Les Âmes Maudites

Chapitre 17

Quand j'ouvris la remise au fond du jardin, je le découvris en position fœtale, cherchant à protéger son torse de la température ambiante. Je savais que j'aurai dû lui filer un pull ! Et c'est justement ce que je lui rapportais après avoir fait un saut à la maison. Je l'habillai et remarquai ses lèvres violacées par le froid. La culpabilité m'accablait comme un sac de pomme de terre suspendu sur mes épaules.

Je le maintenais contre moi afin de faire taire ses tremblements. Je frottai mes mains sur ses bras désormais couverts. J'essayai de partager la chaleur de mon corps avec le jeune homme à la crinière sombre. Je ne faisais même plus attention à la proximité de nos deux corps, bien trop obnubilé par le bien être de ce dernier. Je ne cessai que lorsque je le sentis se redresser pour plaquer son visage contre ma poitrine. Il inspira profondément tout en remuant la tête de droite à gauche.

Rouge comme une tomate, je rompis l'étreinte pour lui demander ce qu'il faisait :

- Tu sens bon, dit-il tout simplement en s'approchant de moi à nouveau.

Mal à l'aise, je m'écartai jusqu'à être dos au mur. Aucun garçon ne m'avait approchée de cette manière jusqu'à aujourd'hui. Je me demandais si mon parfum « Envoûtant » était à l'origine de cet intérêt soudain de la gente masculine. Il y avait Théo puis lui maintenant... Ça commençait à faire beaucoup de « mâles » pour une seule femme alias moi.

D'une allure féline, Thadée s'approcha de l'agneau « effrayé » que j'étais. Le regard enflammé, il parcourait mon visage à la recherche de quelque chose pour finalement s'arrêter sur... mes lèvres ? J'avalai de travers quand son approche se fit plus insistante. Si scène de baiser il devait y avoir, je ne l'imaginais pas du tout de cette manière. J'avais rêvé ce moment plus romantique et moins prévisible, comme dans les films. Malgré tout, je ressentais ces petites explosions dans mon ventre... Mon cœur enchaîna une danse endiablée au creux de ma poitrine. Son visage n'était plus qu'à quelques centimètres et je commençai à baisser les paupières avec anticipation.

Alors que son souffle côtoyait mon visage, je sentis quelque chose de chaud et de visqueux toucher ma joue, sans oublier l'odeur nauséabonde d'un caniveau. Je rouvris les yeux sur ce jeune homme qui me léchait avec entrain la peau. Effarée, je mis quelques secondes à réaliser ce qu'il était en train de se produire sur ma personne avant d'établir une distance respectable entre nous. Mes joues étaient désormais couvertes de bave... J'essayai de garder mon sang froid en me disant qu'il était loup hier encore. Et moi qui pensait qu'il allait m'embrasser...

Son regard innocent attendait visiblement une réponse positive de ma part et j'allais beaucoup le décevoir avec ce discours :

- Thadée, tu ne peux pas lécher les gens à tout bout de champs et quand il te plaît. En tant qu'humain, tu ne dois pas partager ta salive avec les autres ou en tout cas, pas de cette manière.

- De quelle manière alors ? Je t'aime bien, moi.

Mon visage s'embrasa à ce moment précis. Son expression innocente allait à l'encontre de sa demande. Je ne pouvais pas exposer ce genre de détail à qui que ce soit d'autre que ma conscience.

- A la manière des amoureux.

Mon explication ne dépassait pas le niveau primaire. De toute façon, il était bien trop naïf pour comprendre quoi que ce soit sur le sujet de l'amour, même si j'étais flattée de l'intérêt qu'il me portait. Et comment ne pas l'être ? Il avait ces yeux couleurs chocolats qui me faisaient littéralement fondre. Il était sur le point d'approfondir cette conversation quand je repris la parole :

- Est-ce que tu te souviens de quoi que ce soit ?

J'essayais de mettre un sens à toutes les questions que je voulais lui poser. Je voulais savoir s'il avait toujours été un loup, s'il connaissait l'Homme ou du moins le squelette dans la cabane ou s'il se souvenait de l'auteur du sort qui l'avait condamné jusqu'à aujourd'hui... Il y avait tellement d'interrogations autour de sa personne.