Je reviens de mes souvenirs enfouis. Il ne sert à rien de remuer les fantômes du passé. Je suis à présent dans la rue des fleurs. Numéro 25. Je l'ai manquée. Je reviens sur mes pas. Ca y est. J'y suis. J'hésite à sonner. Après tout, je ne sais même pas qui habite ici. Comment va-t-on me recevoir ? Je préfère regarder le nom sur la boîte aux lettres avant de sonner. Rien. Un papier blanc, vide de toute inscription. Et si la maison est inoccupée ? Je me décide à sonner tout de même. Que pourrait-il m'arriver ?
Une femme m'ouvre. La trentaine, je dirais, pas très grande, avec de longs cheveux châtains. Elle porte un jean slim avec un t-shirt rouge uni. Elle me regarde gentiment. Qui est-elle ? Et pourquoi ma mère m'a-t-elle envoyée chez elle ?
***
Je retourne au foyer. Je suis convoqué dans le bureau de la directrice. Je suis souvent absent ces derniers temps, et je sèche les cours, Je sais que je risque gros. Mais que peut-il m'arriver de pire ? Une petite voix au fond de ma tête me murmure « la perdre ».
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« Qui êtes-vous ? » Nous avons parlé en même temps. « C'est une longue histoire », je réponds. « Laura Priot. Entre, tu me raconteras ». Je ne pose aucune question avant de rentrer. Je ne me dis pas que c'est peut-être dangereux, que je ne devrais pas suivre une inconnue chez elle. Mais elle m'a subjuguée. Et puis, ma mère veille sur moi, n'est-ce-pas ?
***
Ca y est, la sentence est tombée. « Plus de sortie. Tu seras cloitré dans l'enceinte du foyer jusqu'à ta majorité, avec pour seule sortie le lycée, dont je vérifierai personnellement que tu t'y rends. C'est important. Pense un peu à ton futur ! » Et à ma première et unique protestation, « Tu ne t'es pas montré digne de notre confiance. Je regrette, mais il le faut. » J'avais envie de crier qu'on ne pouvait pas me faire ça, m'enlever la seule personne qui me permet de remonter la pente. Je me sentais mieux grâce à elle. Ils veulent donc ma mort ? À la place de hurler mon désaccord, je sors, comme si ça ne m'affecte pas. Je me montre fort, ils ne m'auront pas. Je trouverai une solution. Je retrouverai ma mère. Je me battrai. Pour elle. Pour elles.
***
Je rentre à sa suite dans un petit salon agréablement décoré. Elle me dit de prendre place sur un fauteuil, et disparaît quelques instants à la cuisine, « pour préparer du thé », dit-elle. J'observe autour de moi. Le salon n'est pas très grand, mais plutôt lumineux. Le mobilier est assez classique, un canapé, deux fauteuils, une table en bois, une télévision. Elle revient quelques instants plus tard, deux tasses de thé à la main. Elle me tend la mienne, que je prends respectueusement mais à laquelle je ne touche pas. C'est une sorte de superstition, qui me fait penser à un roman policier. Je vois qu'elle brûle d'envie de m'interroger mais se retient par politesse. Elle émet juste un petit :
- Alors ?
Je prends une inspiration.
- Je m'appelle... Elle me coupe.
- Je sais qui tu es. Ta mère m'a souvent parlé de toi. J'ai mis un certain temps avant de faire le lien mais à présent j'en suis sûre. J'ai appris pour ta mère... Je voulais te faire grâce des habituelles condoléances. Si ta mère était morte, nous l'aurions senti, non ? Elle n'aurait pas pu partir comme ça. Je pense que tu pourras la retrouver. Je ne dis pas que ce sera facile, ou même une certitude de la retrouver, mais tu dois essayer.
- C'est à ce sujet que je viens vous voir. J'ai retrouvé votre adresse parmi des documents de ma mère, qui ressemblaient à une enquête. Je ne sais pas à quel sujet. Peut-être que tout est lié et que vous pouvez m'aider ? Je demande pleine d'espoir.
- Je crains que non, répond-elle, je n'ai aucune idée de mon rapport avec cette histoire. Je sais juste que le meilleur conseil que je puisse te donner, c'est de ne jamais abandonner. Je connais ta mère depuis l'enfance, c'était ma baby-sitter. Elle me gardait le soir après l'école, quand mes parents sortaient le samedi soir,... En grandissant, nous sommes devenues amies malgré notre différence d'âge. Je l'apprécie beaucoup.
- Je suis désolée de dire ça, mais elle ne m'a jamais parlé de vous...
- Je ne peux pas te dire pourquoi... Il est vrai que nous ne nous voyions pas souvent.
- J'ai une théorie... Elle est un peu farfelue je crois...
- Je doute qu'on puisse faire plus farfelu que ce qui se passe en ce moment !
- Vous croyez que ma mère connaissait les risques de « disparition », qu'elle savait que j'allais la chercher en commençant par ça, qu'elle a volontairement donné votre adresse pour que je fasse votre connaissance et que vous me disiez de ne pas me décourager ?
- Eh bien, connaissant ta mère, avec son sens de l'organisation, tout à fait !
- Alors vous êtes sûre de ne pas pouvoir m'aider plus ?
- Je suis désolée, mais malheureusement oui. J'aimerais tellement faire quelque chose, Si tu as besoin d'aide, surtout, n'hésite pas à venir !
- D'accord, merci. Je vais y aller maintenant.
- Avant que tu partes, tu es sûre de n'avoir besoin de rien ? D'argent, de nourriture, d'un toit même ?
- Non merci, c'est gentil. Au revoir !
Je ne voulais pas dépendre d'une inconnue, même s'il s'agissait probablement d'une amie de ma mère.
Encore une fausse piste. Je soupire en m'éloignant de la maison. Le soleil se couche dans mon dos. Encore une journée de perdue. Encore une maudite journée de plus qui m'éloigne de ma mère. Je dois tout recommencer. Je n'ai pas un indice de plus que le premier jour. Quand la retrouverai-je ?
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Rien n'arrive par hasard
Ficção AdolescenteEst-ce que tu t'imagines, te lever un matin, et apprendre que ta mère a disparu ? Moi non plus, je ne l'imaginais pas. Avant que ça arrive. Mais maintenant, je suis seule. Et je dois à tout prix la retrouver. Parce que rien n'arrive par hasard.