PROLOGUE

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Il y eut un bruit sourd dans le salon. Elle était au bout du corridor. Je n'étais pas certain de la revoir un jour, pourtant elle se tenait là, à quelques pieds.

Mon cœur fit un bond lorsque je compris qu'elle était de retour. Portant un uniforme de combat qui semblait provenir de son monde. Son pantalon en coton kaki était déchiré à quelques endroits et sa tunique brune était recouverte de sang séché. Je pouvais facilement confondre ses bottes couvertes de boue par nos bottes d'armée. Ses avant-bras étaient recouverts de tissus cousus de façon bâclée. Elle portait un sac en bandoulière percé à plusieurs endroits et dans sa main gauche, une épée beaucoup trop grosse pour sa grandeur. Ses cheveux étaient sales et lâchement attachés. Ce n'était pas dans ses habitudes.

« Nao...?»

Elle leva les yeux vers moi avant de s'effondrer sur ses genoux. Elle laissa tomber l'épée et serra les poings sur ses cuisses. Visiblement en douleur. J'accourus vers elle pour la réconforter.

« J'ai... J'ai réussi, Vincent. » Elle perdit connaissance en murmurant mon prénom.

Je savais que le transfert entre les deux mondes la vidait complètement de son énergie, en lui dérobant son désir de rester éveillée. Je lui retirais son sac et poussais son épée un peu plus loin. Je soulevais son corps et la transportais vers sa chambre. Elle était restée la même depuis son départ, trois ans plus tôt. J'avais toujours gardé espoir qu'un jour elle reviendrait.

Je la déposais sur son lit, et lui retirait ses bottes et ses bas. Ses pieds étaient recouverts de coupures, d'ecchymoses et de cicatrices. J'hésitais un moment avant de lui retirer les tissus qui reposaient sur ses avant-bras. Je pouvais seulement m'imaginer leurs états. Je n'étais guère déçue.

Je la surveillais, les yeux remplis de larmes. Elle semblait, au premier regard, si fragile et brisée. Mais j'avais appris à mes dépens la force qui habitait ce corps. Ses pouvoirs pouvaient être dangereux. Comment avais-je pu penser, même seulement pour une seconde, qu'elle aurait pu y laisser sa peau dans cette bataille. Ce combat qu'elle seule pouvait mener. Elle était brave, forte et très intuitive et je le savais.

Je me dirigeais vers la salle de bain, débarbouillette à la main. Je la passais sous l'eau chaude. J'hésitais longuement avant de retourner dans la chambre. J'avais besoin de retrouver mes esprits. C'était très difficile de la voir dans cet état, j'avais toujours eu l'impression que je devais la protégée. Pourtant elle n'en avait pas besoin. Elle était féroce et indestructible à sa façon. J'inspirais profondément avant de me diriger vers la chambre. Je détachais ses cheveux et lui nettoyais le visage avant de la recouvrir d'une couverture. Je la regardais tendrement en espérant qu'elle se réveillerait bientôt. Après un long moment, je quittais la pièce.

Chaque fois qu'elle revenait ici, toutes les émotions lui revenaient au même moment. Tout ce qu'elle aurait dû ressentir là-bas lui rentrait dedans en même temps. La douleur, la haine, la peine, la joie; ce qui, je l'espérais faisait encore partie de sa vie . Comment arrivait-elle à subir ça à chaque fois?

« VINCENT? » Elle criait mon nom

Je sortis rapidement de la cuisine.

« Vincent? » Elle se tenait dans l'embrasure de la porte de sa chambre

C'était déjà noir à l'extérieur, elle avait dormi pendant sept heures.

« Nao? » Je gémis, la voix remplie de désespoir.

Ses cheveux commencèrent à se boucler, et le bout tournait au turquoise. Elle refermait les yeux avant que je ne puisse les voir changer de couleur. Elle pleurait. Je l'avais vue changer vers cette couleur trop souvent. Comment sa vie pouvait-elle être si difficile?

Elle courait vers moi aussi vite qu'elle le pouvait. Des larmes coulaient déjà sur ses joues. Nos corps se rencontrèrent dans une étreinte qui parlait par son intensité. Je la serrais si fort que je pouvais sentir son cœur battre sous sa tunique. Elle passait sa main dans mes cheveux, sur mon visage, sur mon épaule et terminait sa route en prenant ma main, relâchant notre accolade. C'est à ce moment précis que je me rendis compte à quel point elle me manquait, à quel point il y avait un vide dans ma poitrine qu'elle remplissait avec sa présence.

« Si tu savais à quel point c'est bon de ressentir les choses, même si c'est vraiment difficile et que ça me consume de l'intérieur et à quel point ça fait mal. » Elle parlait d'une voix délicate.

« Que s'est-il passé là-bas? » Je n'étais pas certain de réellement vouloir savoir ce qu'elle avait subi. Elle regardait nos doigts enlacés avant de refermer ses paupières pendant quelques secondes. Je relâchais sa main et passais mes doigts dans mes cheveux. Je lui relevais le menton pour rencontrer son regard turquoise pour l'encourager à parler.

« J'ai fait ce que je devais faire. » Un sourire remontait le coin de ses lèvres, mais il disparut aussitôt.

« Ils sont tous en sécurité alors?»

« Non, pas tout le monde. » Elle soupirait. « Leakan... »

Elle n'eut pas à finir sa phrase, j'avais déjà compris que Leakan était mort.




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