Chapitre 4

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J'atterris sur une surface dure qui céda dans un craquement de bois, puis des bruits de verre et de porcelaine. Une pluie de moellons et de débris me tomba sur la tête, puis il y eut une explosion de lumière dans mon cerveau. Un kaléidoscope de couleurs passa devant moi. Puis un kaléidoscope de sensations. Puis je perdis connaissance. Je ne restai inconsciente que quelques minutes, sans doute. J'ouvris lentement les yeux. Un mal de crâne enserrait mon front dans une étreinte d'airain. Au-dessus de ma tête, se découpait un cercle irrégulier de ciel bleu. Le souvenir des derniers évènements me revint. L'image du corps sans tête de Sami. Une décharge électrique me parcourut et je tentai de m'assoir, sans succès. Quelque chose me retenait. Mes idées se remirent à s'enchaîner et à s'emballer, dopées par l'adrénaline qui inondait mes veines. Qu'est-ce qui m'était arrivé ? Sans doute étais-je tombée dans une autre pièce souterraine, comme ce touriste anglais. Non seulement je ne savais pas comment en sortir, mais j'avais un tueur armé dans les parages. Je tentai de m'assoir à nouveau. La trouille dut décupler mes forces, car cette fois, je parvins à m'extraire de ce qui me retenait. J'avais été coincée dans quelque chose. Je tâtai autour de moi. Une grande boîte en bois dont j'avais défoncé le couvercle. Un cercueil, fut ma première pensée. J'étais sans doute assise sur un tas d'ossements avec un crâne sous mes fesses. A la faible lumière venant du trou dans le plafond que j'avais fait en tombant, je découvris une pièce encombrée de meubles, de placards et de coffres, tous couverts de poussière et de toiles d'araignées. Des meubles massifs, d'un style ancien. Il y eut un souffle d'air à ma droite. J'aperçus un mur où il manquait quelques pierres. L'ouverture ainsi crée dessinait un arc de cercle. Cela me rappela vaguement quelque chose... J'étais tombée dans la pièce murée à coté de la crypte que nous avions explorée le dimanche précédent.

J'allais pousser un soupir de soulagement lorsque j'entendis des bruits de pas pressés sur le gravier. Ethan revenait.

— ...Ouais ta frangine a dû aller aux keufs ou à la bande à Walid. Faut se tirer !

— ...

— Justement, elle est assez conne pour se laisser embobiner par le premier venu. De toute façon, elle saura pas fermer sa gueule. Tu la fais taire dès que tu la voie. Et faut que tu m'envoie quelqu'un pour m'aider à cacher le cadavre.

Je n'osai bouger, même pour remonter les mèches qui me retombaient devant les yeux. C'est à Jacky qu'il parlait comme ça, au téléphone ? Jacky était au courant, pour Sami ? Ils étaient inséparables à l'école ! Je ne reconnaissais plus personne ! Et qu'est-ce que ça voulait dire que je savais pas fermer ma gueule ? Il n'allait pas m'abattre comme Ethan avait abattu Sami ? J'étais sa sœur, non ? D'un autre coté, si ça ne le gênait pas de savoir Sami mort, mon cadavre le gênerait encore moins. Je me fis toute petite dans ma boite en bois, tandis que Ethan continuait au téléphone :

— Ouais, on passe au Plan B. Je te retrouve dans une heure.

J'entendis ses pas s'éloigner, puis le bruit d'un moteur de moto. Un instant, ma tête se mit à tourner. Ce n'était pas le moment de tomber dans les pommes, pensai-je. Il fallait sauver sa peau.

Je m'extirpai de ma boite. Incroyable, mais je n'avais que des coupures et sans doute des bleus. La boite s'avéra être non pas un cercueil, mais un coffre. Au fond, je distinguai des fioles, des pots et des miettes de porcelaine chinoise. J'avais découvert le laboratoire du fameux jésuite alchimiste et je venais de fracasser sous mon postérieur des vases d'une valeur inestimable. Malgré mon angoisse, je me penchai pour les examiner de près. Un seul était encore intact. Un petit pot blanc, rond, aplati, au couvercle scellé, pas plus grand que la paume de ma main. Prise d'une impulsion, je le saisis. Au moins une chose que ce putain d'antiquaire n'aurait pas. Je le glissai dans la doublure matelassée de mon sac à dos, là où je cachais les sachets de cannabis de Jacky. Ma tête tournait toujours et mon sentiment de malaise était revenu. Sans doute une hypoglycémie pour avoir raté mon petit dej'. Je frissonnai. La pièce était beaucoup plus fraîche que l'extérieur. Mon mal de crâne empirait. J'avais même l'impression d'avoir de la fièvre. Il ne manquait plus que j'attrape un rhume. Comme j'avais envie d'être chez moi, dans mon lit, avec une barre de chocolat et un Harlequin. En fait, j'avais autant envie de m'enfuir à toutes jambes que de m'assoir par terre et éclater en sanglots. J'étais totalement dépassée. Même si je sortais de là, qu'est-ce que j'allais faire ? Le type dont j'avais été follement amoureuse et mon propre frère voulaient ma peau.

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