Chapitre 2

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Pdv de Sonya

Enfin. Le camp. Ce n'est pas grand chose, un tas de vieilles couvertures dispersées sous l'abri d'une grotte peu profonde, mais c'est au sec et à l'ombre. Je soupire d'aise: je commençais à désespérer d'y arriver un jour. Et le lever du soleil avant notre arrivée n'a rien fait pour arranger les choses, évidemment. Ma couchette est là, à quelques pas d'un vieux chêne au tronc blanc et mort, juste à côté de celle de Harriet. Elle me fait de l'oeil, et en cet instant, j'ai juste envie de me laisser tomber sur les couvertures et de dormir jusqu'à ce que ce foutu soleil ne se couche et cesse de nous taper sur le crâne.

Mais je me rembrunis en voyant Teresa se dresser face à Thomas d'un air agressif. Avant de dormir, il faut que je m'assure que ce dernier ait tout ce qu'il lui faut. Et que mon amie ne l'éventre pas. A ce que je sache, il n'est pas encore prévu de le tuer aujourd'hui. J'attrape donc vite fait quelques barres de céréales et une bouteille d'eau sur le tas de nourriture, et je rejoins le petit groupe qui entoure le prisonnier.

Sur un ordre manifeste de Teresa, l'une des filles a sorti une corde et entreprit de lier le torse de Thomas a mon arbre voisin. Génial. Pourtant, et à ma plus grande surprise, il ne montre aucun signe de résistance. Je sais qu'à sa place, même entourée d'une douzaine de garçons prêts à me faire la peau, je tenterai tout pour m'échapper. Mais en même temps, il a raison: ça lui évite bien des souffrances, de se montrer docile.

- Donnez-lui à manger, ou il va geindre toute la journée et nous empêcher de dormir", lâche Teresa, tout le venin qu'elle semble posséder dans la voix.

Je gromelle intérieurement. Ce pauvre garçon est déjà condamné à mort, est-t-il vraiment nécessaire de se montrer si désagréable avec lui? J'avoue que je serais curieuse de savoir ce que Thomas lui a fait pour que cette fille se montre si hostile à son égard. Mais bon, ce n'est pas mon problème. J'ai déjà dit que je ne voulais pas m'attacher à lui. Alors je lui fourre les victuailles dans les mains en évitant soigneusement son regard, et je rejoins ma couche à quelques pas.

Harriet est déjà à la sienne. On échange quelques mots furtivement en jetant quelques coups d'œil à Thomas, et il s'avère qu'elle partage mon avis sur le sort réservé à ce dernier. Culpabilité et honte. Mais peu importe. Je ne veut vraiment, vraiment pas m'attacher. Il mourra, quoi qu'il fasses. Alors autant s'éviter des souffrances inutiles.

Le petit Thomas, qui a aussi l'air d'être un petit malin, a bien remarqué les échanges de regards entre Harriet et moi. Comme il a du remarquer que nous avons aussi une certaine influence sur le groupe. Avant Teresa, c'était nous qui le dirigions. Alors il essaye de nous parler, de plaidoyer pour qu'on le laisse en vie. Je laisse Harriet lui répondre, m'allongeant sur le côté, dos à lui. Je ne veux pas lui parler. Je ne veux pas me sentir coupable.

Il continue à supplier jusqu'à ce que Teresa n'arrive et ne le fasses taire. Mais avant qu'il ne la ferme définitivement, j'entend Thomas lui demander ce qu'il a bien pu lui faire pour qu'elle le haisse a ce point. Je lève la tête, curieuse: moi aussi, ça m'intéresserait de savoir ce que qu il c'est passé pour que Teresa lui en veuille autant. Mais elle esquive la question, et le laisse a son arbre, partant comme une furie rejoindre sa couchette a l'autre bout de la petite grotte. Je grogne en reposant la tête sur ce qui me sert d'oreiller: et moi qui croyais avoir enfin une réponse satisfaisante!

Thomas n'émmet plus aucun son. Harriet et les autres dorment, pour la plupart. Allongée sous ma couverture, je commence à somnoler. A plusieurs reprises, les interrogations de la veille me reviennent en tête. Ce garçon, qui n avait rien pour attirer mon attention au milieu du groupe A, mais qui pourtant me fait penser que je passe à côté de quelque chose d'important. Pourquoi cela me perturbe-t-il autant? Je soupire, et me retourne. Quoi qu'il y ait a réfléchir, je le ferai a tête reposée, après quelques heures de repos. Alors, fatiguée comme je le suis et préssentant qu'il vaut mieux pour moi que je dispose de toutes mes forces demain, je me laisse aussi aller au sommeil, espérant qu'il serait long et réparateur.

Je me trompais.

