Partie 10

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Issa.

— Je t'ai réchauffé ton dîner, tu veux que je te l'amène ?

— Je n'ai pas faim, merci, lui répondît-je en tirant la couette encore plus sur mon visage.

Sûrement lasse de me voir emmitouflé dans ces draps, elle tire doucement la couette tout en s'asseyant. Je relève la tête et la vois sur le bord du lit.

Je n'aimais pas la tête qu'elle faisait. Comme ces deux derniers jours, je m'attendais à ce qu'elle me parle de ma mère, ce que je voulais éviter, mais elle entama :

— Issa, tu sais que l'on ne pourrait pas repousser cette discussion encore plus longtemps, dey yagg rek wayé dina ame.

Malgré tout ce que je pouvais penser d'elle, Fanta était restée la femme du début, elle ne se mêlait jamais de ce qui ne la regardait pas, elle était d'une douceur inexplicable, toujours le sourire scotché aux lèvres.

— Je vois dans tes yeux l'amour que tu lui portes encore, et je te comprends, ce n'est jamais facile d'oublier la personne qui t'a fait aimer à en mourir. Je sais tout, et quand je te le dis, c'est que j'ai bien pesé mes mots. Notre mariage n'était qu'un mirage et tu ne cesses de me le montrer. Malgré l'effort que tu fais pour me mettre dans de bonnes conditions, je sais que je ne serais jamais elle, et que tu ne m'aimeras pas aussi comme elle... Ta relation avec Ratou ne me concerne en rien mais je ne te demande qu'une chose, c'est que tu fasses les choses bien, au moins pour l'enfant que je porte...

Elle prend une pause, me regarde dans les yeux comme pour essayer de me sonder avant de reprendre.

— Et pour ta mère, je ne dirai rien qui puisse te mettre en mal avec elle. C'est ta mère, et peu importe les erreurs qu'elle fera, elle restera toujours la femme qui t'a mis au monde. Parle lui, vous avez énormément de choses à vous dire, pose lui les bonnes questions si tu veux avoir les réponses auxquelles tu t'attends. Et peut-être qu'après cela, tu sauras pourquoi elle réagissait ainsi... Je n'ai plus rien à ajouter, sinon de te dire de prendre les meilleures décisions, et quoiqu'il arrive, sache que je serais toujours à tes côtés, d'accord ? Maintenant j'y vais, mon bébé a faim, dit-elle en se caressant le ventre, un petit sourire au coin des lèvres.

Je lui prend la main et la caresse doucement en signe de reconnaissance et lui rend son petit sourire. Elle avait si bien parlé que je ne savais quoi lui répondre. Elle se leva et sortit me laissant seul avec mes pensées. Je refusais de l'admettre mais elle avait complètement raison, et sur tous les points, même si je jouais la carte de l'indifférence. J'étais passé par toutes les émotions, de la surprise car je ne m'attendais pas à ce qu'elle me parle aussi positivement, à la joie car j'ai pris conscience que j'avais épousé une perle.

Ratou. Même séparés, elle continue de me hanter. Je la vois partout où je vais et parfois même, elle s'invite dans mes rêves. Le fait que Fanta me comprenne un tout petit peu me rassurait néanmoins ; au début, j'avais mal pour elle, j'avais honte de dire que malgré que l'on ait conçu un enfant, que je ne l'aimais pas. Mon cœur, mon âme, tout appartenait à Ratou...

Oui Fanta était enceinte, et de trois mois maintenant ; son ventre se voyait à peine. Le jour où je l'avais su, j'avais eu la surprise de ma vie ; cet enfant que nous attendions le plus avec Ratou, je l'aurais avec une autre femme. J'avais en quelque sorte l'impression de la trahir mais je balayais ce sentiment d'un revers de main.

Après notre divorce, je m'étais fait une raison, c'était fini entre nous deux. Et Fanta était là, elle était devenue ma femme et quoiqu'on puisse dire, c'est moi qui l'avait épousée et je devais assumer mes choix.

Ma mère dépérissait à vue d'œil. Notre relation s'était, en quelque sorte, détériorée. Je ne lui parlait que quand c'était important et plusieurs fois, elle avait tenté de créer une discussion que j'écourtai la plupart du temps. Je lui en voulais, elle et mon père de s'être mêlé de ma relation avec mon ex femme. Et bien évidemment, elle ne manque pas de me rappeler que j'étais égoïste, mais sérieusement entre nous, de nous deux, qui était le plus égoïste ?

