Joana

199 11 24
                                    




           

Joana

            J'ai bien compris que Maxime veut que je lui raconte toutes mes péripéties en Afrique et je commence sérieusement à stresser. J'ai mal au ventre, je commence à avoir chaud et j'ai peur que mon maquillage ne se mette à couler. Mon plan de base avait l'air simple : arriver au même temps que tout le monde et poser des questions aux autres pour qu'ils ne puissent pas m'en poser à leur tour. Mon plan a coulé dès le début. Ça faisait longtemps que je n'avais plus mis les pieds dans cette ville, elle me rend vachement nostalgique. J'ai passé toute mon enfance et une grande partie de mon adolescence ici mais je ne me souvenais plus d'à quel point ces bouchons en fin de journée étaient insupportables.

            Il me faut à présent trouver un plan B. Je n'ai pas préparé les réponses aux questions qu'on me pose depuis dix minutes au moins et j'ai bien peur de me contredire ou que mon histoire paraisse complétement fausse.

-          Mais du coup, tu n'as été qu'en Afrique pendant toutes ces années ou tu as également été en Asie ?

Je vois bien que Yamina essaye de trouver la petite faille. C'est celle qui me pose le plus de questions depuis que je suis arrivée. Ou alors je deviens simplement parano.

-          Je suis aussi allée une fois dans les Philippines. C'est là-bas que l'envie d'adopter un enfant m'est venue, mais mon copain de l'époque ne le voulait pas du tout. C'est pour cela qu'on s'est séparés.

Je me suis vraiment séparée de John parce qu'il n'aimait pas l'idée de l'adoption mais il ne faut pas croire que tout ce que je dis est vrai. Je n'ai jamais été dans les Philippines. Etant donné que j'ai été adoptée et que je suis originaire des Philippines, pour moi c'est symbolique d'également adopter un enfant là-bas.

-          C'est vraiment trop triste, continue Yamina. Par contre, je suis d'accord pour dire que les philippins sont très mignons.

A peine a-t-elle finit sa phrase que Abdel s'est directement tourné vers elle. Il a le démon a l'intérieur de lui. Il a toujours été jaloux de quelconque garçon qui osait s'approcher un peu trop de Yamina.

-          Les enfants je veux dire ! Se corrige-t-elle.

J'envoie un regard interrogateur en direction de Maxime et il éclate de rire. Il a tout de suite compris ce que j'étais en train de me dire : Abdel est encore sur Yamina !

Je me tourne vers José qui est assis à côté de moi et il fait de même.

-          Oui ?

Je m'approche plus de lui afin que les autres n'entendent pas ce que je dis.

-          Ils n'ont jamais arrêté de se parler n'est-ce pas ?

-          On n'en sait rien mais on présume que non. Sinon je ne pense pas qu'ils continueraient d'être aussi complices.

Je me tourne ensuite de l'autre côté où est assis Manuel.

-          Eh Manu ! Tu te souviens que je t'appelais tout le temps comme ça ?

Il a tellement changé, comme la plupart d'entre nous d'ailleurs. C'est déstabilisant.

-          Ma copine aussi m'appelle comme ça. Je ne suis pas sûr de bien aimer!

Et puis j'ai l'impression que tout le monde a trouvé son âme sœur sauf moi. Les seuls garçons desquels je tombe amoureuse sont soit gays soit sans emploi soit ils n'ont pas envie de fonder une famille avec moi.

Par contre il y en a un dans le groupe qui ne cesse pas d'être beau : Martin. Qui n'a jamais tenté quoi que ce soit avec lui ?

Dans mes lointains souvenirs, Marie essayait de se le faire et comme par hasard elle n'arrete pas de lui poser des questions ce soir. Tout le monde pose des questions à tout le monde pour éviter qu'on en lui pose. Si j'ai des choses à cacher, je présume que les autres doivent en avoir aussi.

Les deux seuls qui ne cessent de parler d'eux-mêmes se sont Manuel et Maria. Elle n'a pas arrêté de parler de la magnifique entreprise qu'elle a montée par ses propres moyens et lui, il n'arrete pas de se vanter des montants exubérants qu'il gagne en réparant des voitures dans le garage de son frère.

-          Lucas ?

C'est celui qui parle le moins et je n'aime pas voir quelqu'un se mettre à part. José se mets légèrement en arrière pour que je puisse parler un petit peu avec lui.

-          Ce n'est pas toi qui voulait créer ta propre entreprise de pompes funèbres ?

Je me souviens qu'on passait notre temps à lui dire que c'est glauque d'ouvrir une entreprise pareille et que les gens qui y travaillaient nous faisaient peur. On le taquinait et ça nous faisait réellement flipper mais on avait toujours accepté les envies de chacun dans le groupe. C'est chouette de se remémorer tout ça.

-          Oui c'est moi mais mon frère m'en a dissuadé puis, on a fini par reprendre le restaurant italien de mes parents et on s'y plait beaucoup. Ce n'est pas un très grand restaurant et on galère un peu pour payer les factures à la fin du mois mais l'important c'est qu'on aime ce qu'on fait.

Il semble de plus en plus triste et ça se voit qu'il n'a aucune envie d'être ici. Nous autres, on arrive à le cacher un minimum. Je me demande bien pourquoi il est comme ça mais je préfère ne pas poser la question, pas devant tout le monde en tout cas.

Mis à part ça, c'est plaisant de voir au moins une personne dans ce foutu groupe qui ne fait pas semblant d'avoir une vie parfaite.

-          Et dis-moi Joana, me lance encore Yamina qui ne semble pas vouloir lâcher l'affaire. Elle s'appelle comment ton ASBL ?

Voilà la question qu'il ne fallait absolument pas me poser... Je suis vraiment dans la merde.

Les Douze (NOUVELLE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant