Avec lenteur, la saison déclinait. Bientôt, on fêterait le solstice d'automne, cette période charnière oscillant entre son humeur opaline et un cortège tape à l'œil de nuée pourpre, au défilement des feuilles craquelant sous le poids de mes bottines. Présentement, il n'en demeurait qu'un feuillage gercé par le feulement du vent qui se rabattait contre ma joue.Mes prunelles brunâtres s'accrochaient aux quelques branchages qui entouraient la cour pavée de petites dalles de notre vieille bâtisse. Mes genoux noueux et mes chevilles étaient comme plantées dans le sol, propre à s'emmêler jusqu'à jamais dans ses racines. Un souffle sonore s'écartait d'entre mes lèvres, se mêlant au bruit tapageur des quelques oiseaux qui pillaient ici et là.
Malgré le froid indicible qui s'insinuait à travers mes vêtements, mes épaules étaient brûlées à vif, alourdie par l'emprunte visuelle des quelques passants. – Des voisins aussi. J'avais bien conscience que mon immobilité devant mon foyer devait certainement paraître quelque peu idiote. L'embarras qui m'éprenait était, cependant, d'un faible pourcentage comparé à celui qui m'attendait à l'intérieur. Il n'était certainement jamais idiot de vouloir éviter la déception de l'un de ses proches.Quelques gouttes d'eau ruisselèrent le long de ma cape bleutée et d'un éclat assourdissant venait s'abattre une pluie torrentielle. J'écarquillais mes yeux de surprise et avec vélocité, je franchissais les quelques marches pour m'abriter à l'intérieur. D'un mouvement rapide, je pivotais mon visage vers la porte en bois d'if, comme pour vérifier les conséquences de mon geste impulsif. Je pinçais mes lèvres avant de laisser tomber mes quelques livres de es sur un banc apposé au mur du couloir, pour y soulever ma cape et secouer mes cheveux brunâtres perlés de goutte d'eau. À travers le déferlement du mauvais temps, quelques notes de piano en sol majeur atteignirent tous de même mes oreilles.
Les gestes nerveux, je nouais mes boucles dans un chignon hâtif, supervisé par le reflet de la vitre de la comtoise de l'entrée. Pendant ce temps, je cherchais mes mots ; ceux qui n'inquiéteraient pas trop Everett. C'était difficile lorsque l'on était glacée d'horreur. J'étais encore paralysée par ce qui venait de se produire. Comment pouvais-je lui relater l'événement alors que je peinais à le considérer moi-même ?
- Fergus, c'est déjà toi ? Je me rends compte que j'ai oublié de te demander---oh. Ekaterina.
Il était trop tard pour envisager un mensonge improvisé. Un homme d'une taille modeste venait d'apparaître dans l'encadrement de la porte. Il possédait une apparence plutôt malingre et, malgré cela, il évoquait un maintien fier et élégant. Dressé d'un costume blanchâtre strié de fine rayure rougeoyante, son visage était encadré d'une chevelure bouclée et au milieu de son visage trônait habituellement un immense sourire. Pour l'instant, il m'offrait une expression de franche perplexité. Il tenait quelques partitions dans ses mains et les mouvements oisifs, il tâtait la doublure de son costume. Je le devinais occupé à chercher sa montre gousset.
- Flûte...il est si tard ? Je perds la notion du temps. J'étais seulement en train de faire la troisième partie de l'Alta Pressione..Nous sommes déjà au couvre-feu ?
Ses mouvements cessèrent de s'agiter, lorsqu'en-fin, ses iris se posèrent sur le cadran de sa montre. Ses épaules se coulèrent de soulagement et il reparti dans la pièce adjacente, cherchant à mettre de l'ordre sur la table principale, jonché d'ouvrages et de partitions.
- Comme l'époque d'Oblivion me manque, si tu savais chère Ekate ! À cette époque-là, nos précepteurs ne nous relâchaient pas au milieu de l'après-midi. L'important c'était d'apprendre et de s'améliorer ! Rétorquait la voix d'Everett, à moitié mélancolique et désapprobatrice.
Silencieuse, je m'attachais à lever les yeux au ciel.
- Je sais, oui.
Malgré-moi, mes mots étaient teintés d'agacement, d'une empathie indéchiffrable aussi. Il en tenait plus d'un assentiment paresseux à l'égard de son discours redondant pour évoquer cette période symbolique. C'était certainement facile pour moi de m'en moquer, bien plus, lorsque j'en avais dans mes souvenirs que mes premières années. – Et cela était si mince. Trop peu pour que cette époque n'aie une réelle empreinte indélébile sur mon âme, trop courte pour qu'elle n'en façonne mon état d'esprit et m'évoque un sentiment de nostalgie.
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Les Bonaccord & le fruit défendu
ParanormalChèr.e.s lecteur.e.s, Vous aimeriez lire une histoire composé d'héroïne, de pouvoirs magiques et de militantisme ? Ne bougez plus alors, cette histoire est faite pour vous ! Bonne lecture.