Mon père, que dire de lui ? Franchement, je ne savais pas. Je le voyais rarement à la maison, il disparaissait et réapparaissait comme bon lui semblait. Mais bon, je ne lui en voulais pas du moment qu'il ne se mêlait plus de ma vie.

Je sortis pour me dégourdir les jambes et donner un peu de sens à ma vie. Je croisai ma mère dans les escaliers, sûrement qui venait me voir. Elle m'arrêta et me demanda si l'on pouvait discuter seuls. J'obtempérais et rebroussait chemin. Une fois dans ma chambre, elle s'installe sur le lit, je ferme la porte et m'assois assez loin d'elle.

— J'espérais que tu sois assez mature pour ne pas te comporter ainsi avec ta propre mère, que quoiqu'il puisse se passer, tu ne me mettrais pas en quarantaine comme tu le fais ces derniers temps. Si une femme arrive à nous séparer, car oui je sais que c'est à cause d'elle, il y'a problème. Issa, mane sa ndeye bi leu souk diour, souma amatoul louma nekh si yaw, war nalako wakh et je te le dis clairement, je n'aime pas ton comportement envers moi. Dagua di goné nak, je n'ai voulu et je ne veux que ton bien. Ratou dou jigeen diou bakh, mak tok na di sēntou lo khamné khalé douko guiss sou takhawé nak. (Issa, je n'aime pas ton comportement de ces derniers jours et je sais que c'est à cause d'elle. Ratou n'est pas une bonne femme si c'est de sa faute que tu m'en veux.)

— Je m'excuse maman si mon comportement t'a blessé mais comprend moi, j'étais perdu, je vous en ai voulu d'une quelconque manière. Mais si c'est ainsi, je voudrais que tu me pardonnes. En ce qui concerne ma relation avec mon ex femme, j'aimerais que tu t'en laves les mains, Ratou c'était mon choix et jusqu'à maintenant, je l'aime. Elle ne m'a jamais montré ou dit quelque chose qui ne me plaît pas...

— Doyna Issa ! Assez ! Tu es sans vergogne, respecte au moins Fanta qui arrive à te supporter malgré ton sale caractère. Tchip ! Ratou matin, Ratou soir. Fanta, elle au moins, arrive à porter ton enfant pas comme cette inféconde qui te servait de femme. Que cela soit clair, c'est la dernière fois que j'entends son nom dans ma propre maison. Fais attention à toi si tu ne veux pas être renié, fais attention.

— Eh bien, soit ! Ratou, je l'épouserais et je l'amènerai loin de vous. J'ai été assez stupide la première fois de l'avoir laissée avec vous, je ne commettrai pas cette erreur une deuxième fois...

Elle parut surprise, surtout que je ne m'étais jamais adressé à elle de cette manière, tant ses yeux semblèrent sortir de leur cage.

— Un ingrat ! Voilà ce que tu es Issa, un ingrat. Mais ne pense pas que je vais te laisser gâcher ta vie ainsi en épousant cette fille, quitte à ce que tu me passes sur le corps...

Et elle s'en va sans aucune autre formule.

Je descends à mon tour et décide d'aller prévenir Fanta qui était à la cuisine que je sortais. En passant près de la chambre de mes parents, une dispute attira mon attention. Ceci ne se produisait pratiquement jamais, mon père était tout le temps calme, s'il arrivait qu'il lève ainsi la voix, il y avait un très grand problème.

(...)

— ... Mais ça ne me choque en rien que tu réagisses ainsi Salif. Si c'était ton fils, tu ne t'en foutrais pas de cette manière. Je ne te demande qu'une chose, que tu fasses en sorte qu'il ne l'épouse pas car je te jure que si cela arrivait, je vous foutrais tous les deux dehors.

Je vois la porte s'ouvrir et ma mère en sortir. Elle était stupéfaite de me voir au pas de la porte.

— Tu... Tu... es là depuis quand ?

— Depuis assez longtemps pour savoir que Salif n'est pas mon père. Qui est mon père, maman ?

À divorce prèsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant