OS48 Tu n'es pas revenue (partie 1)

1.4K 76 18
                                    

Harold était dans la Grande Salle, assis à une table, dans un coin sombre. Seul. Son visage était fermé, son expression très sombre et il fixait le contenu de sa chope sans le voir. Il ne réagit pas quand Gueulfor s'assit en face de lui.

Le forgeron observa son ancien apprenti un instant, attendant un mouvement de sa part et soupira quand il vit qu'il ne tirait rien de lui.

-Ecoutes Harold, commença-t-il. Je ne pense pas que tu devrais t'isoler comme ça. Ça te fait du mal.

Harold ne répondit pas, les yeux toujours fixés sur sa chope.

-Harold, soupira Gueulfor. Tu sais très bien qu-

-Il me manque Gueulfor, le coupa Harold sans esquisser le moindre geste.

Le forgeron soupira, les yeux tristes.

-A moi aussi gamin, il me manque aussi, répondit-il. Mais ça ne doit pas nous arrêter. Il ne voudrait pas que tu t'apitoies sur son sort comme ça. Je suis sûr que s'il était là, il te secouerait pour te dire de te bouger et de ne pas rester là à broyer du noir.

Harold ne répondit pas mais ferma les yeux. Stoïk lui manquait horriblement. Il n'avait beau pas toujours avoir été le meilleur des pères, Harold avait toujours eu une figure à laquelle se référer. Et aujourd'hui, il n'y avait plus personne. C'était lui qui se retrouvait chef, c'était vers lui que les villageois se tournaient. Et il avait beau apprécier le soutien de son village, son cœur se broyait à chaque fois qu'il entendait son peuple l'appeler « Chef ». A chaque fois, il se faisait violence pour ne pas se retourner vers son père, sachant qu'il ne rencontrerait que le vide ou un Krokmou étonné.

Harold serra les paupières et finit par s'animer. Il but sa chope d'un trait. L'expression triste de Gueulfor se fit encore plus sombre.

-Harold, je ne crois pas non plus que te noyer dans l'alcool réglera tes problèmes, dit-il.

-Pour l'instant, c'est tout ce que j'ai, répliqua Harold en remplissant de nouveau sa chope.

Gueulfor ne répondit rien. Cela ne servait à rien d'argumenter avec Harold maintenant. Cela ne ferait qu'empirer son état.

Le forgeron observa son ancien apprenti boire jusqu'à ne plus en pouvoir, pour oublier sa tristesse. Finalement, après une dizaine de chopes entières, Harold se trouvait dans un état presque inconscient, affalé sur la table.

-Ecoute Harold, commença Gueulfor. Tu devrais rentrer.

Le brun ne répondit pas, ni ne bougea. Le forgeron commença à croire qu'il s'était endormi sur la table mais il finit par lui répondre :

-Je sais Gueulfor, soupira Harold. Mais je n'en ai pas envie.

Gueulfor soupira à son tour et observa la Grande Salle, à la recherche de quelqu'un qui pourrait tirer Harold de là. Il repéra facilement Valka grâce à son immense dragon et lui fit signe pour attirer son attention. Les yeux verts de Valka se posèrent sur lui rapidement. Vivre autant de temps avec les dragons devaient avoir affutées ses sens. Le forgeron lui désigna son fils et elle comprit ce qu'il voulait lui dire. Elle s'excusa auprès des Vikings avec lesquels elle discutait et s'approcha rapidement.

Elle prit doucement Harold par les épaules et le secoua pour le faire revenir à la réalité.

-Harold, tu dois rentrer maintenant, dit-elle d'une voix calme. Tu n'es pas en état de rester ici.

Il grogna et se dégagea d'un mouvement sec.

-Je ne veux pas rentrer, protesta-t-il.

Il n'y arrivait plus. Rentrer tous les soirs chez lui, pour ne retrouver personne dans la maison le rongeait de l'intérieur. La hutte était vide, calme, beaucoup trop calme pour qu'Harold puisse oublier que son père n'était plus avec lui.

-Harold, tu dois rentrer, insista Valka en le secouant un peu plus. Tu dois aller te coucher.

-Maman, laisse-moi tranquille, répliqua Harold d'une voix plus dure.

-Harold, tu-

-Laisse-moi tranquille ! s'exclama soudain Harold, faisant sursauter Gueulfor.

Valka se figea. Son fils la fixait avec colère. Le silence régna avant qu'Harold ne se dégage de nouveau, brutalement.

-Je ne veux pas rentrer, reprit-il, toujours d'une voix dure. Rentre, toi, puisque c'est si facile.

Une immense tristesse vint voiler les yeux de Valka et ses bras tombèrent le long de son corps.

-Harold, ce n'est p-

-C'est dur, la coupa Harold, le regard sombre. Je n'arrive plus à parler avec les villageois sans être au bord des larmes. Et toi...toi, j'ai l'impression que tu es déjà passé au-dessus !

-Harold, j'essaye de-

-Tu es partie il y a 20 ans ! explosa Harold. Tu es partie il y a 20 ans et jamais tu n'es revenue ! Quand tu as vu que Jumper ne te ferait pas de mal, qu'est-ce que tu as pensé en premier ?! Est-ce c'était « Je vais pouvoir rentrer sur Beurk, auprès de mes amis et de ma famille » ?! Non, la première chose qui t'ait passé par l'esprit, c'est que tu allais pouvoir protéger les dragons !! Je ne dis pas que ce que tu as accompli durant ces 20 dernières années n'est pas admirable ! Mais pendant que tu faisais tout ça, que tu dressais des dragons, j'étais seul ! Tu m'as laissé tout seul ! Avant que Krokmou n'arrive sur Beurk, il ne m'adressait presque jamais la parole ! J'ai été humilié par le village pendant des années et des années, alors que tu étais de ton côté à sauver des dragons ! Si tu étais restée, tout aurait été différent ! Peut-être que la guerre aurait pu prendre fin plus tôt ! Peut-être qu'on aurait pu éviter toutes ces victimes ! Peut-être qu'on aurait pu stopper Drago autrement et plus tôt ! Peut-être même que Papa ne serait même pas mort !!

Harold termina sa tirade, les yeux sombres. Valka avait une expression choquée sur le visage et avait reculé d'un pas. Le silence s'était fait dans la Grande Salle. Tous les villageois présents s'étaient tus, observant la dispute.

Finalement, une personne sortit de la foule et se dirigea à grands pas vers Harold. Astrid s'approcha doucement du brun et prit sa main, prudente.

Dès qu'il sentit la main d'Astrid dans la sienne, Harold laissa la pression prendre le dessus et les larmes commencèrent à couler sur ses joues.

-Aller, viens Harold, dit-elle doucement. Tu dormiras chez moi.

Harold hocha la tête lentement et suivit sa fiancée, s'appuyant sur elle, alors que Valka restait figée.

Peu à peu, le brouhaha habituel reprit dans la Grande Salle.

-Valka..., commença Gueulfor en posant sa main sur l'épaule de la Viking.

-Laisse Gueulfor, ce n'est pas grave..., le coupa Valka en baissant la tête, les larmes perlant au coin de ses yeux.

-Il est sous l'emprise de l'alcool, insista Gueulfor. Il ne pense pas ce qu'il dit.

-Je sais, répondit-elle. Mais il a raison. Si je n'étais pas parti, tout ce serait passé autrement...

Le forgeron baissa la tête et s'éloigna. Il ne tirerait rien des Haddock ce soir-là. Mais demain était un autre jour, pas vrai ? Enfin, il espérait.



Si tu voulais m'aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant