Cela faisait quelques jours que Gabriel était arrivé chez l'Organisation ; administration qui s'occupait du monde des mortels. En effet, ils recevaient chaque défunts, leurs donnaient une date d'examens, vérifiaient la condition de leur âme et si cette dernière était en bonne santé, on la renvoyait sur Terre via une machine afin qu'elle incarne un nouvel individus.
Mais ce n'était pas tout ! Cette grande usine que nous appellerons Paradis (pour des facilités bien évidentes) s'occupait aussi de cultiver de nouvelles âmes dans les quelques milliers de serres situés à l'écart. Et en dernier rôle, si une âme était trop fragmentée, alors, on la "recyclait" à l'aide d'un être appelé le Monstre de l'oubli qui produisait d'ailleurs tous les cinq siècles une dose d'engrais utile à la culture de nouveaux esprits. Une machine bien huilée en somme ! Mais retrouvons notre petit Gabriel, qui, en manque de temps et d'informations, s'est perdue dans l'un des nombreux bâtiments du Paradis.
Ayant vu une autre âme se faire engloutir par un objet étrange qu'utilisaient les bhit pour récupérer ceux qui s'étaient perdus, il s'était résolu à trouver lui même la sortie pour des raisons de survie. Ses pas pressés l'avaient ainsi mené à travers différents couloirs, parfois gardés, parfois vides, et parfois un peu des deux.
Cela faisait déjà longtemps qu'il se promenait lorsqu'il remarqua une petite porte de couleur jaune pastelle sur sa gauche. Il se trouvait que cela faisait une éternité qu'il n'avait pas vu une couleur si apaisante et chaleureuse, et il décida, malgré les risques, de la prendre. Après tout, n'était-il pas déjà mort ? Que pouvait-il perdre de plus ?
Quelques pas le menèrent jusqu'à un nouveau couloir, cette fois-ci rouge, qui semblait mener à une seule et unique salle. Arrivé devant une large porte blanche sans aucun hublot, Gabriel fut empli d'un sentiment de bien-être et de sagesse. Il ne savait pas ce qu'il y avait derrière ces battants, mais il était sûr d'une chose : ce qui se trouvait là-bas changerait sa vision du monde. Soudain rempli de courage, il exerça une pression sur la poignée et entra, les paupières fermées.
Ce qu'il distingua quelques secondes plus tard fut indescriptible. Là, au milieu de la pièce, était positionné un enfant. Ses yeux étaient clos, et il était assis en tailleur, les mains sur les genoux. Sa tête se releva quelque peu après l'arrivée du jeune homme et de grandes pupilles grises transpercèrent l'âme qu'était désormais Gabriel.
- Tu es perdu.
- C'est... vrai, bégaya le croyant avec quelques réserve. Qui, es-tu ?
- Je ne suis rien et à la fois, je suis tout. Je suis chaque personne que tu connais et chaque personne que tu ne connais pas. Certains s'aiment à m'appeler le monstre de l'oubli ou l'avaleur de souvenirs.
Le monstre de l'oubli...
Ce nom résonna encore et encore dans l'esprit de Gabriel tandis que ce dernier fut assailli par bien des questions.
- Tu ferais mieux de partir, petite âme. Cette salle m'a été spécialement dédiée, ainsi son air risque de te détériorer et de te causer des problèmes avant l'heure.
Un silence s'installa et quelques secondes plus tard, l'enfant ajouta :
- Enfin, fais comme tu le souhaites. Ce n'est pas moi qui serais ennuyé de pouvoir enfin parler à quelqu'un.
Gabriel sentit ses jambes lâcher et il se retrouva assis en face du fameux personnage enfantin qui commençait à jouer avec l'une de ses longues mèches grises. Ses cheveux d'argent semblaient recouvrir une grande partie de son corps tandis qu'un simple tunique blanche l'habillait. Remarquez, la pièce offrait une chaleur tellement étouffante par instants que cet habit semblait finalement bien correspondre à l'air ambiant.
