C'est un code barre

Voir la vie en couleurs

"Voir la vie en couleurs, c'est le secret du bonheur..."

Cadeau. Vous l'aurez tout le reste de la journée dans la tête, celle-là.

Quand j'ai commencé à me renseigner sur le haut potentiel sur internet, il y a eu un indice en particulier qui m'a beaucoup perturbée. Plus que les autres trucs, en tout cas. C'est la synesthésie. Vous avez travaillé sur les poètes surréalistes, vous ? Non ? Alors j'explique. La synesthésie, c'est quand tu allies deux sens. Genre, l'ouïe et l'odorat. Tu peux le faire avec tous les sens. En poésie, ça rend bien, c'est pour ça que je parle de surréalisme. Mais il paraîtrait que ça existe autrement que comme simple procédé d'écriture.

S'il y a une caractéristique du haut potentiel sur laquelle tout le monde était d'accord sur la toile, c'est la capacité à lier les idées entre elles avec facilité et rapidité. Si vous suivez bien, vous commencez sûrement à comprendre. Le synesthésique lie les sens entre eux, le HP lie les idées entre elles pour avoir une vision d'ensemble. Le HP peut donc tout naturellement utiliser la synesthésie pour lier les choses, les comprendre et les garder en mémoire (genre madeleine de Proust). 

Je suis synesthète. Ca, j'en suis certaine. Mon mode de mémoire de prédilection est la mémoire visuelle. Je suppose qu'engloutir des bouquins depuis mes cinq ans y est pour quelque chose... Bref, je rallie absolument tout au visuel, et, plus précisément, à la couleur. Vous comprenez le titre, maintenant... 

Les lettres ont une couleur. Les chiffres. Les jours de la semaine. Les matières scolaires. Les métiers. Les pays. Les pièces. Les concepts. Les ambiances. Les gens. Les livres. Les aliments. Les musiques. Tout, en fait. 

Tout ce qui nécessite d'être compris est visualisé dans ma tête. Tout ce qui est susceptible d'être retenu se voit attribuer une couleur. C'est simple, et quand bien même je voudrais que ce soit différent, je serais incapable de voir les choses autrement. Je ne dis pas que ça me permet de tout retenir, loin de là. Il y a des choses, comme une note de musique, qu'on ne peut pas vraiment associer à une couleur, ou en tout cas la couleur ne permettra pas de retrouver la note en pensée (c'est sûrement pour ça que j'ai une oreille musicale plutôt mauvaise). Mais ça aide sans doute à la conservation. 

Avant, dans mes cahiers d'école, j'en mettais, de la couleur. Ca ne m'aidait en rien, mais les profs aiment les cahiers bien tenus et colorés. Aujourd'hui, je ne perds plus mon temps à mettre le titre en rouge et la consigne en vert. Ce qui serait absolument inutile puisque de toute manière, les mots sont déjà colorés. 

Même si j'ai nettement l'impression avoir toujours eu recours à cette méthode pour l'apprentissage, je n'en ai pris conscience que relativement tard. Je pensais que tout le monde faisait ça. C'est quand j'en ai parlé pour la première fois avec des gens que je me suis rendue compte que c'était plutôt inhabituel. Bien sûr, d'autres gens voient les matières selon la couleur de leurs cahiers, ou définissent verbalement quelqu'un avec une couleur quand on le leur demande. Mais jusqu'à présent, je n'ai rencontré personne qui le fasse pour absolument tout, naturellement, par réflexe et pas sur demande. Même la fille dans la vidéo qui parlait de la synesthésie chez le HP disait qu'elle-même HP voyait seulement les chiffres en couleur.

Je ne sais pas ce qui, physiologiquement, permet la synesthésie. Je pense que c'est simplement une petite gymnastique cérébrale qui s'acquiert avec l'entraînement. Comme on utilise beaucoup la couleur dans les livres pour enfants et en maternelle, je suppose que c'est un mécanisme que j'ai d'abord gardé par facilité, puis par habitude. Feignasse. D'autant plus que du coup, mes autres "atouts" de perception s'en retrouvent certainement un peu altérés : par exemple, l'espace et les distances sont un peu abstraites à mes yeux. Pour la danse ou les disciplines qui requièrent une bonne représentation spatiale, je suis rapidement perdue, moi qui n'ai déjà pas une bonne coordination motrice... De même, comme je n'ai jamais appris à lire les partitions, la hauteur d'une note me paraît non mesurable, donc non possiblement reproduite, par moi, en tout cas. 

Voilà donc une des nombreuses choses dans ma vie explicables par un éventuel haut potentiel !