*** Un train. Je suis dans un train. Assise sur mon siège, côté fenêtre, je ne regarde pas par celle-ci. Le monde au dehors est trop moche et trop effrayant pour que j'ai envie de le regarder. Du coup, je regarde d'un air effrayé les gardes dans le wagon, tous dans des grosses combinaisons vertes qui les font ressembler à des insectes géants. Ils me font peur aussi. D'autres enfants, qui ont l'air d'avoir a peu près mon âge, cinq ou six tout au plus, sont installés sur les autres sièges. Mais je ne connais aucun d'entre eux, et maintenant, tout ce que je ne connais pas m'effraie. Il ne reste qu une seule personne qui ne me fait pas peur. Il est assis à côté de moi, l air tranquille. Je sais qu'il a peur aussi. Mais pour moi, je le sais, il ne laissera rien paraître. Il regarde le wagon avec intérêt, prétendant s'intéresser à son environnement. Mais je sait a quoi il pense. Papa. Maman. Rien qu'à dire leurs noms dans ma tête , je me met à pleurer. Il se retourne vers moi, ses cheveux blonds en bataille, ses yeux bruns emplis de sollicitude.

"Lizzie?"

Je n'arrête pas de pleurer. Alors il me prends dans ses bras, et me sers fort contre lui en chuchotant dans mon oreille d'une voix qui lutte pour ne pas craquer aussi:

" Ça va aller, Lizzie, ça va aller. On va s'en sortir."

Il me berce dans ses bras jusqu'à ce que j'arrête de pleurer. Puis il me lâche, et me sourit tristement. Mais ce n'est plus lui qui me sourit.

C'est le garçon blond du groupe A. ***

- Isaac!

Ce n'est qu'un murmure sifflant qui s'échappe de mes lèvres, au moment où je me réveille en sursaut. Je me redresse, le souffle court, pantelante. Que c'est il passé? Je regarde autour de moi, inquiète de savoir si quelqu'un ma entendue. Tout le monde dort, même Thomas accroché à son arbre. L'angle de l'éclairage et la chaleur m'indiquent clairement que je suis loin d'avoir atteint mon quota de sommeil.

Je me laisse retomber sur mon oreiller. C'était quoi ça? Un rêve? Un souvenir? Bizarre... on aurait dit le flash qui m est revenu en mémoire peu avant que l'on atteigne le camp, mais en plus détaillé... Et ce nom, là, Isaac. Il m'est familier, maintenant. Qui est ce? Le garçon du train? Celui du groupe A?

Me rendant compte des bêtises que je suis en train d'envisager, je m'arrête net. Puis je ricane, me moquant de moi même. Depuis quand prend on ses rêves pour une réalité? Je dois vraiment commencer à perdre les pédales, si je me met à croire que mes songes sont des souvenirs. Surtout si je compare les gens qui y interviennent à de pauvres garçons à moitié morts de faim et de sécheresse sur la Terre Brûlée. C'est tout bonnement ridicule.

Je soupire, et me retourne pour essayer de me rendormir. Mais j ai beau changer de positions un bon milier de fois, je n'y arrive pas. Exaspérée,  je me redresse en tailleur, et me prend la tête a deux mains. Bon sang, mais qu'est ce qui m'arrive?

Je baisse les yeux sur mon poignet gauche. La, au milieu de l'entrelacs de veines qui s'y dessinent, une petite cicatrice circulaire, presque invisible si l on n'y prends garde. La marque que m a laissé cette saloperie de Griffeur lorsqu'il m'a piquée. On dit que la Transformation ramène à la surface des souvenirs de notre vie d'avant. Personnellement, tout ce donc je me rappelle de la mienne, c'est de l'horreur du monde extérieur qui m'est revenue par images. Rien que notre escapade sur la Terre Brûlée contredise. Mais... Et si d'autres souvenirs me revenaient maintenant? Ça n'est sûrement pas impossible. Avec leur capacité de contrôler notre memoire, rien n'est impossible au WICKED.

Je me me laisse retomber sur le dos, agacée. Que ce soit cette scène dans le train, le prénom Isaac ou le mystérieux blond du groupe A, ça devra attendre que Harriet se réveille. J'ai besoin d'en parler, afin de réfléchir sereinement et d'explorer toutes les possibilités sans me croire complètement folle.

La décision d'en parler à mon amie m'a légèrement apaisée. Et, alors que je recommence à somnoler,  deux questions restent en suspens.

Premierement: Mon rêve était il un souvenir de la Transformation ou un simple rêve?

Et deuxièmement: Si il s'agit réellement d'un souvenir, qui est le garçon aux cheveux blonds du train, et celui du groupe A?

Newt et Sonya: un lien retrouvéOù les histoires vivent. Découvrez maintenant