Chapitre 18: Douleur du passé, du présent

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Vincent était déjà parti pour l'université. J'avais hésité longtemps avant de sortir de la chambre. Je ne voulais pas affronter l'inconfort lié à la situation entre lui et moi. Il avait aidé Leakan à se faire à déjeuner et celui-ci était encore installé à la table de cuisine lorsque j'entrais dans la pièce. Il portait les mêmes vêtements qu'hier soir et ses cheveux étaient en bataille sur le dessus de sa tête, ce qui me faisait sourire. « As-tu seulement déjà utilisé un peigne dans ta vie, Leak? » Évidemment, j'avais fait un détour par ma propre chambre pour me changer. Je n'allais pas me présenter devant lui avec seulement un t-shirt. Il n'avait pas l'habitude de ce genre de vêtements. J'avais plutôt opté pour un jeans rouge et un chandail à manches courtes noir. Il plissait tout de même les yeux en me regardant. « Hey, pas de commentaire, ici c'est comme ça, et en plus c'est bien plus confortable. » 

« OK! J'ai un peu de difficulté à trouver ces pantalons confortables. C'est tellement rigide. » Il souriait timidement. « J'ai hâte de rentrer à la maison, Nao. » Je fronçais les sourcils. 

« Nous ne pouvons pas rentrer maintenant, Vincent a eu une idée hier soir... » Je n'avais pas le temps de terminer ma phrase qu'il roulait déjà les yeux. « Pourquoi... » Il me coupait se relevant promptement. 

« Une idée? Comme s'il pouvait trouver une solution à tout ceci! » Il parlait fort, ce qui n'était pas dans son habitude. Je ne l'avais jamais vue s'énerver comme ça, malgré tout. « Il ne sait rien de tout ça, il ne te connaît que depuis cinq minutes et il croit pouvoir sauver le monde? » Il venait se planter devant moi, déposant ses mains sur mes épaules, timidement et, incertain, l'habitude de la douleur que ce geste provoquait était ancrée en lui. « Il ne peut pas nous aider, moi je le peux, rentrons, et réglons le problème entre nous. » Son regard était différent, et il était cerné. Je reculais d'un pas et l'observais plus attentivement. Je n'avais pas remarqué qu'il avait perdu du poids, et qu'il y avait une forme d'angoisse imprégnée dans son visage. 

« Je ne te reconnais pas en ce moment, Leak. » J'étais presque inaudible. « Depuis quand démontres-tu des signes de sauvagerie aussi intense? » Il ne disait rien, mais il resserrait la mâchoire. « Tu es toujours le premier à dire que l'aide d'autrui est un cadeau du ciel. C'est quoi cette réaction d'enfant gâté? » On aurait dit que mes derniers mots avaient eu sur lui le même effet que si je l'avais giflée. Il clignait des yeux à quelques reprises et s'excusait. 

« Je suis un peu perdu, je n'ai plus de repères Nao. Il y a tellement de choses ici que je ne connais pas, que je ne comprends pas. Vous utilisez des mots que je n'ai jamais entendus, et la nourriture est vraiment différente. » Ses traits s'adoucissaient. « Comment as-tu réussi à t'adapter. » 

Je lui souriais, retournant près de lui. « Leak, je n'avais pas de mémoire au début, tout était nouveau, je croyais que c'était normal, que j'allais un jour me souvenir de tout ceci. » Je touchais délicatement sa joue, le faisant sursauter au passage. « J'ai appris beaucoup. Je suis presque libre. Si tu savais comment il est bon de vivre ici, pour moi. » Je comprenais comment il pouvait se sentir, à quel point la situation était extraordinaire à vivre de l'extérieur. « Tu dois savoir Leak, je perds mes repères à chacune des fois que je me téléporte, je ne sais pas comment l'expliquer, mais ce n'est vraiment pas facile émotionnellement. » Il hochait la tête. 

« C'était quoi l'idée de Vincent? »  Je n'aimais pas la façon qu'il avait de prononcer son prénom, comme si c'était de l'acide sur sa langue. 

« Il croit que je devrais apprendre à contrôler les pouvoirs du Delockdoh, ici, avant de retourner à la maison. » 

« Pardon? » Je le sentais se refermer. Je le regardais, intensément, en soupirant. 

ZinnaoraOù les histoires vivent. Découvrez maintenant