- Peux-tu me parler de toi, demanda Gabriel avec espoir. J'ai pas mal entendu de choses en lien avec toi par les autres âmes...
- Je suis chaque humain ayant existé, je possède tous les souvenirs de ce monde et tous les rêves de ses habitants. Je ne suis rien sur Terre et personne ne me connaît, pourtant, je suis tout. Je suis l'humanité passée et je serais bientôt l'humanité d'un passé révolu.
- Quel âge as-tu ?
- Je suis aussi vieux que le feu et aussi jeune que les premières gouttes de pluie. Je n'ai pas été crée, je n'ai pas été appelé, j'ai toujours été là. Maintenant, à moi de te demander quelque chose. Dis moi, en quoi crois-tu, petite âme ?
Gabriel était quelque peu abasourdi par cette question, avant sa mort, il n'aurait pas hésité... Pourtant, il n'était plus sûr à présent.
- Je croyais en quelque chose de faux, déclama-t-il finalement tout en dessinant un rictus avec ses lèvres. Un simple blague, n'est-ce pas misérable ?
- Que sais-tu de la réalité pour en parler si sèchement ; pourquoi parler d'un extrême ou de l'autre ? Quelque chose qui n'est pas vrai n'est pas forcément faux pour autant. Nous, les humains, allons bien trop vite en besogne. Dis moi petite âme, en quoi croyais-tu ?
- En Dieu.
- Et où est-il en ce moment ?
- Coincé dans l'imaginaire des hommes, j'imagine, rigola Gabriel avec une pointe d'amertume et d'ironie.
- Cela veut donc dire qu'il existe quelque part, répondit l'enfant en souriant légèrement. Vous les humains, croyez en des idées abstraites comme la justice mais pas en un personnage que l'on peut retrouver, existant dans certains cœurs parmi les hommes. C'est triste, tu ne trouves pas ?
Plus aucun bruit. Durant plusieurs minutes, aucun son ne sorti de l'âme de Gabriel.
- Si tu sais tout, dis moi pourquoi nous vivons ? Quel est le but de notre existence, finit par dire le jeune croyant, soudain atteint par un peu de sagesse.
- L'existence est ou n'est pas. Tu existes parce que tu dois exister et j'existe parce que les humains existent. Dieu existe dans ton esprit car il doit y exister pour que tu puisses toi-même exister.
- Pourquoi ai-je l'impression que tu ne réponds à aucune de mes question, s'énerva quelque peu l'âme.
- Parce que tu ne réfléchis plus. Tu m'écoutes pour me répondre et non pour me comprendre. Tu sais, l'un des hommes qui me compose se fait appeler Pythagore et un jour, il dit à l'un de ses élèves : "Qui parle sème ; qui écoute récolte". Même lui n'écoutait pas réellement, mais au moins, il s'était rendu compte d'une des faiblesses de l'humanité. Tu sais quoi, je vais t'aider un peu à ouvrir les yeux, cela me permettra de discuter de manière plus intéressante.
L'enfant se leva et se plaça devant Gabriel avant de lui tendre sa petite main blanchâtre.
- Je vais t'offrir un petit voyage où tu rencontreras cet homme qui se prénomme Pythagore. Peut-être t'aidera-t-il à me comprendre. Prend ma main, nous partons revivre certains de mes lointains souvenirs.
Voilà la fin de ce second chapitre ! J'espère qu'il vous a plu, n'hésitez donc pas à le commenter et à laisser un vote. :) Le troisième arrivera très bientôt et sera truffé d'anecdotes et de choses historiquement justes qui m'ont demandé beaucoup de recherches.
À bientôt, votre dévouée,
Cassou ;)
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Le Monstre de l'Oubli
MaceraGabriel est un homme, un croyant, un catholique. Sa foi est sans limite, et son ouverture d'esprit est aussi grande que le trou d'une serrure. Le jeune homme meurt, écrasé par une voiture, et se retrouve dans une version du Paradis quelque peu... Si...