Même si je peinais à avaler ma conversation avec Rama, son appel m'avait un peu déstabilisée. Devais-je mettre ses propos sous le coup de son traumatisme, ou devais-je les prendre au sérieux ?
Honnêtement, je l'ignorais. Les gens changent bien non ? Papy était sûrement sorti avec elle pour passer du bon temps. Il voulait peut-être enterrer sa vie de jeune garçon. Le plus important à mes yeux était le fait qu'il se soit repenti et qu'il veuille m'épouser, MOI.
La mère de Papy et deux de ses sœurs doivent passer cet après-midi afin de s'entretenir avec maman sur certains détails. Nous avions commandé des plateaux d'amuse-bouche salés et avions fait du jus de bissap nous-même.
J'étais aux anges. J'avais hâte qu'une date soit fixée. Omar, quant à lui, continuait à envoyer des sms et à m'appeler. Mais honnêtement, je n'avais pas son temps. J'étais sur le point de me marier.
J'étais au boulot mais j'avais vraiment du mal à me concentrer. Je surfais discrètement sur le net à la recherche d'une maquilleuse professionnelle. Le jour de son mariage est l'un des plus beaux jours de la vie, nous nous devons donc d'être plus belles que les autres jours. Il fallait également choisir un bon tissu et une bonne couturière. J'avais mis un post en mode anonyme sur plusieurs groupes sur Facebook afin d'avoir pleins de tuyaux. Cela se faisait de plus en plus maintenant. Grâce aux groupes sur Facebook, on peut trouver des bons coins que l'on ne connaissait pas. Je m'emmerdais au boulot. Je n'avais vraiment pas la tête à travailler. J'avais téléphoné à Karina. Je voulais lui annoncer la nouvelle de vive voix. J'adore Karina. Je sais que je l'ai déjà dit mais c'est parce qu'elle compte énormément à mes yeux. C'était enfin l'heure de la descente. Karina avait eu la merveilleuse idée de passer me prendre. Elle était tellement curieuse qu'elle ne pouvait attendre. Une fois dans sa voiture, elle commença à me poser des tonnes de questions. Ce que j'avais trouvé le plus marrant dans tout cela, c'était le fait qu'elle croyait que j'allais lui annoncer que j'étais enceinte. Elle a une de ses imaginations fertiles. Enceinte de l'air peut-être. Je lui racontais tout dans les moindres détails. Karina m'avait écoutée avec le sourire avant de me donner son avis :
-KARINA : Je suis super contente pour toi. Mais je veux que tu ralentisses. Tu en veux à Rama, mais je pense que tu devrais prendre le temps de réfléchir aux propos qu'elle t'a tenu. Tu sais, j'ai assez d'expérience pour savoir qu'un homme infidèle ne change pas du jour au lendemain. A mon humble avis, tu ne devrais pas écarter le fameux Omar là, car on ne sait jamais dans la vie. Garde-le à côté. Tant que la date ne sera pas fixée, ne ferme pas toutes les portes. Comme on dit : « le fait d'être au régime ne t'empêches pas de regarder le menu ».
Avais-je fait une bêtise d'avoir dit oui à Papy ? Karina continuait de parler mais je ne l'écoutais plus. Papy continuera-t-il à me tromper une fois que nous serons mariés ? Karina avait également attiré mon attention sur les infidélités de nos jours au sein des ménages. Cela était même devenu légal. Mais bon, je préfère rester positive sinon je risque de ne jamais me marier. Je ne peux prédire ce qui arrivera au sein de mon ménage tant que je n'aurai pas mis les pieds dedans. Le mariage c'est comme un labyrinthe. A chaque fois que l'on pense avoir trouvé la bonne sortie, on finit par revenir au point de départ.
Bref, je suis censée vivre les meilleures semaines de ma vie et entamer les préparatifs. Il avait été décidé que nous ferions une cérémonie très simple. Nous avions au moins la simplicité en commun. Les gens te diront que c'est ton jour, il faut qu'il soit mémorable. C'est vrai, mais il n'est pas dit que faire quelque chose de simple ne veut pas dire que ce jour ne sera pas grandiose. Papy m'avait dit, qu'une fois que nous serions mariés, que nous habiterions temporairement chez ses parents en attendant qu'il trouve un appartement. Même si ses parents étaient sans façon, j'aurai préféré que l'on ait notre chez nous. Notre petit nid douillet. Vivre avec sa belle –famille est parfois un peu contraignant. Tu ne peux pas te promener avec n'importe quelle tenue ou même profiter de l'espace. Mais que n'accepterai-je pas par amour ? Et oui, par amour, j'étais prête à fermer les yeux sur une des choses que je n'aurai jamais acceptée auparavant. J'aime Papy. Ce que je ressens pour lui est vraiment profond. Ce n'est pas de la rigolade.
Je n'avais pas eu de nouvelle de Rama contrairement à Aissatou, qui, elle me téléphonait tous les jours pour s'enquérir de l'état d'avancement des choses.
