Chapitre 3

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J'arrivai à l'heure à mon cours, pris place au milieu d'une rangée et sortis ma trousse. J'alignais mes crayons méthodiquement de façon à avoir le bleu sous la main et le rouge tout proche. Du moins, c'était le cas jusqu'à ce que quelqu'un fasse tomber ma trousse et dérange mon mode de fonctionnement avec son énorme sac. Le géant prit place sur la table d'à côté et hoqueta face aux dégâts qu'il venait de causer.

- Dé- Désolé... Je ne voulais pas !

Sa voix grave ne convenait pas à son apparence enfantin. De grosses lunettes recouvraient presque ses iris couleur océan et ses cheveux bouclés retombaient en vague autour de son visage fin. Des rougeurs maquillaient déjà ses joues de timidité. En temps normal, j'aurai dit quelque chose de vexant mais l'adolescent me faisait penser à un énorme ours en peluche.

- Ce n'est pas grave, je le rassurai en ramassant ma trousse pour ré-organiser toutes mes affaires pendant que le professeur entrait.

Je pris des notes et ne manquai pas de remarquer que mon voisin semblait complètement perdu. Il n'arrêtait pas d'agiter ses pieds, m'agaçant au plus haut point mais je ne dis rien contre toute attente. Il devait être nouveau. A vrai dire, il me faisait penser à un petit chien sans défense. Le pauvre garçon n'avait pas osé lever le regard une seule fois.

A la sonnerie, je pris mon sac et me dirigeai vers la porte. La vibration dans ma poche signifiait que Callie était déjà à la cantine. Je n'avais même pas besoin de vérifier de qui provenait le message, mon amie était la seule à m'en envoyer. Elle était d'ailleurs la seule à posséder mon numéro en dehors de ma famille. Non que je m'en plaigne ou quoi que ce soit... Ça m'évitait de me brûler les yeux sur l'écran.

Une fois le plateau en main, je cherchais Callie du regard et la trouvais assise à une table, près de la sortie. Elle avait choisit le pire endroit de la cantine... Je la rejoignis en traînant les pieds et posai bruyamment mon plateau pour montrer mon mécontentement.

- Je sais, mais il n'y avait plus de place !

Je m'assis sans prendre la peine de retirer ma veste. Non seulement nous allions devoir endurer les courants d'air mais en plus, nous devions manger cette chose dans notre assiette. Un mélange de pommes de terre et de viandes presque cru. La vue du sang me donnait presque envie de vomir une nouvelle fois. Je mis le saignant sur le côté de l'assiette et mangeai les légumes non sans une grimace. Il fallait souffrir pour survivre.

- Il paraît qu'il y a un nouveau garçon dans ta classe...

- Comment tu sais ça ?

- Mon petit doigt me l'a dit, dit-elle mystérieusement.

- Manon t'a tout racontée.

- On s'en fout du pourquoi du comment ! Comment il est ?!

- Il est... grand ? Et très timide je dirais.

Dans mon dos, on entendit un cri pas très masculin et le bruit distinct des couverts se fracassant contre le sol. Je me retournais vivement, comme une grande partie des lycéens, vers le cause du raffut. Le nouveau se trouvait à genoux, l'assiette renversée au sol et son contenu éparpillé un peu partout dans la cantine. Sous l'attention, son visage devint rapidement rouge cramoisie.

Comme dans une série américaine, les étudiants se mirent à rire aux dépends du jeune homme. N'en supportant d'avantage, je me levai de ma chaise et le rejoignis pour ramasser la nourriture gaspillée. Sans un mot, nous quittâmes l'endroit après avoir nettoyé le carrelage et rendu les plateaux.

- Merci de m'avoir aidé...

Le jeune homme se tenait toujours tête baissée et épaules courbées. Il allait finir par gagner de l'arthrose s'il continuait dans cette voie.

Les Âmes MauditesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant