230 La nature révoltée

37 2 0
                                    

Un vent de douleur est venu sur ma plaine,

Gorgé de souffrances et gorgé de haine,

Il est descendu par-delà même les nuages,

S'est engouffré dans mon petit paysage.

Un vent malicieux noir comme l'ébène,

Aussi fétide que le sont les tristes peines,

Il est entré à travers les branches tordues,

Ce vent endiablé sur ma tendre peau nue.

Un vent de malheur a posé ses violences,

Là où mon cœur s'adonnait au silence,

Sur mes herbes bien sages qui rêvaient,

Sur mon corps et mon âme qui volait.

Un vent destructeur a fendu le ciel bleu,

Chassant la lumière du fond de mes yeux.

Ouvrant de son glaive les fleurs de l'amour,

Déployant ses ailes putrides de vautour.

Puis il est tombé dans un bruit d'orage,

Faisant dans mes blés son horrible carnage

Jetant ces pieux aux sillons de mes champs,

Noyant ma vie, mes vallées en torrents.

Il est venu étrangler mes belles pâtures,

Mes joyeux chemins sous de folles tortures,

Ce vent détestable enfant des enfers,

A transformé mon doux sol en mâchefer.

Alors que tout m'était jusqu'ici permis,

Un vent de malheur dans ses mains a pris,

Mon cœur désirable au regard des hommes,

Mon Eden, mon serpent et la pomme.

Ô, mon Dieu, pourquoi tant de démences,

Dans ce vent maudit qui s'avance,

Pas après pas sur ma terre délicieuse,

Broyant sans vergogne mes roses précieuses.

Pourquoi m'est-il donné ces larmes des cieux ?

Pourquoi le tonnerre sur moi pernicieux ?

Pourquoi l'espace se zèbre d'éclairs ?

Pourquoi ma vie réduite aux éthers ?

Ô, mon Dieu, est-ce la fin de mes jours ?

Pourquoi ma terre est tant un labour ?

Ô, mon Dieu, où êtes-vous donc,

Alors que je suis sous le vent des démons.

Moi l'enfant de votre grande espérance,

Pourquoi me laisser aller en errance,

Sous le souffle vengeur de je ne sais qui,

Pourquoi me laisser au fond de la nuit.

Un vent a gelé les arbres centenaires,

Pourchassé tous les rayons de lumière.

Pour ne laisser ici-bas que le misérable,

Comme une trace de sang, celle du diable.

Il apporte sur moi toutes les pénombres,

Ce vent si sale, si froid et si sombre,

Il déchaîne sa haine, outrage à ma vie,

Mes collines, mes bois, tous détruits.




Quand je serai poète Tome 2 ( 84 Poèmes )Où les histoires vivent. Découvrez maintenant