Quand je rentrai à la maison, je trouvai ma mère au téléphone. Une fois qu'elle raccrocha, elle me dit que la famille de Papy avait fixé une date mais que mon père, qui tenait absolument à ce que son frère assiste au mariage, avait demandé à ce que l'on repousse les festivités de deux semaines. C'était ce même frère qui était malade et que papa était allé voir à Kaolack. Cela me mit hors de moi. De quel droit mon père repoussait-il la date de mon mariage ?
De nos jours, c'est assez compliqué de trouver un homme désireux de se marier. Les jeunes d'aujourd'hui préfèrent de loin le célibat. Pensant seulement que c'était la seule mauvaise nouvelle de la journée, je retournai dans ma chambre me déshabiller. Comme toute maman africaine, maman Myriam avait dit qu'il était impératif de voir si ce mariage était bon pour moi ou non. Elle n'avait pleinement confiance qu'en son cousin. Elle répétait sans cesse que les marabouts de nos jours ne te répètent que ce que tu veux entendre. Avant de pouvoir passer à la maison et faire le nécessaire, mon oncle avait demandé à ce que je dorme avec trois bougies et de les donner en aumône ensuite.
Ma mère m'envoya un sms pour me dire que son cousin était là. Je le saluai avant de m'assoir tranquillement sur le matelas. Tonton me demanda le nom entier de Papy ainsi celui de sa maman. Il resta longuement silencieux avant de dire :
-TONTON : Je vois un mariage pour toi Khadija, mais ce n'est pas pour maintenant dé. Or d'après les propos de ta maman, tu es censée te marier dans deux semaines. Ce qui m'inquiète c'est que je vois un mariage concernant ton copain là, mais ce n'est pas avec toi.
Il ne cessait de remuer la tête sans nous en expliquer les raisons. C'était un charlatan ! Quel intérêt Papy avait-il de me promettre le mariage, sachant que cela impliquait nos deux familles et allait en épouser une autre ? Je n'y croyais pas un instant. Admettons qu'il ne me respecte pas, mais il respecte quand même ses parents et il n'oserait pas les humilier de la sorte. Je retournais dans ma chambre sans même laisser mon oncle finir. Ma mère se mit à crier mon nom mais je fis la sourde oreille. J'en avais ras le bol d'entendre que des choses négatives sur Papy ou sur notre mariage à venir. Les gens ne pouvaient tout simplement pas se contenter d'être heureux pour moi. Non, au lieu de cela, ils essayaient de me décourager. Je m'enfermai à double tour dans ma chambre. Je pris mon téléphone puis composa le numéro de Papy. J'avais besoin d'entendre sa voix. Je l'aimais tellement que sa voix avait le pouvoir de me faire soulever des montagnes sans même en sentir le poids. Son téléphone sonna quinze ans dans le vide. Cela m'avait encore plus énervée. Que faisait-il ?
Avec tous les propos négatifs que j'avais entendus, ce n'était pas le moment qu'il en rajoute. Je n'avais pas besoin de ça. J'avais plus que tout besoin de son soutien en ce moment. Je ne savais plus où donner de la tête. Alors que j'étais allongée, ma mère se mit à frapper fort à ma porte. Elle parlait en créole (sa langue maternelle), à chaque fois qu'elle est en colère. Je lui ouvris la porte et elle se mit à crier. Elle crie rarement mais quand elle le fait, c'était comme si elle avait mis un haut-parleur dans sa bouche. Elle me demanda de me lever et puis cria :
-MAMAN : Khadija pour qui tu te prends ? Comment peux-tu te lever alors que ton oncle n'avait même pas terminé ? J'étais vraiment très embêtée et je n'avais pas d'excuse. Tu es libre de le croire ou pas, cela te regarde. Mais tu dois rester correct, c'est ton oncle. Et puis la vie ne se résume pas à ce garçon !
Elle ne me laissa même pas le temps de m'expliquer. Elle sortit en claquant la porte derrière elle.
J'avais honte de moi ; je reconnaissais avoir mal agi sous l'effet de la colère. Ce n'était surtout pas le moment d'avoir ma famille contre moi. Je me décidai alors à aller retrouver ma mère dans la cuisine pour lui demander pardon. Je mis tout sur le dos du stress. Ma mère avait apprécié le fait que je sois venue demander pardon. Elle me fit un sourire en guise de réponse puis me demanda de téléphoner ou d'envoyer un message à mon oncle afin de m'excuser.
Je ne sais pas pourquoi, mais je ne me sentais pas très bien. Je n'étais pas malade, mais je n'étais pas bien. Et pour couronner le tout, Papy ne m'avait toujours pas rappelé. Avais-je encore du souci à me faire sur ce plan ? Je ne sais pas pourquoi, mais je commençais à avoir des doutes ...
Il y avait une phrase qui ne cessait de tourner dans ma tête :
« Le doute détruit beaucoup plus de choses que l'échec... »
...........................................................................................................................
VOUS LISEZ
Mon rêve à tout prix
RomanceC'est l'histoire d'une jeune femme Sénégalaise de 30 ans racontant les péripéties de ses diverses relations amoureuses et la pression subie par la société sénégalaise. Khadija en a vu de toutes les couleurs mais cela ne l'empêchait pas de croire...