Laura

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Laura

Ce diner a été tellement chouette ! J'ai revu tous mes vieux copains et j'ai appris pleins de choses sur eux. Une journaliste ne pourrait rêver mieux ! J'aime fouiner et en apprendre plus sur la vie de chacun. Il faut dire qu'entre mes déceptions amoureuses, mes études, mes stages et tout ce qui s'en suit, je n'ai même pas pensé à les recontacter. Je n'ai jamais perdu contact avec Abdel mais avec tous les autres si. Ils avaient presque tous l'air contents de me revoir en plus !

Fanny en revanche ne m'a pas souri une seule fois dans la soirée. Maria a supposé que Fanny ne voulait pas me parler parce qu'elle est jalouse du fait que je sois diplômée en journalisme depuis peu et pas elle. Il faut croire que c'était son rêve depuis petite mais elle a fini dans la boulangerie de ses parents. Je comprends sa peine, nous n'avons pas tous les moyens pour faire des études.

La boite de nuit dans laquelle nous venons d'entrer est plus chouette que ce que je pensais. Il est encore tôt et pourtant il y a déjà du monde, la musique est assez sympa et les serveurs m'ont l'air plutôt mignons. Comme quoi, il ne faut pas juger un livre à sa couverture.

Depuis le moment où nous avons entamé nos desserts, j'ai pu remarquer que Manuel tourne vachement autour de Maria, ma copine, et elle a l'air d'apprécier leurs petits jeux de regard. Alors... Comment interpréter ça ? C'est bien connu : j'ai mon mot à dire dans toutes les situations et je ne suis pas sûre d'être d'accord avec ce nouveau couple qui est en train de se former. Manuel et Maria ? Je conçois que leurs prenoms commencent par la même lettre et qu'ils fassent à peu près la même taille mais je ne les avais jamais imaginés ensemble. Ils ne se sont même jamais beaucoup calculés. Dans un groupe d'amis, on s'aime et on se supporte tous mais il y a des groupes dans les groupes et parfois des préférences. Pour ma part, j'ai deux préférés dans ce clan des douze : Abdel et Maria.

En plus je pensais que Manuel avait une copine...

-          Joana, approche ! Dis-je.

Elle m'a regardé bizarrement avant de se décider à venir à moi. Ils font tous une tête bizarre quand je m'adresse à eux, surtout Joana. Peut-être parce qu'elle sait qu'on sait.

-          Dis-moi, Manuel n'avait pas une copine ? Dans mes souvenirs, il t'en avait parlé, non ?

Elle fait style de réfléchir avant de l'affirmer tout en me tendant un verre de mojito. Il me semblait bien qu'il avait une copine, il en a parlé plusieurs fois.

Laura l'enquêtrice continue son job. Voilà à présent qu'ils dansent ensemble, au milieu de la piste. Ils se touchent beaucoup c'est sûr qu'une une alchimie est présente. Quelques sourires et quelques mots entre eux sont échangés et d'un coup je suis prise par une vague de culpabilité. Ce que je fais est mal mais je n'arrive pas à m'arrêter. J'ai envie de savoir ce qu'ils se disent et pourquoi Manuel manque de respect à sa supposée copine.

A présent, Yamina et Joana se sont mélangées à Maria et à Manuel. Abdel et moi sommes restés à deux contre le mur. Ni l'un ni l'autre ne montre une quelconque envie de danser et de nous amuser, comme font les autres, même si au fond je suis sûre que Abdel le veut tout autant que moi.

-          T'es un canard, dis-je enfin.

Il sourit mais ne me répond pas. Je pense qu'il n'a pas de réponse parce que j'ai raison. Je n'ai jamais vu un homme autant amoureux que lui. Ça fait des années et pourtant, il n'a jamais cessé de courir derrière le cul de Yamina. Si une fille ferait ça vis-à-vis d'un garçon, on l'a traité de fille facile mais Abdel, personne ne lui a jamais rien dit.

-          Je suppose que tu couches avec d'autres filles mais du coup, tu ne te sens jamais mal en le faisant ? Je veux dire par là... Est-ce que tu penses à Yamina quand tu baises d'autres nanas ?

Ma question est franche et spontanée pour une fois.

-          Alors là, commence-t-il en ricanant, tu n'as pas posé suffisamment de questions ce soir ? Je crois que oui hein.

Je le regarde comme pour lui montrer que je souhaite vraiment avoir une réponse. Ce n'est pas encore un de mes petits jeux d'actrice pour le coincer.

-          Il n'y a que toi pour poser des questions comme ça, sérieux ! Continue-t-il embarrassé. D'office que je couche avec d'autres filles, il n'y a pas moyen autrement. Yamina ne m'a jamais rien promis et on ne s'est jamais mis en couple.

Il marque une pause et c'est tant mieux. J'aime bien ces moments où je picole tout en m'ouvrant à quelqu'un d'autre. Et j'aime quand quelqu'un d'autre à suffisamment confiance en moi que pour me raconter des choses intimes.

-          Je pense souvent à elle, surtout quand je suis au lit avec quelqu'un d'autre car je n'arrive pas à arrêter de l'imaginer à la place de la fille avec laquelle je suis. Par contre, tu m'as posé une question personnelle donc c'est à mon tour maintenant. 

Merde, merde, merde.

Je vois la question gênante arriver.

-          Vas-y...

Il prend le même air pensif que tout à l'heure lorsqu'il cherchait réponse à ma question.

-          Je sais ce qu'il s'est passé au cours de ton enfance, je sais ce qu'il s'est passé pendant ton adolescence mais tu ne m'as pas dit si d'autres choses sont arrivées en cours de route. Tu as toujours utilisé tes questions et tes manières de fille gâtée pour cacher ton mal-être. Je vois bien que quelque chose te travaille. Parle-moi Laura.

Abdel a beau être le plus jeune, c'est le plus malin et le plus aimant de tous. C'est comme le papa du groupe, toujours prêt à aider si besoin.

En effet, c'est le seul qui sait ce qu'il s'est passé il y a longtemps et le fait que quelqu'un puisse enfin s'intéresser à ce que je peux ressentir me touche au point que je me suis mise à pleurer. D'un coup, des larmes se sont mises à couler et elles ne cessent plus de le faire. Je n'ai plus qu'une carte à jouer : la franchise.

-          Je les vois souvent dans mes rêves, les deux hommes. J'ai toujours peur qu'ils reviennent. Ils me hantent. J'étais une gamine quand l'un d'eux m'a violée pour la première fois mais parfois je ne peux m'empêcher de sentir leurs mains sur mon corps et quand ça arrive, je me dégoute.

Mon histoire l'a toujours touché. Une gamine violée par le meilleur ami de sa mère et violentée à nouveau pendant son adolescence par un autre ami de ses parents. Voilà pourquoi mes parents n'ont plus gardé aucun de leurs amis. C'est impossible pour eux dorénavant de faire confiance à qui que ce soit et ils s'en veuillent chaque jour.

-          Tu pleures chou ?

Oui, il pleure. Je le vois bien. C'était plus une affirmation qu'une question.

-          Yamina me repousse, mon chien me manque et en plus tu me rappelles ton histoire, finit-il par lâcher. J'en ai marre, moi ! Je mérite d'avoir des bébés avec Yamina tout comme tu mérites de trouver la paix et de ne plus être tourmentée par eux.

Il a raison. Je mérite de connaitre la paix mais la dernière fois que j'ai véritablement aimé quelqu'un, cette personne a fait de moi son punching-ball et j'ai été victime de violences conjugales. C'est récent en plus mais je n'ose pas le dire à Abdel pour qu'il ne s'inquiète pas encore plus pour moi. Je suis quelqu'un de forte et j'arrive toujours à m'en sortir. Le fait est que, lorsque je fais l'amour avec un homme, il me fait penser à mon ex qui lui me fait penser aux deux hommes qui ont gâché une grande partie de ma vie.

Les autres quant à eux, se lâchent complètement sur la piste de danse. Ils me donnent envie d'oublier mes démons et de me divertir.

Il faut que je me concentre plus sur le positif et moins sur le négatif. Il faut que j'aide Abdel à se rapprocher de Yamina, il faut que je la travaille. Tout le monde sait qu'elle l'aime tout autant qu'il ne l'aime alors ça sera affaire simple. Enfin... Je crois.

Les Douze (NOUVELLE)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant