Deux hommes

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Je laisse mes pensées vagabonder... Je me souviens du jour où ma mère a disparu. J'étais en cours, ne me doutant de rien. Tous les soirs, j'avais l'habitude de me rendre dans ce café avec le peu d'amis que j'avais. Ma mère n'était pas rentrée la veille et je m'inquiétais un peu. C'est à ce moment-là que la police est entrée. Un froid s'est abattu dans la salle. Je tremblai quand ils se sont avancés vers moi. Je pressentais le pire. « Monsieur ? » Ils m'appelaient monsieur, c'était le signe que quelque chose de grave était arrivé. Pourquoi tant de sérieux sinon ? « Nous n'avons pas retrouvé votre mère. Sa disparition est très étrange. Nous pensons qu'elle a peut-être été enlevée. Nous ferons notre possible pour la retrouver rapidement. » Dans les films, le lendemain, la police ramène la femme enlevée intacte, peut-être un peu secouée, mais heureuse, et elle serre son fils dans ses bras. Dans la réalité, on peut passer plusieurs mois sans un minuscule avancement, un indice minime qui se profile. C'est ce qui m'est arrivé. J'attends toujours.

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Demain, je reviendrai, et j'entrerai. Je chercherai des indices et pourquoi pas, retrouverai ma mère. J'ai fait le plus gros du travail à présent, non ?

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Après l'annonce du policier, tout était allé très vite. Mon père mort, je n'avais aucune famille pour s'occuper de moi. J'ai été placé en foyer en deux jours, et j'y suis encore. Ça a été le début de la solitude pour moi. J'ai dû changer de lycée, et ai perdu tous mes amis. Je n'arrivais pas à m'intégrer dans ma nouvelle école, je ne comprenais pas les préoccupations des autres élèves, moi qui attendais désespérément que ma mère réapparaisse, et c'était réciproque. Je retournais tous les jours au café, devenu maudit depuis ce jour, en essayant de me remémorer ce qu'il s'était passé. Je pleurais souvent, mais cela me soulageait. Jusqu'au jour où je l'ai rencontrée. Ce café a pris un tout autre intérêt, il a changé de signification. J'ai continué à y aller, et j'aimais ça. J'ai juste peur de la perdre à présent que je ne peux plus y retourner facilement. Perdre mon rayon de soleil, c'est me condamner à l'enfer de nouveau. Je ne supporterai pas une deuxième fois, après avoir recommencé à vivre.

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Il est trop tard pour rentrer maintenant. Je vais attendre d'être dans un quartier plus sûr et je me trouverai un coin pour dormir. Une fois encore, je n'ai pas de toit, pas de sécurité, pas de confort ni de réconfort. Il fait encore doux, c'est un soir de début d'été, heureusement. C'est étrange de dormir dehors. Mais je m'y habituerai. Je n'ai pas le choix, je ne peux pas retourner à la maison tant que je n'ai pas retrouvé ma mère.

Je me lève à l'aurore. Le soleil me chatouille de ses rayons. Je n'ai pas si mal dormi, il ne faisait pas froid. Je m'attendais à pire. Un peu plus tard, après avoir utilisé une partie de mes économies pour manger, je me retrouve sur le chemin de l'immeuble menaçant. Je retrouve les rues de la veille, qui n'ont pas changées. Les bâtiments sont toujours aussi ternes et les rues inquiétantes. Je me retrouve avec la même peur au ventre, peut-être même amplifiée par la pensée de ce que je compte faire. À nouveau, je marque un arrêt devant l'immeuble, le numéro 45 de cette série identique de blocs grisâtres. Il est encore trop tôt pour que quiconque soit déjà sorti. Je décide donc de patienter devant la porte. Au bout d'une heure, déjà trois personnes ont quitté l'immeuble, mais elles n'ont pas le profil que je recherche. Enfin, un homme se fait entendre. Il a la même démarche assurée, le pas lourd que j'avais remarqué hier. Je me cache à l'angle. Il est accompagné d'un autre homme, plus petit et fin. Tout est effrayant en eux, la façon dont ils marchent, dont ils parlent, leur visage même. Se pourrait-il qu'ils soient les deux seuls geôliers de ma mère, sortis en même temps. Après tout, personne ne peut rester trop longtemps sans sortir. Je ne crois pas à ma chance. Mais s'ils sont plus nombreux derrière la porte, cela risque d'être plus compliqué. Le doute me tenaille. Que faire, encore une fois, face au danger ? Mais je suis si près du but ! Qui ne tente rien n'a rien. Alors je m'élance, je franchis la porte et monte les escaliers jusqu'au troisième. Le problème à présent est d'entrer.

Rien n'arrive par hasardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant