour moyen de casser ce silence.

— Hum ?

— Tu aimes le restaurant ? Le décor et tout ?

— Oui, c'est magnifique. J'adore.

Nous avions commencé à discuter de tout et de rien. Je me décrispais peu à peu. Un serveur vint pour prendre nos commandes.

— Ratou ?

— Oui, Chérif ?

— Tu sais, si je t'ai amené ici, c'est pour que l'on parle de nous deux... Tu me plais beaucoup, même beaucoup trop. Il m'est carrément difficile de me retenir en face de toi mais pour tes principes, je te respecte. Je ne veux pas faire quelque chose qui entacherait notre relation. J'ai dépassé l'âge où je devrais m'attarder sur des futilités et toi aussi. Je voudrais que l'on fasse les choses dans les normes, on ne fait que perdre notre temps encore plus puisque toi comme moi savons l'attirance que l'on ressent chacun pour l'autre...

Le serveur arrive à ce moment précis me donnant le temps de réfléchir à moitié. Que l'on soit ensemble était une chose mais se marier était autre. Je viens à peine de sortir d'une relation et ce n'était pas encore dans mes projets. Mais en même temps, que reprochais-je à Chérif ? Il était parfait. Oui c'était cela, c'est parce qu'il était parfait que j'avais peur...

— Cela doit être précipité, mais nous sommes des adultes, consentants de surcroît. Je ne te forcerai pas les choses, mais comme on dit, il faut d'abord marquer le terrain.

Il s'arrêta, me regarda comme pour lire dans mes pensées, prit sa fourchette et piqua dans son assiette. J'en fis de même, l'esprit embué de questions... Durant tout le repas, je n'ai levé la tête, pas que j'avais peur de lui, mais de ses yeux hypnotisant. J'avais peur de ne pas savoir quoi dire une fois que nos yeux se rencontreront. Et c'était tout ce que je voulais éviter, je devais réfléchir.

— J'ai divorcé d'avec mon ex mari parce que celui-ci avait l'influence trop facile ; il n'était pas ainsi au début de notre mariage, quelque chose avait changé, mais quoi, je ne saurais te le dire... Notre mariage était, pour le moins, catastrophique. Toute sa famille s'y était mêlée, de son père à sa sœur. Il a fermé les yeux sur toutes les atrocités que je subissais dans cette maison. On s'aimait, mais à partir de ce moment-là, j'avais commencé à comprendre le sens de cette citation " l'amour seul ne suffit pas ". Si je te dis que je suis prête à m'engager dans un mariage de nouveau, ce ne sera vraiment pas ce que je voudrais ni ce que je pense. Tu comprendras que je ne voudrais pas me... me remarier de sitôt...

— Hey, dit-il, me prenant la main. Ne te tracasse pas. Je voulais juste que tu saches mes intentions et au moment venu, quand tu seras prête, tu me le diras. Je ne te force pas la main mais je voudrais que tu sois sûre que je ferais des pieds et des mains pour que tu oublies tout ce que tu as pu vivre dans cette maison, que tu oublies cet homme... S'il est passé au-dessus de cette femme magnifique que tu es, moi je ne le ferai pas.

Notre dîner s'était terminé et pas une seule fois, nous n'avons reparlé de notre relation. Je me sentais un peu rassurée par le fait qu'il n'ait pas insisté, j'aurais été capable de prendre mes jambes à mon cou.

Les jours et les semaines passèrent. Je m'attachais encore plus à Chérif. Il avait le don de me faire oublier Issa et consort et me faisait sentir unique aux yeux des autres. Mais, je restais prudente et sur mes gardes ; on ne savait jamais à quoi nous attendre venant des hommes.

J'avais reçu un appel de mon ex belle-mère... J'étais tellement choquée d'entendre sa voix une fois avoir décroché que je n'ai pu parler. Sa voix était cassée, elle était teintée d'amertume, et quelque chose que je ne saurai décrire.

— Ramatoulaye Ndao, yaw ak say mbok tass guène sama keur...

(Ramatoulaye Ndao, toi et ta famille aviez disloqué la mienne...)

À divorce prèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant