Chapitre 18

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Le lendemain, était l'avant-veille d'Halloween. Je m'approchai du bureau de Cordélia lorsque j'entendis sa voix derrière la porte. Elle semblait alarmée.

- ... une coincidence! Il y a peut-être d'autres exemplaires!

- C'est le quatrième grimoire en trois mois! répondit une voix masculine policée mais enervée. Et celui-là est à notre connaissance le seul exemplaire en existance.

Je m'arrêtai derrière le battant et tendis l'oreille:

- De toute manière, depuis le passage de Peters, aucun lecteur n'a demandé à y accéder. À part la femme de ménage en chef, dûment surveillée; comme d'habitude, personne n'est entré dans le Fond Spécial.

- Alors ça ne peut être qu'un employé de la sécurité. Et haut placé, de surcroit!

- Seraient-ils capable de désactiver le pentacle?

- Non, mais on a pu leur expliquer comment faire! Ou ils auraient pu être soudoyé pour laisser entrer quelqu'un...

Merde, y aurait-il eu un vol dans le Saint des Saints?

- Avez-vous regardé les caméra de surveillance?

- Je suis en train de le faire. Pas une mince affaire! En attendant, appelez l'agence Oxford Detectives et demandez-leurs de vérifier les antécédents de tous les employés, sans exception! Tant pis pour la dépense.

- Oui, Monsieur.

J'entendis des pas pressés se diriger vers la porte et me reculai prestement de trois pas. Le battant s'ouvrit sur un homme replet d'âge moyen, chauve, dont les yeux délavés lançaient des éclairs à travers des lunettes cerclées d'or. Son double menton reposait sur un nœud papillon et même pour mon oeuil inexpérimenté, son costume gris fer suait l'autorité. Il ne m'accorda qu'un bref regard pour me contourner et s'éloigna au pas de charge vers le hall d'entrée. Ainsi c'était lui, le fameux Declermont, le gardien du trésor? En effet, il n'avait pas l'ir commode. Si comme il l'avait dit, des détectives privés allaient lancer une enquête sur moi, il ne leur serait pas difficile de découvrir mon histoire.

J'entrai et saluai Cordélia. Peu après, James arriva à son tour. La cheffe lui rappela de ne pas oublier de rendre son badge, car c'était son dernier jour à travailler à la bibliothèque. Nous attaquâmes notre train train quotidien, mais l'ambiance était morose. Cordélia s'absenta la plus grande partie de la matinée, sans doute pour parler aux détectives privés. Elle revint la mine sombre et fut taciturne le reste de la journée. James resta égal à lui-même, mais je pouvais sentir son regard pensif planté entre mes omoplates, dès que je lui tournais le dos. Quant à moi, je me demandais quoi faire. Peut-être devais-je me tirer avant que ces détectives ne découvrent que je n'étais pas l'ado bourgeoise que je prétendais être. Mais j'étais bien là où j'étais. Je venais tout juste de faire mon trou, je n'avais nulle part où aller et pas de fric. De plus, je n'avais rien fait d'illégal. Cordélia allait-elle appeler la police si elle découvraient que j'étais techniquement une mineure en fugue? Dans tous les cas, il valait mieux avoir un peu de fric. À la pause de midi, j'utilisai l'un des ordis en libre service pour entrer sur Historiae.net sous ma fausse identité et demander quel pouvait être le prix du Tiro Magiae. Je racontai que j'avais reçus quelques vieux bouquins en héritage d'une grand-père fêlé d'occultisme et que j'aurais voulu avoir une idée de leur prix, car je ne voulais pas me faire arnaquer. Il ne me restait plus qu'à attendre la réponse.

Le soir, je sortis de la bibliothèque un peu en avance pour pouvoir poster mille euros à ma mère. Il faisait déjà sombre. Je descendis le perron sous une pluie battante et me dirigeai vers le bureau de poste au coin de la rue en comptant ma thune sous le parapluie. Une fois que je l'aurais envoyé, il allait me rester... Toute à mes calculs, je ne vis pas le trou dans le trottoir et m'étalai de tout mon long dans une flaque d'eau en lâchant mon porte-monnaie. Mon fric s'éparpilla et quelques pièces roulèrent sous une Mercedes garée près du trottoir. Je m'empressai de ramasser ce que je pouvais et allai m'accroupir près la voiture. Elles étaient trop loin. Je devais me mettre à plat ventre sur la chaussée détrempée et tenter de me glisser sous le capot ou alors, attendre son propriétaire pour les récupérer. Mais pas question non plus de les 'abandonner, je n'en avais pas beaucoup. Ah, là, là, pourquoi étais-je aussi désespérément maladroite ? Mais au fait? N'étais-je pas une sorcière? Je jetai un rapide regard autour de moi. Personne ne me prétait attention. Les gens se hâtaient, pressés de rentrer chez eux. Je fermai les yeux, glissai ma main paume ouverte sous la capot et appelai mon fric: deux pièces de deux livres. La seconde suivante, elle sautaient dans ma paume. Problème résolu.

NéosorcièreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant