Chapitre 8

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Je ne comptais plus le temps passé à caresser sa fourrure. Je pouvais sentir des fourmillements (ou les microbes?) me parcourir le corps. Je ne comprenais pas l'apaisement que je ressentais à chaque fois que j'étais proche de la bête. Il était en quelque sorte devenu mon ami durant cette semaine. Puis, sans que je ne l'explique, il se détacha de moi. Il observa la maison une dernière fois avant de s'en aller.

Sans y réfléchir plus que ça, je me décidai à le suivre. La pluie battante aurait dû m'en dissuader mais ces fichus microbes devaient me monter à la tête. Les pieds enfoncés dans la terre trempée, je parcourais une courte distance en sa compagnie. Nous nous arrêtâmes devant une cabane en bois qui ne payait pas de mine. Il gratta à la porte de celle-ci et m'indiqua d'un regard de l'ouvrir. Par prudence, je toquai avant de demander timidement :

- Bonjour, il y a quelqu'un ?

Au silence qui s'ensuivit, je poussai la porte grinçante et laissai le loup passer en premier. Il faisait assez sombre dans cet abri, m'obligeant à utiliser la petite lampe que je gardais toujours soigneusement rangée dans la poche de mon imperméable rouge. Dans mon dos, j'entendis les couinements de l'animal. Il s'était arrêté aux pieds de la table. Je relevai le jet de lumière et bondis en arrière, saisi par le tableau macabre qui se tenait face à moi. Un corps en décomposition reposait à moitié sur la table.

A la vue du cadavre, je me précipitai dehors pour vomir le repas du midi. Malgré l'air frais, je pouvais toujours sentir l'odeur de la mort. Un malaise m'assaillit et je dus rester coucher au sol. La pluie se déversa librement sur mon visage et sur mes vêtements. Les yeux fermés, je repris calmement ma respiration. Entre récupérer une balle dans un corps vivant et faire face à un corps mort, il y avait une sacré différence.

Bientôt, je vis une ombre recouvrir mon visage. L'odeur sauvage de l'animal me parvint aux narines mais je n'y fis rien. Il m'avait amenée ici. Il voulait que je trouve le corps et je lui en voulais.

- Laisse-moi s'il-te-plaît...

La voix chevrotante, je lui ordonnais de partir. Je n'avais pas vu le corps dans son intégralité et je ne m'en sentais pas capable. J'avais déjà vu des cadavres à la télévision et dans des documentaires mais ce n'était rien comparé à ce que je venais de voir. Face à un écran, il n'y avait pas cette odeur de pourriture et il n'y avait pas cette réalité, cette finalité.

Je retins un sanglot et me redressai. Mes vêtements étaient trempés et couverts de boue. La porte de la cabane était toujours ouverte et moi, j'étais toujours pliée devant elle. Je pris une grande inspiration et me relevai. Je ne pouvais pas rester dans la boue comme une idiote à attendre que le temps passe.

Le pauvre individu était mort. J'étais vivante. J'avais le pouvoir de faire quelque chose. De toutes les émissions de Pierre Bellemare que j'avais regardé, je savais que je pouvais mener ma petite enquête. Bien entendu, j'aurai pu appeler la police pour déclarer le cadavre mais je ne pensais pas avoir à faire à une simple personnalité.

La cabane qui me faisait face n'était pas une simple hutte. C'était une petite maisonnette. Les alentours étaient complètement sauvages et l'abri était fait de bois brute. Il n'y avait pas de fenêtre, que des puits de lumière entre certaines planches. L'inconnu mort à l'intérieur ne possédait visiblement pas les moyens de se payer quelque chose de moins rustique.

Je m'avançai prudemment de la petite bâtisse, toujours armée de ma lampe. Je remarquai la table et le plancher pourri sous mes chaussures. De l'herbe poussait entre les lattes de planches. Puis je dirigeai le rayon de lumière sur le corps. Je ne pus m'empêcher de me couvrir le nez à l'aide de la manche de mon imperméable. Prenant mon courage à deux mains, je m'en rapprochai, sentant les irrégularités du sol sous chacun de mes pas.

Les Âmes MauditesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant