Néosorcière

Chapitre 9

— Si tu pratiques la magie, ici, reprit Bao tandis que je posais l'argent sur le comptoir, sais-tu où je peux trouver une des portes de l'Yddgrasil pour rentrer chez moi ?

— Les portes de l'Yddgrasil ? Wow, comme tu y vas ! s'esclaffa la jeune fille. Celle que je connais s'ouvre quelque part entre Dunquerke et Urquhart pour la Samain. Il y en a une autre dans un coin de la jungle de la DRC et peut-être une autre au Mont Shasta en Californie.

Je récupérai ma monnaie et mon billet, m'efforçant de ne pas ouvrir des yeux ronds. Un arbre magique scandinave avec un tentacule en Afrique et une autre en Amérique. Une sorcière en masters qui causait à l'esprit qui me hantait...

— Tout va bien, Camille. fit Bao dans ma tête. Tu vois, la Créature-passage n'est pas loin. Tu vas pouvoir être débarrassée de moi bientôt.

Mais serais-je jamais débarrassée de mes connaissances ?

— Super, on va voyager ensemble jusqu'à Londres, dit Meredith après avoir payé à son tour. J'avais peur de me retrouver à coté d'un gros con ou d'un gamin hurlant...

J'ignorais si c'était du lard ou du cochon. Cependant, malgré sa tronche extravagante la fille avait l'air plutôt sympa. Fine mouche, elle remarqua mon trouble.

— Ça va ? T'est toute pâle!

— Ça va. J'ai encore un peu de mal à comprendre l'anglais...

Elle me lança un long regard pénétrant et m'entraina un peu à l'écart de la queue.

— Dis-donc, ça fait combien de temps que tu sais que tu as le don chamanique ?

— Le quoi ?

— Le don. Le troisième œil. Le sixième sens. Je ne sais pas ce qu'on dit en français. C'est comme ça qu'on appelle la faculté de percevoir la magie.

— Heu... deux semaines, mentis-je lamentablement.

— Je vois. Moi, j'ai découvert ça quand j'avais quinze ans et que je visitais un musée avec ma classe. Tu t'es pas encore remise du choc, hein ?

— Ben, un peu...

— T'inquiètes pas, ça va passer... T'en a parlé à un psy, ou quelqu'un ?

— Non.

À part Bao, si on pouvait le compter comme un psy.

— Et tes parents, ils en pensent quoi ?

— Ben heu... je ne leur ai rien dit...

Je ne me voyais pas en train de raconter mes embrouilles à une parfaite inconnue. Mais Meredith se contenta de hocher la tête d'un air grave.

— Je vois. À St Andrews, on a des psys pour vous aider, surmonter le choc, relativiser. Ce n'est pas une catastrophe, tu sais. Ils sont en vacances, mais ils seront de retour dans 15 jours. Il parait qu'on leur envoie des gosses de toute l'Europe, maintenant.

— Je crois que j'ai pas besoin de psy, pour l'instant, dis-je prudemment. Je voulais juste prendre une année sabbatique, me poser, réfléchir...

— Bonne idée. Comment t'as trouvé ton esprit de compagnie, alors?

— Heu...

— Alors qu'elle faisait des fouilles dans un monastère avec des archéologues amateurs, elle a ouvert le vase où j'étais enfermé. Répondit Bao à ma place.

— Wow! Et il y avait d'autres trucs magiques, là-bas?

— Peut-être, mais tout ce qu'on a trouvé a été récupéré par la mairie.