Chapitre 20

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Après cet incident, je me confondis en excuse auprès de notre hôtesse. Ce dernier épisode avait coupé l'appétit de tous ceux présents à table. Seul Thadée avait continué à manger comme si sa vie en dépendait. Des coquillettes dans chaque mains, il ressemblait à un bébé qui essayait de se nourrir seul. Bien sûr, j'avais essayé de le faire arrêter mais « un homme ne vivait le prochain jour sans avoir l'estomac plein », du moins, c'était ce que me disait mon père.

Pour éviter un moment empreint de solitude à la suite de ma tirade d'excuse, la matriarche nous montra nos chambres. Ces dernières étaient aussi propres que spacieuses, montrant l'étendue de la richesse possédée par la famille de Callie. J'avais déjà remarqué les vêtements de marque qu'elle se permettait de s'offrir mais je pensais qu'elle se privait pour acheter toutes les choses qu'elle s'achetait. Visiblement, je me trompais : elle avait une situation plus que confortable, non pas que ça change quoi que ce soit entre nous. Elle restait et restera ma meilleure amie. Mais revenons à nos moutons.

La chambre de Thadée se trouvait juste à côté de la mienne. La mère de Callie, Adélaïde ou Adèle comme elle voulait qu'on l'appelle, ne souhaitait pas, je cite : « que nous partagions une chambre à deux afin de m'assurer un avenir saint sans bébé ». Si l'on pouvait mourir de honte après ce genre de mise en garde, je serais, en ce moment même, morte et enterrée. Heureusement pour moi, le gaillard brun à mes côtés ne comprit pas l'allusion, ressuscitant un peu plus ma dignité.

Je déposai mes affaires aux pieds du lit et m'assis sur ce dernier. Pendant que Thadée examinait la pièce minutieusement, Callit aborda le sujet qui fâche :

- Alors ta mère et ta sœur sont de ce monde là...

- Ma sœur seulement, mais ma mère n'a pas pris la peine de me le dire.

Ça me peinait de parler de cette affaire qui ne remonte qu'à quelques heures. Mon amie sembla le comprendre puisqu'elle ne demanda pas les détails de la dispute. Je lui avais déjà raconté au téléphone une bonne partie de la « bagarre » de toute façon.

- Et tu sais ce qu'elle est ?

- Tu parles... Elle se qualifie « d'existence à part entière ». Une telle arrogance à 12 ans, maman et moi l'avons mal élevée.

La jolie blonde ne comprit pas non plus l'allusion à laquelle Alésia faisait référence. Et qui le pourrait ? C'était aussi énigmatique qu'incompréhensible : un bon mélange de n'importe quoi en somme.

J'avais toujours du mal à croire que je possédais sans doute des gênes surnaturels. Oui, ils ne s'étaient pas manifester jusque là mais le sang qui coulait dans mes veines en regorgeait, j'en étais certaine. Contrairement à toutes ces héroïnes dans les livres, je voulais ce pouvoir, cette magie redoutait par tous. Moi aussi, je pouvais être un « être à part entière ».

J'étais sur le point de lui faire part du moment 'intime' que Thadée et moi avions partagés quand je ressentis ce besoin de me préserver. Mes poils se hérissèrent sur mes bras et j'eus l'envie de me cacher du potentiel danger. Une drôle de sensation engourdit mes membres.

Comme pour répondre à mon instinct, des pas approchèrent la chambre. J'aurais voulu me dissimuler sous le lit ou dans le placard mais une force inconnue me retint sur le matelas. Puis la porte s'ouvrit et je me sentis défaillir devant le visage inconnu. Pendant un bref instant, j'avais espéré voir le visage de la jolie rousse lors d'une de ses blagues idiotes.

Malheureusement, cette image fut rapidement remplacée par une femme à l'allure fanée et usée par le temps. Une cane lui permettait de rester droite dans ses bottes mais ne cachait pas ses difficultés à aligner un pas devant l'autre. Son visage, couvert de rides, n'avait rien à envier à ses yeux qui reflétait mille et une vies. Ces derniers étaient en train de sonder la pièce avant de nous examiner avec minutie. Elle claqua la langue sur son palais quand elle ne trouva pas la raison de ses recherches.

Les Âmes MauditesOù les histoires vivent. Découvrez maintenant